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sur 958 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comment faire le deuil de proches disparus pendant la guerre et dont la seule trace restante est une lettre officielle de l'armée annonçant leur décès sans plus de détails et, surtout, sans que la dépouille du défunt ne soit restituée et sans parfois même que l'on sache si elle a pu être enterrée quelque part ? Comment réintégrer une société alors que l'on a vécu des atrocités et perdu des frères de combat sur les lignes de front ? Comment enfin accompagner ces hommes survivants, amochés, traumatisés ?
C'est à ces questions que sont confrontées les trois femmes mises en scène par Anna Hope dans ce très beau premier roman. Trois femmes issues de classes sociales différentes, trois portraits dans lesquels toute la société meurtrie d'après-guerre peut se retrouver. Si ces femmes sont liées, elles ne le savent pas et Anna Hope parvient habilement à expliciter ce lien au fur et mesure du récit, surprenant le lecteur page après page.
Il y a d'abord Hettie, une jeune femme pleine de vie de 19 ans, dont le frère est revenu anéanti psychiquement par la guerre, et qui, pour gagner sa vie, est danseuse de compagnie dans le célèbre Hammersmith Palais et fait à ce titre danser bon nombre d'anciens militaires sur des mélodies de jazz.
Ensuite, Ada, mère d'une cinquante d'année, dont le fils unique, Michael a disparu pendant la guerre. Dévastée, elle le voit partout et ne peut se résoudre à s'accrocher au présent et à son mari qu'elle néglige.
Et enfin, Evelyn, 30 ans, qui a perdu son fiancé pendant cette guerre et qui travaille au bureau des pensions de l'Armée, celles octroyées aux anciens militaires.
Chacune à sa manière incarne ce chagrin des vivants, celui des rescapés, ceux qui restent après avoir tant perdu. Nous les suivons à Londres pendant les quelques jours précédant la cérémonie du 11 novembre 1920 lors de laquelle le corps d'un soldat inconnu rapatrié depuis la France est inhumé. Un événement qui prend tout son sens pour un lecteur davantage habitué à considérer cette date comme un simple jour férié alors que pour ces femmes et toute la population londonienne, il s'agit en réalité d'une cérémonie salvatrice, l'occasion pour tous ces rescapés de libérer leur parole et tenter un nouveau départ. Selon l'un des protagonistes de l'histoire, « C'est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours ». À l'issue de la lecture du Chagrin des vivants, rien n'est donc moins sûr…
Après notamment le formidable Au revoir là-haut de Pierre Lemaître qui s'intéressait à la même période, Anna Hope signe ici un roman dont on s'étonne d'apprendre qu'il s'agit d'une première publication tant le récit et la plume sont parfaitement tenus ! Une lecture plaisante à la veille du 11 novembre qu'on ne verra plus jamais de la même manière !

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Ca commence tout doucement, tout simplement : des femmes ont mal.

Ada pleure son fils mort en 1917, en France. Son amie Ivy aussi. Et plein d'autres femmes de sa rue.
Evelyn pleure son amoureux mort en 1916, en France. Comme plein d'autres femmes de Londres.
A leur façon.
« Elles sont toutes différentes, et pourtant toutes pareilles. Toutes redoutent de les laisser partir. Et si on se sent coupable, c'est encore plus dur de relâcher les morts. On les garde près de nous, on les surveille jalousement. Ils étaient à nous. On veut qu'ils le restent ».
« Tu es amère. Et tu es seule. Tu as utilisé cette seule mort comme un combustible pour haïr le monde. Tout ce qui t'importe, c'est de prolonger ta propre douleur. »

Ca continue : des hommes ne peuvent se remettre de leurs blessures, morales. Les blessures physiques, ils s'en accommodent. Mais les morales, jamais.
Ed, le frère d'Evelyn, ex-capitaine d'infanterie en France, boit, se drogue, danse comme on oublie.
Fred, le frère de Hettie, se renferme, n'est plus qu'un noyau dur ou un fantôme, comme on veut.
Jack, le mari d'Ada, s'efforce de faire face à la mort de leur fils.
Et puis il y a les autres, ceux qui n'ont même pas de pension de guerre, obligés de faire du porte-à-porte, de quémander quelque secours pour ne pas s'affaler et mourir là, avec pour seuls compagnons leurs horribles souvenirs.

