Il y a des livres comme celui-ci. Des livres qu'on voudrait lire à l'enfant qui est en nous. Des livres comme des étés aux couleurs merveilleuses d'un
retour. Oui il y a bien de la magie dans tout cela. La
rhétorique fabuleuse dont nous parlait
André Dhôtel. On a tant à faire parfois avec le malheur qu'on en oublie souvent de pousser la porte du rêve. On voudrait être toujours résistant, toujours sur le pont, vaincre nos tempêtes, abattre des murs et on oublie, dans le grand fracas que fait autour de nous le monde, on oublie la féerie d'un instant entre aperçu, la fugace intensité d'un battement d'ailes. On oublie l' "émerveille".
Il faut à la fleur un peu de hasard pour vaincre et se voir naître.
Il faut le hasard d'une patte, d'un sabot, d'une plume, la course d'un frelon.
Il faut la discrétion d'un hiver, l'arrêt soudain d'une charrue, l'échappée d'un lièvre, le juste rebond d'une pluie , un nuage intrépide, le soulèvement d'une pierre, le jet d'un caillou, le retrait d'une ombre, la buse sombre chassant la musaraigne , le pas trop long d'un homme, un rameau de fleurs nouvelles.
Il faut du hasard bien sûr à cette fleur, mais il lui faut surtout ce qu'elle réclame, du plus profond de sa terre,
au coeur même de son être, ce qui lui donnera la force de briser son enveloppe, de soulever, à elle seule, une montagne, de percer racines, tourbe, calcaire et lourde motte de glaise.
Il faut qu'elle ait l'idée de ne plus se connaître graine, pour porter au dehors d'elle même son germe , le pousser, le nourrir et le mener au delà de la terre, et, tenter de toucher, ce que certains hommes nomment encore le ciel.
Il lui faut bien plus que du hasard en elle pour ainsi vaincre et se voir naître.
Il faut qu'elle porte en elle l'espoir en certitude, non pas une espérance, non pas un souhait, car en elle ne doit résider aucun regret, non, pas même un simple sentiment, il faut qu'elle soit pleine de l'espoir, qu'elle le protège dans sa graine,pour que cet espoir se fasse en elle, la porte et la nourrisse elle même.
C'est une totale certitude qui l'a ainsi faite et la conduira à naître.
La certitude qu'elle peut naître.
Qu'elle ne peut que se vouloir naître .
Qu'elle ne se doit que de naître.
Que là s'inscrit son but, que là réside en elle toute la matière de son âme.
L'esprit de cet espoir se plante alors si fort et si profondément en elle qu'il lui transmet la pleine certitude de son esprit.
Il faut du hasard, oui, sans doute, à la fleur pour vaincre et se voir naître, mais le hasard de l'un est bien souvent toute la certitude de l'autre.
Alors il faut que toute chose, en nous, autour de nous, ait bien plus que du hasard en sa compagnie pour mener son chemin, et vaincre tous ses d'obstacles, et ne jamais oublier sa quête.
Il faut qu'en toutes ces choses, que nous nommons : pierre, herbe, peau, pelage, étoile, tempête, mer, espace, ciel, lumière, nuit, il faut cette certitude infinie qui se transmet, qui se poursuit, qui court, et qui jamais ne finit.
Il faut que ce battement réside en toute chose,comme un courant qui entraîne chaque chose vers son ciel, pour que toute chose réponde à cette certitude infinie.
Et si une fleur naît aujourd'hui au pied de cet arbre meurtri, dans la lumière de ce soleil qui se dépose sur elle sans bruit, n'y voyons pas là une oeuvre de hasard, mais, contemplons, simplement, la force insoumise de cette certitude infinie qui délivre toute vie.
Suivez l'oiseau, trouvez la clé.
Astrid Shriqui Garain