De tous les arts de l'ameublement, il n'en est aucun qui soit plus ancien que celui de tisser des étoffes. Il n'en est pas non plus qui rende plus de services. L'étoffe, en effet, ne se borne pas à constituer dans nos habitations un élément de décoration essentiel, elle joue encore un rôle d'une indéniable utilité, par la multitude d'emplois auxquels elle se prête. Sous forme de tentures, de rideaux, de portières, elle clôt les portes et les fenêtres, prévient les courants d'air et nous préserve ainsi de la rigueur du froid et de l'extrême chaleur. Sous forme de tapis, elle empêche qu'on ne sente l'humidité du sol, et rend la marche agréable et moelleuse. Comme couverture de sièges ou de lits, elle enlève au bois, au métal, au marbre, leur dureté inhospitalière. Enfin, utilisée comme draperie, elle orne à merveille les murailles en leur communiquant un aspect de richesse et de confortable qu'on demanderait vainement à une autre matière.
Rien n'est moins compliqué, rien n'est plus primitif que l'ensemble des procédés employés dans la fabrication de la tapisserie de haute lice. Tout récemment, à la tribune même du parlement, l'éminent président de la chambre de commerce de Lyon proclamait que la façon de tisser usitée aujourd'hui aux Gobelins ne s'éloigne pas sensiblement de celle que les tapissiers coptes employaient aux premiers siècles de notre ère. Les rares documents antiques, égyptiens ou grecs, qui nous montrent des métiers de tapisserie, confirment, au surplus, l'affirmation de M. Aynard, et la technique pratiquée encore à l'heure actuelle sous la tente arabe, atteste que les peuples pasteurs, comme les nations les plus industrieuses, sont demeurés fidèles à un mode de fabrication qui est, somme toute, presque aussi ancien que notre civilisation.
Ajoutons que le travail du tapissier l'emporte encore sur celui du tisserand, en ce qu'il ne copie pas mécaniquement le modèle qui lui est fourni, mais l'interprète presque toujours, et souvent le transpose. Ce serait méconnaître la nature et les lois de son art, que d'exiger du tapissier la traduction littérale du carton que le peintre lui livre. A plus forte raison doit-on regarder comme une sorte de contresens de lui demander la reproduction servile d'un tableau qui n'a été ni exécuté ni conçu pour être interprété en tapisserie
A Rome, les tapisseries n'étaient pas moins estimées qu'en Grèce et en Orient. L'usage d'en couvrir les murailles et même les voûtes et les plafonds, leur avait fait donner le surnom de vestis (vêtement).
Le tapissier, en outre, doit être assez bon dessinateur pour suppléer aux lacunes de dessin que peut présenter le carton livré par le peintre.