Citations sur Dans la forêt (850)
Ma soeur danse donc et la maison brûle, et je griffonne ces quelques derniers mots à la lueur de son embrasement .Je sais que je devrais jeter cette histoire ,aussi,dans les flammes.Mais je suis encore trop une conteuse d'histoires--ou du moins une gardienne d'histoires--je suis encore trop la fille de mon père pour brûler ces pages.
Le vent se lève à présent et le bébé se réveille. Bientôt nous traverseront tous les trois la clairière et entrerons dans la forêt pour de bon.( 301).
Eli et moi avons détalé comme des enfants qu'on libère, couru à perdre haleine et ri en traversant la cour lumineuse gorgée de pluie. Nous sommes passés devant l'atelier et quand nous avons sauté par - dessus le cercle pourrissant des tulipes de l'an dernier j'ai cru ressentir un bref tiraillement .Mais je m'en suis débarrassée comme un chien qui s'ébroue pour secouer l'eau de son pelage et je suis entréedans la forêt avec Eli.
Après toute cette pluie,les bois étaient humides--vaporeux et voluptueux dans la soudaine générosité de la lumière du soleil,et je me suis sentie à la fois déroutée et emplie d'une vie nouvelle,comme si je venais de me réveiller après une longue maladie.L'eau gouttait de toutes les feuilles et brindilles ,un après-la-pluie étincelant qui gazouillait tel un lointain ruisseau,tandis que celui tout proche bouillonnait à la manière d'une rivière. ( Page 150).
C'est étrange ,d'écrire ces premiers mots,comme si je me penchais par -dessus le silence moisi d'un puits,et que je voyais mon visage apparaitre à la surface de l'eau--tout petit et se présentant sous un angle si inhabituel que je suis surprise de constater qu'il s'agit de mon reflet .Après tout ce temps un stylo a quelque chose de raide et d'encombrant dans ma main.Et je dois avouer que ce cahier ,avec ces pages blanches pareilles à une immense étendue vierge ,m'apparaît presque plus comme une menace que comme un cadeau -- car que pourrais-je y relater dont le souvenir ne sera pas douloureux? ( Page 9).
Ma soeur danse donc et la maison morte brûle, et je griffonne ces quelques derniers mots à la lueur de son embrasement.
Je suis juste un noyau, un grain, un bout de charbon de bois enfoncé dans un morceau de chair qui respire, qui écoute la pluie. Ma vie emplit cet endroit, elle n'est plus pauvre, ni perdue, ni volée, ni j'attend plus de commencer.
Nous sommes cernées par la violence, par la colère et le danger, aussi sûrement que nous sommes entourées par la forêt. La forêt a tué notre père, et de cette forêt viendra l'homme - ou les hommes - qui nous tueront.
Quand je pense à la façon dont nous vivions, à la désinvolture avec laquelle nous usions les choses, je suis à la fois atterrée et pleine de nostalgie. Je me souviens d’avoir vidé des poubelles à papier qui auraient tout d’un trésor aujourd’hui-des corbeilles remplies des cylindres en cartons des rouleaux de papier toilette, de vieux Kleenex, de crayons cassés, de trombones tordus, de feuilles de cahier froissées et de sacs en plastique vides.
Je me demande, a dit Eva en se levant pour recommencer à danser, pourquoi qui que ce soit voudrait marcher sur l'eau... alors qu'on peut danser sur la terre.
Petit à petit, la forêt que je parcours devient mienne, non parce que je la possède, mais parce que je finis par la connaître. Je la vois différemment maintenant. Je commence à saisir sa diversité - dans la forme des feuilles, l'organisation des pétales, le million de nuances de vert. Je commence à comprendre sa logique et à percevoir son mystère. Où que j'aille, j'essaie de noter ce qu'il y a autour de moi - un massif de menthe, une touffe de fenouil, un buisson de manzanita ou un champ d'amarante à ramasser maintenant ou plus tard quand je reviendrai, quand le besoin se fera sentir ou ce que sera la saison.
N'oublie pas que c'est à toi. Que ce corps est le tien. Personne ne pourra te le prendre, si seulement tu l'acceptes toi-même, le revendique à nouveau.