Hettie, elle, voudrait vivre, plaire. Elle est toute entière tournée vers un avenir, son avenir. C'est pourquoi elle danse. Elle danse pour 6 pence, au Palais de la danse, elle sert à divertir les gens de la guerre terminée depuis 2 ans. Sa copine di aussi. Mais que peut-elle rencontrer, à part ces survivants ?

« C'est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours ».

Et puis ça grossit, ça enfle.
Nous entrons dans le partage intime des faiblesses. Dans la vérité, enfin. Ces quelques femmes osent entendre, enfin, ce que les hommes vivants – survivants - ont dans le coeur.
« Après quatre ans de guerre et encore deux d'anciens soldats, jour après jour, c'est ça qu'elle voulait, c'est ça qu'elle recherchait. La vérité de quelqu'un. Pas sa gaieté, ni sa bravoure, ni sa colère, ni ses mensonges. Et en quatre ans de guerre et deux de contrecoup, personne n'avait partagé sa vérité avec elle ».
Elles osent aussi se regarder elles-mêmes.
« T'est-il déjà arrivé de réfléchir et d'accepter le fait que sa mort soit quelque chose lui soit arrivé à lui, plutôt qu'à toi ? » « Ils ne sont pas à nous. Ils ne l'ont jamais été. Ils n'appartiennent qu'à eux-mêmes, et seulement à eux. Tout comme nous nous appartenons. Et c'est terrible par certains côtés, et par d'autres...ça pourrait nous libérer ».

Anna Hope, par sa narration simple et sensible, est une auteure qui a réussi à me plonger dans ce chagrin immense et à me sortir de celui-ci avec cette interrogation qui peut sauver. L'espace de quelques heures, j'ai vibré, j'ai compris, j'ai touché du bout du coeur la détresse de ces femmes, de ces hommes qui connaissent la guerre, le deuil, la culpabilité, le désespoir, le désir de vivre quand même.

Tout ceci se passe sur 4 jours : du 7 au 11 novembre 1920, alors que l'on extirpe de la boue d'un champ de bataille français un cadavre racorni, qu'on le transporte en grande pompe jusqu'à Londres où il sera glorifié en tant que « Soldat Inconnu ».
« Cette boite est pleine d'un chagrin retentissant : le chagrin des vivants ».

Les vivants, oui. Occupons-nous des vivants. Regardons-les, aimons-les.
C'est mon voeu le plus cher à l'aube de cette nouvelle année.
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Avec ce livre, j'ai fait connaissance avec une romancière hors pair. Il y a une force dans cette écriture que je ne rencontre pas souvent. le livre a pour cadre l'immédiat après guerre, les cinq jours qui précèdent le 11 novembre 1920 et l'arrivée à Londres du "soldat inconnu". Nous suivons plus spécifiquement trois femmes qui d'une manière ou d'une autre souffrent encore des séquelles de la guerre et qui sont embourbée dans un chagrin qui les submerge. Nous les voyons évoluer de manière très réaliste dans leur milieu d'alors et petit à petit, trouver des manières de relever la tête. Elles réagissent toute différemment à la nouvelle de la parade qui va emmener ce soldat inconnu, mais en quelque sort, il leur permettra d'entrevoir une vie après la guerre car leur chagrin aura été entendu.
Un livre tout à fait remarquable d'une auteure que je vais suivre, assurément.
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Une belle surprise que ce roman de Anna Hope, tant pour son thème que pour la construction habile. L'action se déroule entre le 7 et le 11 novembre 1920, date à laquelle le corps du soldat inconnu est rapatrié en Grande-Bretagne. Trois femmes qui ne se connaissent pas partagent – comme des milliers de familles – le chagrin d'avoir eu un fils, un fiancé ou un frère partis à la guerre. Certains ne sont pas revenus, d'autres ont eu cette chance mais les cicatrices demeurent, les séquelles d'un conflit barbare qui n'a épargné personne.
Le deuil est impossible, la souffrance s'exprime sous différentes formes : le déni, la colère, le repli… Evelyn, Ada et Hettie, chacune tente à sa façon de surmonter l'absence, le bouleversement intervenu dans leur vie. L'auteur peint des personnages très attachants, auxquels il est aisé de s'identifier, on est tour à tour mère, soeur ou amoureuse et on est ému (moi, en tout cas, c'est certain !) de tant de désarroi.
Le roman dévoile aussi certains pans de l'histoire, comment est « choisi » le corps du soldat inconnu, comment sont indemnisés les anciens combattants et, surtout, comment la société oublie rapidement les sacrifices infligés à des soldats qui se retrouvent à mendier quelques pence pour subsister, évoquées également les turpitudes des gradés, leur lâcheté…
Enfin, c'est aussi intéressant de constater comment des commémorations nationales permettent à la plupart, dans une communion collective, d'exorciser les drames, de s'affranchir de choses douloureuses grâce au partage.
Beaucoup d'enthousiasme donc pour un roman très inspiré, très bien traduit, qu'on referme avec regret. Je pense que je vais acheter le dernier roman d'Anna Hope !

