Le XXème siècle a produit deux cerveaux de légende.
Tout le monde connait
Albert Einstein et sa mythique moustache ou sa collaboration à la mise au point de la première bombe atomique, selon le point de vue où l'on se place.
Hawking est moins célèbre aux yeux du grand public, je veux parler de cette majorité qui s'endort chaque soir sans se poser les questions essentielles :
Qu'y avait-il avant le commencement ?
Quelle est la taille de l'univers ?
Le temps est-il linéaire, a-t-il un début, une fin ?
Pourquoi la matière s'organise-t-elle autour de quatre grandes forces ?
Enfin, LA question à mille francs : pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ?
Stephen Hawking est un personnage.
Brillant étudiant en physique quantique, il n'a pas 22 ans lorsqu'on lui diagnostique une maladie pernicieuse : une forme rare de sclérose latérale.
Les médecins ne lui accordent pas plus de 2 ans à vivre.
Deux ans pour tenter d'élaborer une loi qui engloberait tout, qui expliquerait l'infiniment grand tout comme l'infiniment petit (le graal de tout bon physicien qui se respecte) sous la forme d'une belle équation que l'on pourrait graver dans le marbre.
Deux ans pour résoudre autant de ces questions essentielles qui ont la particularité d'en poser de nouvelles dès lors qu'on tente de lever le voile.
C'était en 1962. Stephen est mort en 2018. La médecine n'est décidément pas une science exacte qui, elle, ne pourra décidément jamais se décrire sous une quelconque forme mathématique. Stephen restera toute sa vie dans un fauteuil roulant, ayant mis au point un appareil capable de parler à sa place.
Si son corps n'est qu'une tourmente désarticulée, son esprit reste vif comme un poignard sur le point de frapper.
Une brève histoire du temps s'adresse à un large public. Hawking a mis un point d'honneur à n'y glisser qu'une seule équation, la plus connue (merci Albert !). Simplement, passé le premier chapitre, le naturel revient au grand galop et même si Hawking parvient à éviter une glose de spécialiste, il ne peut s'empêcher de jongler jusqu'au vertige avec des abstractions théoriques de haute volée. On frémit lorsque l'auteur reconnait que son premier ouvrage, écrit à quatre mains avec son collègue
Roger Penrose, est largement plus difficile d'accès.
A sa décharge, reconnaissons qu'il est ardu d'expliquer la mécanique quantique,
la relativité restreinte, la courbure de l'espace-temps, la fiche signalétique des trous noirs, l'expansion de l'univers ou les particules élémentaires sans avoir recours à une abstraction forcée.
Cela dépasse l'entendement. Il faut être né dedans pour s'y sentir à l'aise. Et tout le monde n'a pas le talent pédagogique d'un
Hubert Reeves.
L'éditeur a cru bon d'insérer une dizaine de pages de croquis, pour mieux faire passer le message. Hum, je trouve ces représentations encore plus obscures que le texte lui-même !
La grande affaire de Hawking restera les fameux trous noirs, cette « singularité » dans l'espace où toutes les lois connues de la physique ne s'appliquent plus (comme au temps du Big Bang).
Il décrit également le principe d'entropie qui veut que, selon le second principe de la thermodynamique, l'univers gagne en désorganisation au fur et à mesure qu'il se complexifie. Pour alimenter ce paradoxe, Hawking explique que lorsque nous enregistrons un fait dans notre mémoire, nous gagnons un certain ordre : nous pouvons nous rappeler un souvenir, mais que l'énergie nécessaire à une telle prouesse, générant ainsi du chaos, est largement plus importante que l'ordre gagné.
Quand il évoque l'expansion de l'univers, on peut suivre en se concentrant un brin mais dès que l'on passe à la sulfureuse théorie des cordes ou la recherche du fameux boson de Higgs, il est déjà plus difficile de coller au train.
Reste tout de même une base à toute réflexion d'ordre philosophique, même si cette brève histoire du temps commence à dater (fin des années 80). Depuis, les chercheurs ont fait des bonds de géant grâce à l'action combinée des ordinateurs surpuissants et des télescopes lorgnant vers les confins de l'univers, donc aux sources du commencement, le fameux Big Bang.
Car, c'est la principale leçon de ces pages un tantinet obtuses, l'espace et le temps sont liés.