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3,6

sur 69 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Bon 100 de boue Ah ! Je cherchais une lecture originale quand je suis tombée sur ce livre édité par Monsieur Toussaint-Louverture. Je me suis dit que c'était forcément une valeur sûre… Eh bien quelle migraine, mes amis ! Il a fallu s'y mettre à deux, avec mon mari, pour en voir le bout. En gros, on est dans un monde post-apocalyptique depuis tellement longtemps qu'on a oublié ce qui s'est réellement passé. Les peuplades semblent quasi primitives : Par incapacité à progresser de nouveau ou par peur de reproduire le passé ? Et cette peur, serait-elle entretenue par quelques-uns qui détiennent la mémoire, pour maintenir le nouveau monde tel qu'il est ? Comment font-ils pour dissuader la population de rechercher la vieille vérité enfouie ? Pourtant l'homme étant ce qu'il est, des rumeurs circulent encore sur le temps d'avant ; et si des spectacles « officiels » propagent la bonne parole, des légendes populaires se forment comme pour conserver l'amer moir… Seulement voilà, lorsqu'une civilisation périclite, le langage aussi, alors les concepts sont plus difficiles à appréhender, pour les personnages comme pour le lecteur… Car le narrateur est un enfant de 12 ans en quête de vérité et pour l'amer moir, il écrit son histoire… dans son jus.
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« A quoi bon la nuit c'est just du noir ça sert à rien quaux voyous qui voull nous taquet par sur prise et pillé nos prop piétés. Ils perdir l'amer moir de ce quété la nuit. Ils voulur just le jour toul tant et ils allé le fer avec les Chants Bardes. Ils avaient les N° du soleil et de la lune tout fracté et les fir gloutir par les machines. Ils dir : On vamettr tous les N° dans 1 Grand Boum et ce sera le N° des Chants Bardes. Ils bâtir l'Anneau des Nergies cest là où on voit le Cra Terre au jour d'hui. Ils déclenchèrent le Grand Boum et zoom parut un ganrr éclair de lumyer plus ganrr que le monde en tié et la nuit devint le jour. En suite tout dev nu noir. Rien que la nuit des années durant. Des pidémies oxir les genss ».
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Alors comme je suis une fille sympa, je vous la finis en bon François, mais si vous lisez ce livre vous n'aurez pas cette chance : il faudra lire en Parlenigme dans le texte (remerciez-moi, au départ j'avais écrit cette critique intégralement en Parlenigme) ! Un langage entre un babille d'enfant et un patois primitif. Faux couté tentif pour con prendre ce langage qui, pour reconstituer l'histoire, nous raconte des faits et légendes apparemment sans queue ni tête. Les personnages les analysent avec leurs moyens comme on tente d'interpréter la bible ou des textes anciens - et l'on voit à quel point on peut leur faire dire n'importe quoi, tout cela mêlé à la version officielle véhiculée par les spectacles de rue, la censure, et la transformation inhérente aux histoires transmises oralement durant des générations - autant dire le téléphone arabe.
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C'est une lecture pour ceux qui aiment les expériences, et dont l'esprit parvient à reformer rapidement les mots déformés. Ce n'est clairement pas mon cas : je butais à tous les mots, j'avais l'impression de ne pas avancer alors j'ai demandé à mon mari si je pouvais lire à voix haute : ça m'aidait à comprendre des associations phonétiques moins évidentes, mais l'Enigme Marchait toujours au ralenti. Alors Chou a proposé d'essayer à son tour, et finalement on a fini le livre comme ça : en lisant à voix haute à tour de rôle ! Mais le chemin de 300 pages vers la vérité est très long et tortueux ! D'un autre côté, lire trop vite en reconstituant les mots sans prendre le temps de regarder et d'analyser les mots qui les remplacent, c'est je pense amputer cette lecture d'une partie de son intérêt - et gâcher une grosse partie du travail du traducteur. En effet, les mots qui servent à en exprimer d'autres ne sont pas choisis au hasard, qu'il s'agisse de leur sens ou de leur sonorité. Il est donc intéressant parfois de ralentir et d'y prêter attention. Certaines associations phonétiques ou trouvailles lexicales sont particulièrement savoureuses.
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Le plus intéressant demeure que la forme sert évidemment le fond de l'histoire, c'est ce qui donne son sens au texte, et du sens à notre effort de lecture, sans quoi ce ne serait que pur masochisme.
En cela, Enig Marcheur est une oeuvre novatrice. Certains diront sans doute brillante. Mais sur le fond j'ai trouvé lassant que, ajouté au rythme de lecture ralenti par le langage, l'histoire tourne un peu en rond, sans aboutir à de grandes révélations. Et sur la forme, attention aux maux de tête : cela demande une énorme concentration car, même reconstitués, les mots racontent une histoire parfois obscure : ce sont des échanges entre gens issus de peuples revenus à l'âge de fer. J'ai pourtant l'expérience de ce genre de textes, moi qui ai adoré le bruit et la fureur (dont le récit débute dans la tête d'un handicapé mental), Des fleurs pour Algernon (où le récit débutait avec les mots et fautes d'une personne de faible QI), Acid Test (récit entièrement sous acide d'une série de very bad trip), etc… Mais là, vraiment, l'aventure est rude. Chou, m'a fait promettre de ne plus jamais acheter « ce genre de livre bizarre » - et sur le moment j'ai promis sans me faire prier ! Bon courage aux aventuriers du verbe !
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« J'étais bon en orthographe avant d'écrire ce livre ; ce n'est plus le cas maintenant ». (Russel HOBAN)
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Les éditions Monsieur Toussaint Louverture nous offrent, avec Enig Marcheur, un objet-livre de toute beauté. Affublé de trois jaquettes (une rouge avec les chiens, une noire avec le cerf et le cercle qui entoure le tout et la troisième en plastique transparent pour protéger le tout), Enig Marcheur est un livre que l'on ose à peine manipuler. de peur de les abîmer dans mes pérégrinations urbaines, j'ai retiré les jaquettes pendant ma lecture.