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Nous sommes en novembre 1920, Londres s'apprête à célébrer l'Armistice, et à cette occasion, Anna Hope nous invite à nous intéresser à Ada, Evelyne et Hettie.
Ces trois femmes ne se connaissent pas. Elles ont en commun ce que beaucoup de femmes partagent - malgré elles - depuis 1914 : la blessure de la perte d'un être cher. C'était un fils, un amant ou un frère. Certains sont morts sur le champ de bataille, d'autres sont revenus, mais ne sont plus les mêmes.

Chacune a sa manière reste prisonnière de ce passé qui leur a volé une part d'elle-même. Mais comment continuer à vivre malgré l'absence ? Peut-on être heureuse sans eux sans se sentir coupable ? le bonheur est-il la clé de l'oubli ? Ou un simple espoir suffirait-il ?

Tous les personnages d'Anna Hope - masculins ou féminins - subissent la transformation de la Grande Guerre. Chacun est démuni à sa façon, mais tous cherchent à se libérer et la vérité, si laide soit-elle...

Je ne m'éterniserais pas plus que nécessaire. Mon humble petite contribution ne fera que répéter l'émotion que j'ai eu à lire ce roman sobre, sensible et authentique à l'écriture très fluide.
Un roman dont je ne lâchais les pages que lorsque le sommeil était trop pesant.
Un roman qui vaut 1000 discours sur le lâcher prise, le deuil et la vie.
Un beau roman, tout simplement.
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2 ans après la fin de la 1ère guerre mondiale, en Angleterre.
L'histoire se déroule sur 5 jours. 5 jours clos par l'arrivée du cercueil du soldat inconnu.
5 jours qui permettent au lecteur de suivre 3 femmes meurtries. Meurtries par la guerre, meurtries par l'absence d'un fils, d'un amoureux, d'un frère... Leur point commun, un proche disparu, sans avoir pu avoir confirmation de la mort, sans avoir pu se recueillir sur le corps de l'être aimé.
Ce livre est un hommage magnifique aux victimes de la guerre. A toutes les victimes, les soldats morts, mais aussi aux soldats blessés revenus au payx, aux proches restées en Angleterre, à la famille, aux amis...
Malgré que la guerre soit terminée, elle est toujours dans leur vie quotidienne, présente, pesante, insistante.
Chacun a sa façon de faire le deuil, avec plus ou moins de succès, avoir la possibilité de se relever, de passer à autre chose, de continuer à vivre tout simplement. Quand la guerre est finir, tout ne revient pas à la normale du jour au lendemain. le temps doit faire son oeuvre.
Pour certains, l'arrivée de ce "soldat inconnu" a permis de tourner plus ou moins la page. Cela permet aussi à certaines personnes de rendre hommage, de se rattacher à quelque chose.
J'ai trouvé ce livre intense, humain, triste mais pas larmoyants, dur. Il donne à réfléchir. Il permet de se rappeler.
Il n'y a pas de gagnants à la guerre, il n'y a que des victimes.
Merci à Anna Hope pour cette belle lecture.
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Lire un roman sur le sujet de la Grande Guerre, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé ! Cependant l'avis de lecture de Sandrine m'avait plu et donné envie de découvrir ce livre et cette auteure… aucun regret, au contraire !
Par ses mots parfois vieillis et son style chaleureux, Anna Hope parvient à recréer une atmosphère en décrivant des intérieurs chargés d'odeurs de cuisine ou bien froids le matin alors que le feu est éteint. On entend presque les flammes crépiter, la bouilloire chanter. Les esprits des personnages sont chagrinés, préoccupés, lourds de ressentiment, mais une humanité ressort et confère cette portée universelle qui parle au lecteur.
Je trouve le titre formidable, tellement juste qu'il en est presque poétique. La culpabilité d'être vivant, le poids de continuer à vivre malgré ces pertes de proches dont on attendait impatiemment le retour. Ce roman c'est aussi le destin de femmes dont les rêves se sont envolés.
Un livre vibrant d'émotions, un beau témoignage de celles et ceux qui ont vécu la guerre « de l'arrière », et ceux qui en sont revenus.
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La vie de trois femmes de différentes classes sociales pendant les jours précédant les funérailles du Soldat Inconnu à Londres le 11 novembre 1920 ; des femmes ordinaires aux prises avec les absents de la «Grande Guerre»… absents parce que morts ou revenus atteints physiquement et psychiquement et incapables de parler de ces années d'horreur, incapables de les oublier et de reprendre, dans un monde qui a beaucoup changé, une vie dont ils ont été coupés. En fil rouge : le Soldat Inconnu, de l'exhumation de quatre morts sur les champs de bataille français jusqu'à la cérémonie d'inhumation de celui tiré au sort le 11 novembre 1920.

