Marie de Hennezel rapporte ici, en épisodes de vie/mort entrecroisés, sous une forme accessible à tous quoique exigeante, son expérience dans le premier service de soins palliatifs, dans un service de patients atteints du SIDA, ou dans sa vie personnelle.
Marie de Hennezel comprend vite que la réserve et l'absence d'empathie de la psychanalyse ne sont ici qu'un bagage superflu, elle se forme à l'haptonomie.
On est en 1995, ne l'oublions pas, la médecine, dans ses aspects techniques, humains et juridiques, a énormément évolué depuis. Mais le propos général reste parfaitement d'actualité, car la mort, elle, est toujours là: comment accompagner les patients en fin de vie, comment vivre sa mort, spiritualité ou pas, pour qu'elle soit un acte de vie.
Dans Une mort intime, elle nous fait partager le chemin vers la mort d'une poignée patients, qui permettent d'illustrer son propos: il ne s'agit pas d'accompagner un corps souffrant, mais une personne qui est là jusqu'au dernier instant.
Cette gageur est pleinement réussie: ses "personnages " existent, ils sont là avec leur personnalité, leurs angoisses, leurs forces et leurs faiblesses, vivants. Et on est impressionné de cet accompagnement profondément humain, épris de vérité comme de tendresse, qui leur permet de passer ce cap dans le meilleur confort possible, parfois même comme une épiphanie.
L'ouvrage est assez court, ce qui est judicieux car la lecture est si "émotionnelle" devant ces situations impitoyables, qu'il aurait sans doute été difficile d'en lire beaucoup plus. Sans qu'elle ne joue jamais sur le pathos, on est perpétuellement renvoyé à ses représentations et fantasmes personnels, à des vécus plus ou moins douloureux. Au-delà de cette expérience personnelle qui constitue comme un terreau,
Marie de Hennezel nous emmène doucement mais fermement vers l'introspection et la réflexion. Ce sont les buts réels de cet ouvrage : la remise en question du lecteur, de son rapport à la mort, la sienne comme celle des autres, la levée d'un tabou qui quoi qu'on en dise crânement nous emprisonne tous. C'est pleinement réussi, on découvre des choses en soi.
C'est une lecture dure, mais il ne faut pas hésiter à s'y confronter (juste un bémol, qu'elle n'ait pas parlé aussi de ses échecs).