Cercueil de Nouvelles, tome 2 : Punk's not dead

À l'école de police, on enseigne aux cadets à se servir d'un tableur plutôt que de leur cervelle. La flicaille s'embourgeoise. Il en va désormais de la police comme de l'agroalimentaire : la volaille ne s'élève plus au plein air, mais en lieu clos.
Une détresse non quantifiable encombre les rues, quoi qu'en disent les graphiques. Nos villes tentaculaires sont des égouts que rien ne saurait curer. Hormis nous, les artisans du crime.
Les privés.
(in "Voodoo doll")

Fourbu, la Mort se retire dans son étude. Pour y découvrir que hélas, en son absence, Maître M. a dû faire preuve de trésors d'ingéniosité pour trouver une place à pléthore d'esprits SDF. Aussi son bureau est-il congestionné de linceuls reconvertis en hamacs, d'où montent des ronflements.
(in "Sale petite peste")

[Brenn] Ouais, j’ai voté pour Nouvelle France. Et même que je le referais, mais pas pour les mêmes raisons. Qu’est-ce qui m’a poussé à les soutenir ? J’voulais du changement. Ah pour ça, j’ai été servi. Par Teutatès, j’reconnais plus mon propre pays !
[Cindy Serdan] Mon analyse rétrospective sur l’arrivée de Nouvelle France au pouvoir ? Voyons… « Pays de cons » serait une bonne formulation : simple, concise, suffisamment évocatrice. Non, je n’avais pas voté à ces élections. À cette époque, je passais mes dimanches à me vernir les ongles.
[Brenn] Globalement, le NF a tenu parole. On peut leur faire des reproches. Ouais, c’étaient des cons, mais des cons sincères. Ils croyaient bien faire. C’est ce qui les rendait d’autant plus dangereux. Ils l’ont appliqué, leur foutu programme : fermeture des frontières, arrêt de l’immigration, expulsions, fin du salaire minimum, coupure des allocs… C’est là qu’on s’est rendu compte, mes potes et moi, que dans le programme du NF, y’avait comme qui dirait des subtilités qui nous avaient échappé. Bah, la suite, vous la connaissez…
[Cindy Serdan] « Les cons osent tout. C’est même à cela qu’on les reconnaît. » Non, ce n’est pas de moi, c’est de Michel Audiard, un réalisateur du siècle dernier. Je serais bien en peine de vous fournir un meilleur résumé du programme du NF .

Quelle paix émane des trépassés. leurs muscles se relâchent. Ils descendent, sereins, au Royaume d'automne. Celui de la décomposition. Leurs lèvres racornies se retroussent sur de larges sourires d'émail. Leurs paupières s'écarquillent pour mieux scruter le néant. Sous la pression des gaz digestifs, les bedaines crevées bâillent de longs soupirs. Les organes s'affaissent, pareils à des cosses desséchées. Du charnier, il ne demeure bientôt qu'un lit de compost sur lequel des squelettes dorment du dernier sommeil. Sûr qu'ils filent de doux rêves...

La guerre m'a enseigné bien des leçons, cher payées. Entre autres que les différences de couleur de peau, de religion, de sexualité importent moins qu'un toit, trois repas par jour, des amis... Et l'assurance que mes mouflets grandiront dans un monde en paix.

Jadis cette ville s'appelait Budapest. Elle était arrogante et gloutonne, comme un ogre de béton et de lumière. Elle ne dormait jamais. Elle crachait ses fumées noires vers le ciel, elle pissait dans l'eau des rivières, elle chiait dans le ventre de la Terre des tonnes et des tonnes d'étrons de pourriture et de plastique.

Pour vous donner une idée de la misère intellectuelle qui était la mienne, je croyais alors que le Brésil était un pays d'Afrique et que Nelson Mandela était l'inventeur de la mandoline.

- Je vous l'ai rappelé 6 fois ce matin...
- Bécasse! L'idée ne vous a pas effleurée que j'aie pu ne pas vous entendre?
- Non. Peut-être parce que vous m'avez répondu, je cite: "Eugénie, veuillez la boucler! Ne voyez-vous pas que je suis débordé?" Juste avant de me donner un aperçu de votre remarquable éloquence. J'ai été soufflée par votre créativité. Littéralement. Monsieur m'avait dissimulé son talent d'artiste. Je salue la succulence de vos sous-entendus sur le métier exercé par ma mère, ou la possible parenté de mon géniteur avec un primate en rut, sans omettre la part jouée par pareille ascendance dans mon état de déliquescence mentale. Très subtil. J'en ai déduit, hâtivement peut-être, que vous ne souhaitiez pas être dérangé...

Impossible d'ignorer les innombrables symptômes d'une société malade. Le saccage organisé de la planète. L'anesthésie de l'opinion par injection quotidienne de médiocrité. La démographie galopante. Les inégalités croissantes. Le consumérisme aveugle.
S'il n'était si tristement vrai, notre monde ressemblerait à une histoire bancale, l' oeuvre confuse d'un scénariste brouillon.

Le punk n'a rien à voir avec tes pompes ou la teinture de tes cheveux (...) En fait, le punk rock, c'est traiter tous les êtres humains de façon exemplaire. C'est pas d'être un fouteur de merde, comme plein de crétins s'imaginent que c'était le cas il y a 20 ans.

Joe Strummer (The Clash)