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Citations sur Sérotonine (428)

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé comme disait l'autre, encore le terme de « dépeuplé » est-il bien faible, il sonne encore un peu son XVIIIe siècle à la con, on n'y trouve pas encore cette saine violence du romantisme naissant, la vérité est qu'un seul être vous manque et tout est mort, le monde est mort et l'on est soi-même mort, ou bien transformé en figurine de céramique, et les autres aussi sont des figurines de céramique, isolant parfait des points de vue de vue thermique et électrique, alors plus rien absolument ne peut vous atteindre, hormis les souffrances internes, issues du délitement de votre corps indépendant, mais je n'en étais pas encore là, mon corps se comportait pour l'instant avec décence, il y a juste que j'étais seul, et que je ne tirais aucune jouissance de ma solitude, ni du libre fonctionnement de mon esprit, j'avais besoin d'amour et d'amour sans une forme très précise, j'avais besoin d'amour en général mais en particulier j'avais besoin d'une chatte, il y avait beaucoup de chattes, des milliards à la surface d'une planète pourtant de taille modérée, c'est hallucinant ce qu'il y a comme chattes quand on y pense, ça vous donne le tournis, chaque homme je pense a pu ressentir ce vertige, d'un autre côté les femmes avaient besoin de bites, enfin du moins c'est ce qu'elles s'étaient imaginées, en principe la question est soluble mais en pratique elle ne l'est plus, et voilà comment une civilisation meurt, sans tracas, sans dangers ni sans drames et avec très peu de carnage, une civilisation meurt juste par lassitude, par dégoût d'elle-même, que pouvait me proposer la social-démocratie évidemment rien, juste une perpétuation du manque, un appel à l'oubli.
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Les gens n’écoutent jamais les conseils qu’on leur donne, et lorsqu’ils demandent des conseils c’est tout à fait spécifiquement afin de ne pas les suivre, afin de se faire confirmer, par une voix extérieure, qu’ils se sont engagés dans une spirale d’anéantissement et de mort, les conseils qu’on leur donne jouent pour eux exactement le rôle du chœur tragique, confirmant au héros qu’il a pris le chemin de la destruction et du chaos.
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Je n’avais que dix ans de plus que Camille mais indéniablement quelque chose avait changé, l’ambiance de cette génération n’était plus la même, je m’en rendais compte chez tous ses camarades, quelle que soit leur filière d’études : ils étaient sérieux, bosseurs, accordaient une grande importance à leur réussite scolaire, comme s’ils savaient déjà qu’à l’extérieur on ne leur ferait aucun cadeau, que le monde qui les attendait était inhospitalier et dur. Parfois ils éprouvaient le besoin de décompresser, alors ils se saoulaient en groupe, mais leurs soûleries elles-mêmes étaient différentes de celles que j’avais connues : ils s’enivraient brutalement, ingurgitaient à toute vitesse des doses d’alcool énormes, comme pour atteindre l’abrutissement le plus vite possible, ils se saoulaient exactement comme devaient le faire les mineurs du temps de Germinal – la ressemblance était encore augmentée par le retour en force de l’absinthe, qui atteignait des titrages d’alcool ahurissants, et permettait en effet de se torcher en un temps minime.
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Voilà comment une civilisation meurt, sans tracas, sans dangers ni sans drames et avec très peu de carnage, une civilisation meurt juste par lassitude, par dégoût d’elle-même, que pouvait me proposer la social-démocratie évidemment rien, juste une perpétuation du manque, un appel à l’oubli.
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Les années d’études sont les seules années heureuses, les seules années où l’avenir paraît ouvert, où tout paraît possible, la vie d’adulte ensuite, la vie professionnelle n’est qu’un lent et progressif enlisement, c’est même sans doute pour cette raison que les amitiés de jeunesse, celles qu’on noue pendant ses années d’étudiant et qui sont au fond les seules amitiés véritables, ne survivent jamais à l’entrée dans la vie adulte, on évite de revoir ses amis de jeunesse pour éviter d’être confronté aux témoins de ses espérances déçues, à l’évidence de son propre écrasement.
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Je dus en surprendre plus d’un, lors des multiples apéros de voisins qui suivirent les premiers mois de notre installation, par la véhémence et le caractère extrêmement documenté de mes interventions sur ces sujets, bien sûr ils pensaient la même chose que moi mais sans y connaître quoi que ce soit, par pur conformisme de gauche en vérité...
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Plus personne ne sera heureux en Occident, pensait-elle encore, plus jamais, nous devons aujourd’hui considérer le bonheur comme une rêverie ancienne, les conditions historiques n’en sont tout simplement plus réunies.
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Plus spécifiquement, la sérotonine était une hormone liée à l’estime de soi, à la reconnaissance obtenue au sein du groupe. Mais par ailleurs elle était essentiellement fabriquée au niveau de l’intestin, et on signalait son existence chez de très nombreuses créatures vivantes, y compris les amibes. De quelle estime de soi pouvaient bien se prévaloir les amibes ? De quelle reconnaissance au sein du groupe ? La conclusion qui se dégageait peu à peu, c’est que l’art médical demeurait en ces matières confus et approximatif, et que les antidépresseurs faisaient partie de ces nombreux médicaments qui fonctionnent (ou pas) sans que l’on sache exactement pourquoi.
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Une ambiance de catastrophe globale allège toujours un peu les catastrophes individuelles, c'est sans doute pour cette raison que les suicides sont si rares en période de guerre (...)
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Ma vie ensuite se déroula sans événement notable — à part Yuzu, j’en ai parlé — et voilà que je me retrouvais seul, plus seul que je ne l’avais jamais été, enfin j’avais le houmous, adapté aux plaisirs solitaires, mais la période des fêtes c’est plus délicat, il aurait fallu un plateau de fruits de mer, or ce sont là des choses qui se partagent, un plateau de fruits de mer en solitaire c’est une expérience ultime, même Françoise Sagan n’aurait pas pu décrire cela, c’est vraiment trop gore.
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