Nell et Eva, deux jeunes filles ordinaires, rêvent d'un avenir aventureux, l'une à Harvard, l'autre dans un ballet. Quand l'électricité, le téléphone et l'essence ont commencé à faire défaut, elles ne savent pas encore qu'elles vont pourtant vive l'aventure de leur vie
dans la forêt où elles jouaient insouciantes il y a encore quelque années.
A travers le journal que tient Eva, nous revivrons avec elle ces moments d'incertitude, de déni, de sidération qui se sont succédé au fur et à mesure que le monde qu'elle connaissait disparaissait. Parce que ce fut insidieux, discret, parce que les signes, pourtant visibles, n'étaient pas compris ou qu'ils étaient occultés par une envie de ne pas comprendre.
Et nous assisterons à ce moment déclic où les deux soeurs, plus proches que jamais, se rendront compte qu'elles doivent réinventer la naissance de l'humanité, recréer un nouveau monde qui n'appartiendra qu'à elles seules.
Dans la forêt est une dystopie très efficace, car peu éloignée de notre réalité. le monde que l'on connait disparaît, mais pas à cause d'une invasion quelconque d'extra-terrestres, pas à cause de l'éruption inopinée d'un volcan qu'on avait oublié, pas à cause d'un tremblement de terre d'envergure, pas à cause d'une guerre nucléaire non maîtrisée... On ne saura d'ailleurs jamais vraiment comment tout à commencé, mais on peut le deviner rien qu'en jetant un regard critique sur notre monde à nous.
Jean Hegland a réussit ici un tour de force magistral en ne partant que de ce qui est connu, ce qui est réel aujourd'hui et en a démonté toutes les couches, point par point, croyance par croyance, objet par objet. Forçant ainsi le lecteur à entrer lui-même
dans la forêt, se posant les bonnes questions, testant son propre courage, sa propre volonté à faire changer les choses, sa propre foi en l'avenir, par définition incertain.
C'est avec une écriture proche par moment de la poésie que l'autrice dégage le bon grain de l'ivraie, l'essentiel de l'accessoire, la lumière de la noirceur. Une lecture forte, riche, presque comme un coup de poing dont le lecteur gardera, certainement, et peut-être heureusement, des séquelles pendant longtemps.