Frissons et sueur froide pour un corps-à-corps exceptionnel! J'ai adoré.
Stockholm, années 30, période de l'Avent :
La ville est en pleine effervescence malgré le froid glacial et les congères.
La Grande dépression comme partout ailleurs touche toute la population, les conditions de vie sont très difficiles : les bidonvilles (hoovervilles) fleurissent et les premières soupes populaires apparaissent. Les campagnes se vident sous l'effet combiné de l'industrialisation et de l'émigration.
Une Suède sombre et hivernale, touchée par les relents de la montée du nazisme en Allemagne.., la croix gammée est arborée par certains membres de la police et on peut la trouver représentée sur des boutons de manchettes dans certaines vitrines
Voilà en quelques lignes le décor campé pour ce premier volet de la trilogie
Metropol, tome 1 Corps-à-corps de
Martin Holmén.
Une restitution de la vie quotidienne du prolétariat dans un Stockholm touché par la crise sur un air d' Ernst Rolf (1891-1932) un équivalent de notre Rudolph Valentino (1895-1926) pour adoucir les angles. Et il va y en avoir besoin!
En effet, sur les trottoirs glissants de la capitale suédoise nous pourrions tomber sur un os!
Et cet os s'appelle Harry Kvist, le héros avec lequel
Martin Holmén nous a donné rendez-vous.
Et vous le verrez chacun et chacune à sa chance.
Harry Kvist va utiliser ses talents de détective, car lui-même se définit déjà comme tel, pour démêler l'affaire dans laquelle il baigne s' il ne veut pas s'y noyer. Je m'explique: en cette fin de décembre 1932, Harry, ancien boxeur qui a connu ses heures de gloire, utilise ses compétences pour rester le nez hors de l'eau en jouant les «agents » de recouvrement auprès d'une faune variée (proxénètes, prostituées etc.).
Par une nuit d'hiver, Kvist rend une visite musclée à un débiteur nommé Zetterberg, le laissant KO sur le carreau. Hélas quand l'homme est retrouvé mort peu de temps après dans son appartement tout le désigne comme le suspect numéro un. Dès lors, impliqué dans un meurtre qu'il n'a pas commis, Kvist doit prouver son innocence mais pour cela il va devoir mettre la main sur d'éventuels témoins … une course de fonds qui va s'avérer plus difficile que prévue mais qui va nous permettre de découvrir les bas-fonds de Stockholm et ses activités illicites (contrebande, guerre des cartels...) mais aussi , par le jeu des rebondissements de l'intrigue, nous amenez à fréquenter la haute société, les quartiers chics et ses lieux de prédilection, grands hôtels (le Metropol, le Continental), bars de jazz etc..
Du régal, j'ai été totalement happée par cette descente vertigineuse dans le milieu populaire des années 30 de Stockholm où le chômage fait des ravages. Tout y est: les odeurs, les vapeurs émanant des petites officines aux innombrables métiers mais aussi le bruit (début des travaux de ce qui deviendra plus tard le métro), la musique, le manque d'hygiène, la crasse, les puces, les poux, les morpions et, bien sûr l'odeur du crottin généreusement répandu sur la chaussée couvrant les effluves émanant des brasseries de malt!
Un décor très réaliste où Harry Kvist se démène comme un poisson dans l'eau.
Un vrai plaisir de le voir évoluer et s'apprêter dans le Stockholm des années 30.
J'ai été touchée par ce personnage entier, passionné, excessif qu'est Harry Kvist dit Kvisten (la brindille): si nous le cueillons à l'aube de ses 34 ans, ses antécédents sont les mêmes que ceux de milliers d'autres suédois à l'époque, orphelin très tôt, placé comme pupille de la nation dans de fermes durant son enfance, marin à l'adolescence, il s'essaie à la boxe de retour au pays rêvant d'une carrière américaine.
Un début de parcours de vie qui ne peut que me rappeler celui d'un autre Harry, le grand
Harry Martinson (1904-1978) qui lui de retour au pays, tuberculeux, s'essaie à la poésie … et publie en 1932 Voyage sans but.
Bref, Harry Kvist n'est pas né de la dernière pluie et s'il se sert encore de ses poings ce n'est plus sur le ring mais dans la vie.
Kvist, un homme qui ne recule devant rien pour survivre, croulant sous les quintes de toux (silicose, tuberculose?), le cigare calé au coin de la bouche, il est toujours à l'affût pour détecter sa proie. Attendre, toujours attendre, c'est ce qu'il sait faire de mieux.
Harry Kvist devra être très perspicace s'il ne veut pas retourner en prison. Chat échaudé craint l'eau froide! En effet, depuis le départ de son épouse et de sa fille aux Etats Unis (un quota des candidats à l'émigration est fixé annuellement), Kvist s'est ouvert à une autre sexualité réprimée par la loi , selon le paragraphe 18, celui qui classe les homosexuels comme déviants et les réprime, surtout s'ils sont issus du milieu populaire. Vous l'aurez compris, dans les années 30 l'homosexualité est illégale en Suède.
Martin Holmén, historien de formation, nous propose dans ce premier volet de la trilogie
Metropol tome 1 Corps-à-corps, un héros hors du commun avec qui il revendique une certaine ressemblance (père d'un enfant, tatoué, bisexuel etc..). Son profil à tout du privé du hard boiled américain, d'un dur à cuire avec une vie personnelle qui ressemble à un combat quotidien .
La violence, la corruption, le désir, le sexe, l'injustice et la misère y sont décrits de manière crue et authentique. L'écriture est visuelle et on s'imagine très vite la silhouette de ce détective atypique, en planque sous un porche dans une ruelle noire de Stockholm. Si ses investigations progressent doucement alors qu'il avance en eaux troubles, Kvist a tout d'un héros tourmenté en quête d'une rédemption. Une âme torturée dont les fêlures ne nous sont pas encore dévoilées.
Un rythme haletant alternant les phases de torpeur aux phases d' accélération.
Un polar historique doublé d'un thriller psychologique.
Un roman noir sauvage addictif.
Un GROS coup de coeur pour cette évocation du Stockholm des années 30 et cette « gueule d'amour », Harry Kvist.
Direct, crochet, uppercut
Bravo
Martin Holmén pour ce premier roman, aucune hésitation pour attaquer le second volet de Metropol:
Compte à rebours.