Le contenu est tout aussi intrigant puisque ce livre n'a pas été écrit en anglais classique mais en riddleyspeak (Anterre), une langue anglaise postapocalyptique dans laquelle l'orthographe, la grammaire et le sens des mots de la langue de Shakespeare ont été fortement mis à mal. Il aura fallu 32 ans (la publication anglo-saxonne date de 1980) pour qu'un éditeur trouve un traducteur assez fou pour traduire Enig Marcheur en parlénigm.

Cela donne ça :
"Enig y a rien pour toi qui est pas les gendes. le vent dans la nuyt la poussyèr sur la route meumla moindr pyèr que tu frappes du pied devant toi. Même les zombres de la moindr de ces pyèr qui roule ou pas tout est les gendes."

Comment en est-on arrivé là ? Il y a de nombreuses années (je dirais une centaine mais sans trop savoir pourquoi) un "Grand Boum" s'est produit (comprendre : une guerre nucléaire) et les êtres humains qui ont survécu sont retournés à un état de (non)civilisation assez proche de l'âge du fer (d'ailleurs le fer est très important pour eux, ils le récupèrent sur du matériel pré-apocalypse). L'écriture a presque disparu mais pas tout à fait, ce qui permet à Enig de raconter son histoire.

Et ces gens de tenter de mettre des mots sur ce qui s'est passé lors du "Grand Boum". Outre la survie, leur quotidien tourne autour de la "les gendes d'Eusa" avec l'histoire d' "Adom le Ptitome", qu'ils se transmettent de générations en générations, de clans en clans au moyen d'un théâtre ambulant orchestré par le proto-gouvernement qui régit (enfin c'est une façon de parler) ce petit bout de l'"Anterre".

Comme vous pouvez le concevoir, ce livre n'est pas facile à lire. En fait pour arriver à mettre des mots à nous sur cette langue, il faut le lire à voix haute dans sa tête. Cela ne vous donnera toutefois pas toutes les clés pour comprendre le contenu. Personnellement, j'ai eu l'impression d'être confrontée à la misère intellectuelle pendant 280 pages : leur univers, leur intellect est totalement étriqué et tourné dans une sorte de monomanie insupportable vers cette légende d'Eusa qui explique comment le Grand Boum est arrivé (c'est d'autant plus triste qu'en cours de lecture on apprend d'où vient réellement cette légende). A chaque page je me disais, "mais comment peuvent-ils être aussi naïfs ?", "comment peuvent-ils avoir oublié l'avant apocalypse à ce point ?". J'avais l'impression d'avoir affaire à des enfants qui essaient de jouer aux adultes, ne comprenant le plus souvent pas le sens des termes qu'ils utilisent.

Non seulement c'est effrayant, mais en plus c'est difficile à suivre. Je ne vous ferai donc pas l'affront de parler davantage de l'histoire car le fait que je n'en ai pas compris l'intérêt me laisse à penser que je n'en ai pas compris le fond. Ou alors peut-être qu'il n'y a rien d'autre derrière, je ne sais pas, juste une toute toute petite lueur "des spoirs". Mais dans tous les cas, le passé est perdu à tout jamais.