Ada, Evelyn et Hettie ont vécu la sortie de la guerre comme des somnambules hantés par un cauchemar, chacune à des degrés différents et à sa manière : en entretenant l'espoir du retour d'un fils mort et en excluant l'entourage ; en s'isolant et en s'occupant du sort des soldats revenus blessés, mutilés, mentalement brisés et dans la misère pour la plupart ; en se jetant dans les changements de cet après-guerre (danse, jazz, coupes de cheveux, etc…) se coupant ainsi de la famille. Amertume, colère, désespoir, impression de vide, besoin de s'étourdir, rejet de la réalité ont été leurs moteurs durant deux ans. «C'est la guerre qui gagne et elle continue à gagner encore et toujours», dit l'un de ceux qui sont revenus des champs de bataille.
Endolories, elles ne pourront se tourner vers l'avenir que lorsqu'elles auront reconnu et intégré les réalités qu'elles refusaient depuis la fin de la guerre : la mort d'un fils ou d'un fiancé, la modification de personnalité d'un frère revenu gravement traumatisé par des années d'horreurs, des changements sociétaux nécessitant de nouveaux repères …

Beaucoup de romans ont été écrits sur les soldats, leur vie sur le front et leur sort après la fin de la guerre. En revanche, rare est la littérature concernant la vie des femmes pendant la guerre et, surtout, leur vie à la fin de celle-ci dans un monde chamboulé ; c'est l'un des intérêts de ce roman tout en pudeur et à l'écriture maîtrisée et sensible. Trois histoires émouvantes et poignantes noyées dans la grande Histoire et qui se rejoindront le 11 novembre 1920 lors des funérailles du Soldat Inconnu, événement symbolique qui permet en quelque sorte de tourner la page et d'aller de l'avant

Un magnifique premier roman.

PS - Merci à Babelio et à Gallimard qui m'ont permis de lire ce roman qui figurait dans ma wish-liste depuis plusieurs semaines ; aussi ai-je été ravie de le voir figurer dans la liste des ouvrages de l'opération Masse Critique de septembre...
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Découpé en cinq journées qui vont du dimanche 7 Novembre 1920, au jeudi 11 Novembre 1920, ce roman raconte le quotidien de trois femmes qui ne se connaissent pas, mais qui partagent la même douleur, le même ressenti : le Chagrin des vivants .
On est à Londres et la nation entière attend l'arrivée du Soldat inconnu , rapatrié de France pour un hommage national et peut-être enfin une tombe , un endroit où se recueillir, ou pleurer , ou parler ...
Ada qui n'arrive pas à se remettre de l'absence de son fils et qui le voit partout car personne ( et surtout pas" la Grande Muette ") n'a mis des mots sur la mort de son garçon .
Evelyn, qui a perdu son fiancé et dont le frère s'enfonce dans l'alcool et autres paradis artificiels et qui travaille au bureau des pensions de l'armée . de quoi ne jamais oublier son chagrin....
Et Hettie, dont le frère s'est réfugié dans le silence , alors qu'elle virevolte pour 6 pences la danse , avec d'anciens soldats , dans un Palais inondé de lumières et de musique .
Cinq petites journées qui, à la veille de ce grand jour ( sorte d'immense "thérapie" ), permettront (ou pas ), à ces femmes et ces hommes de continuer à vivre . De se délester, de voir le bout du tunnel, de s'autoriser à être heureux ...
C'est un roman magnifique, pudique et poignant, sensible et fier , qui rend un sublime hommage à ce pays, à cette ville, à ces femmes et ces hommes qui ont subi au delà de la douleur , au delà des mots . Anna Hope a réussi à décrire parfaitement cette époque, ce silence, cette stupéfaction, les belles choses et les glauques , sans tomber dans le pathos et sans en dire plus que nécessaire ...
Mettre "des mots pour le dire ", partager , être ensemble, se tenir les coudes, juste être présent . C'est peut-être de là , que viendra la guérison ou une forme de "pansement"...

