La vie devait être tellement plus simple pour les alcooliques jaloux, avant les e-mails, les textos et les téléphones portables, avant l'ère de l'électronique et toutes les traces que cela laisse. (p.149)
Parfois, je n'ai envie d'aller nulle part, j'ai l'impression que je serais heureuse de n'avoir plus jamais à remettre les pieds dehors.
La vie n'est pas un paragraphe et la mort n'est pas une citation.
La vie n'est pas un paragraphe et la mort n'est pas une parenthèse
Mon gin tonic en canette frémit quand je le porte à mes lèvres pour en prendre une gorgée, fraîche et acidulée : le goût de mes toutes premières vacances avec Tom, dans un village de pêcheurs sur la côte basque, en 2005. Le matin, on nageait les sept cent mètres qui nous séparaient d’une petite île pour aller faire l’amour sur des plages secrètes ; l’après-midi, on s’asseyait au bar et on buvait des gin tonics amers, très alcoolisés, en regardant des nuées de footballeurs du dimanche faire des parties à vingt-cinq contre vingt-cinq sur le sable mouillé.
Je prends une autre gorgée, puis une troisième ; la canette est déjà à moitié vide mais ce n’est pas grave, j’en ai trois autres dans le sac en plastique à mes pieds. C’est vendredi, alors je n’ai pas à culpabiliser de boire dans le train.
Parfois, je me surprends à essayer de me souvenir de la dernière fois que j’ai eu un contact physique un tant soit peu significatif avec quelqu’un, la dernière fois qu’on m’a offert une simple étreinte ou qu’on m’a serré la main avec affection, et mon cœur se crispe.
Comme si je jouais à la vie au lieu de vivre pour de vrai.
La vie n'est pas un paragraphe et la mort n'est pas une parenthèse.
- L’autre jour, quand on est allés au lac, reprend-il. Tu as cru que tu avais une chance, non ?
Il se met à rire.
- J’ai raison, pas vrai ? Tu me regardais avec tes grands yeux implorants… J’aurais pu te sauter, n’est-ce pas ? C’est tellement facile, avec toi.
Je me mords la lèvre, fort. Il se rapproche à nouveau.
- Tu ressembles à ces chiens abandonnés, ceux qui se sont fait maltraiter toute leur vie. On peut les frapper encore et encore, ils reviennent toujours en remuant la queue. Ils reviennent quémander en espérant que, cette fois, ce sera différent, que, cette fois, ils feront ce qu’il faut et qu’on les aimera enfin. Tu es exactement comme ça, pas vrai, Rach ? Un clébard.
Le vide : voilà bien une chose que je comprends. Je commence à croire qu’il n’y a rien à faire pour le réparer. C’est ce que m’ont appris mes séances de psy : les manques dans ma vie seront éternels. Il faut grandir autour d’eux, comme les racines d’un arbre autour d’un bloc de béton ; on se façonne malgré les creux.