J'ai écrit cette chronique une semaine après avoir terminé le livre et je n'arrive toujours pas à me décider si j'ai apprécié cette histoire ou pas. Ma lecture, non pas trop, sauf le début pour la curiosité et l'attrait de l'originalité de la langue mais elle a été trop laborieuse pour que je puisse dire que j'ai passé un agréable moment, et ce n'était de toute façon sans doute pas le but de l'auteur. Mais l'histoire c'est une autre paire de manches. Il est clair qu'elle ne m'a pas laissé indifférente mais le seul truc que j'arrive à garder en tête c'est cette désertification intellectuelle. C'est un peu comme l'histoire de Charlie dans Des fleurs pour Algernon sauf que c'est avec toute une civilisation que cela se passe... Et c'est triste à mourir.

A noter que le livre est complété par une préface de Will Self, une postface de l'auteur et un glossaire. Tous trois me semblent indispensables pour compléter la lecture.
Lien : https://dragongalactique.com..
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Dans le cadre de Masse Critique sur Babelio, j'ai reçu Enig Marcheur de Russell Hoban. Étant fan de post-apo, j'ai voulu découvrir cet OVNI encensé par beaucoup.

Will Self dit à juste titre dans sa préface que ce roman est exigeant. En effet. Écrit totalement en Parlénigm, une langue inventée par l'auteur, ce livre a longtemps peiné à trouver un éditeur et un traducteur français. Genre 30 ans. Les Éditions Monsieur Toussaint Louverture et Nicolas Richard ont relevé le défi. Je leur tire mon chapeau ! Je pense que Nicolas Richard a du y passer un temps colossal.

Pour ceux d'entre vous qui ont lu Des Fleurs pour Algernon, vous pouvez en partie imaginer ce que c'est de lire Enig Marcheur en Parlénigm. L'auteur a mis 5 ans à écrire ce récit et en a perdu son orthographe !

L'histoire se déroule dans le futur après un holocauste nucléaire. Enig, dont le père vient de mourir, décide de coucher sa vie, ses aventures et certaines légendes par écrit. Dans un monde où l'oralité est la norme, il écrit phonétiquement. le langage ayant évolué avec les ans, certains mots sont devenus difficiles à comprendre.

Le jour de mon nommage pour mes 12 ans je suis passé lance avant et j'ai oxy un sayn glier il été probab le dernyé sayn glier du Bas Luchon. Toute façon y en avé plu eu depuis long tant avant lui et je me tends plu à en revoir d'aurt.

Enig est un livre difficile à lire, mais il est aussi poétique. le héros m'a fait penser à celui de l'Été Machine de Crowley. Un exemple de mot réinventé : "ami" devient "âme mi", joli non ? La peur devient la "preuh", la pleine lune, la "Plaie Lune"...

Je ne vais pas vous mentir, malgré ma très bonne impression sur les premiers chapitres, je ne suis pas allée au bout de la lecture. Elle demandait un effort trop soutenu, et le plaisir de lire s'en ressentait. Pour cela, je ne la compterai pas non plus pour le challenge Fins du monde de Tigger Lilly.

Voilà ce que j'ai pensé de cette expérience Enig Marcheur. Si vous avez du temps, l'envie, et beaucoup de calme pour lire, n'hésitez pas à vous y plonger, et vous me raconterez cette "les gendes".

Lien : http://unpapillondanslalune...
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Effectivement, ceux qui voient le langage ou une oeuvre comme un monolithe, quelque chose d'incorruptible, pourraient bien voir leurs certitudes s'ébranler à la lecture de ce livre. S'ils ne le rangent pas trop vite dans la case "un truc bizarre / mal écrit parce qu'expérimental". Qu'est-ce qu'on tente ici ? On peut s'apercevoir que l'histoire – des personnages qui deux mille cinq cent ans après une guerre nucléaire dans les années 90, tentent une reconstitution d'un passé mythique (notre époque) et du grand boum, un complot s'en mêle – se ramasse à l'intérieur d'un texte où les mots se sont transformés et créent plusieurs entrées de sens. le livre de Russell Hoban est un gigantesque trou noir dans lequel Canterbury (Cambry à l'époque du livre), magnifique ville au charme vétuste, s'est transformé en fange malfamée.

Le texte commence par nous résister – quoi de plus naturel, quand on est confronté à une autre époque de cette façon – en lisant, on entre plus que jamais dans la posture d'un traducteur. On peut le lire à voix haute ou repasser par la tête, il y a toujours plusieurs pistes ; le jeu est de les déchiffrer, disons aussi de défricher un chemin. On peut d'ailleurs constater la prouesse du vrai traducteur, Nicolas Richard, et le travail d'édition toujours très chic, de Monsieur Toussaint Louverture.
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