Je remercie du fond du coeur les éditions Folio et Babélio pour leur confiance . Ce premier roman fut un vrai cadeau et un merveilleux moment de grâce et de sensibilité ...
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Londres, novembre 1920. La ville et le pays tout entier s'apprêtent à accueillir le soldat inconnu. Un corps anonyme extirpé du charnier français pour être enterré avec les honneurs à l'abbaye de Westminster. Une manière pour le peuple anglais de faire le deuil de tous ceux qui sont restés là-bas, ensevelis dans la boue, le corps explosé, sans sépulture, ou sous une simple croix blanche avec un numéro de matricule pour seule épitaphe. Une façon pour ceux qui ont survécu au cauchemar des tranchées de partager un moment solennel avec leurs compatriotes.
Trois femmes vont vivre les cinq jours précédant l'évènement avec leurs blessures et leur chagrin. Evelyne, bientôt 30 ans, a perdu son fiancé dont le corps n'a jamais été retrouvé. Avec lui sont morts son avenir et ses espoirs de bonheur. Elle a participé à la guerre en fabriquant des munitions, elle construit la paix en travaillant au bureau des pensions. Ses proches la disent aigrie, elle est simplement d'une infinie tristesse. Ada, la cinquantaine, a vu son fils unique, Michaël, partir pour le front à tout juste 18 ans. Comme tant d'autres, il n'est pas revenu. Une simple lettre du ministère pour dire qu'il avait disparu sur le champ de batailles. Pas d'explication mais des questions sans réponses. Depuis, Ada voit Michaël partout, incapable de faire son deuil sans savoir où est son corps et connaître les circonstances de sa mort. Hettie a 19 ans à peine et imagine un avenir meilleur, loin de sa mère amère, loin de son frère revenu des combats totalement apathique. Tous les soirs, elle danse au Palais Hammersmith, avec des survivants, des estropiés, des hommes meurtris qui paient 6 pences pour la faire tournoyer sur la piste de danse pendant qu'elle rêve au prince charmant.

Un magnifique roman, juste et pudique, qui évoque les blessures, encore à vif en cette année 1920, de la première guerre mondiale. Londres montre encore les séquelles des bombardements et les hommes et les femmes, touchés dans leur chair, dans leur coeur et dans leur âme, essaient de faire le deuil de ces années d'horreur. Oubliés, délaissés, gênants, les rescapés sont un rappel constant de cette génération qu'on a sacrifiée sur les champs de batailles. Ils se taisent, gardent au plus profond d'eux-mêmes ce qu'ils ont vécu et pourtant, raconter est une telle libération. Mais qui veut entendre les corps noyés dans la boue, les jeunes hommes explosés, les membres épars, les défections, la peur et les larmes ?
A travers le portrait de trois femmes touchées par la perte, Anna Hope raconte les drames de la Grande Guerre mais aussi la volonté d'aller de l'avant vers un avenir plus souriant. le Soldat inconnu sert de fil rouge, de son exhumation en terre française à sa lente progression sur le sol anglais, jusqu'à son arrivée à Londres le 11 novembre, symbole de tous ses pères, fils, frères, amants, amis qui sont tombés et sont restés là-bas, loin de leur famille. Un jour de deuil national, un moment rare où toute une nation pleure ses morts pour enfin pouvoir retrouver le goût du bonheur.
Un premier roman maîtrisé qui augure d'un très bel avenir littéraire pour Anna Hope qui sait raconter, toucher, et faire aimer ses personnages. Coup de coeur !
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