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Les souvenirs d'enfance des écrivains slaves s'avèrent particulièrement croustillants . Ceux de Bohumil Hrabal ne manquent pas à la règle .
Il passe son enfance avant la deuxième guerre , à Nymburk , une paisible bourgade de province où son père est gérant d'une brasserie . Entre deux frères fantasques , le père gérant et l'oncle ouvrier, l'un bricoleur emmerdeur et massacreur de montres à ses heures enragées , l'autre hâbleur céleste et jongleur entre grande vie et misère, auxquels s'y ajoute une série de gais lurons légèrement cinglés, tendres et mélancoliques, il s'initie à un regard halluciné sur la vie quotidienne.
Ce livre infesté d'anecdotes truculentes, où le burlesque emporte sur la tristesse, exhale des effluves de nostalgie pour l'insouciance d'une époque révolue. Un boucher qui exhale des effluves de thé ( le nom qu'il donne au rhum 😁), une bouchère pompette à poil dans un contexte bacchanale vont achever ce tableau triste et désarmant.
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« La petite ville où le temps s'arrêta », c'est la petite ville d'enfance de Bohumil Hrabal, en Bohème, au bord de la Labe (l'Elbe), qui coule de là jusqu'à Hambourg.

C'est une chronique qui est à la fois savoureuse et amère…

On fait d'abord connaissance avec le narrateur qui est un jeune garçon, qui rêve de devenir marin, lui qui vit dans ce pays bien éloigné de la mer, au centre de l'Europe.
Il observe souvent les mariniers qui s'affairent sur les berges du fleuve, et il aimerait avoir, comme l'un d'entre eux, un voilier, tatoué sur la poitrine. Cela lui tient à coeur ! Tant et si bien que ce marinier confie le jeune garçon au tatoueur local, mais ce n'est pas un beau bateau qu'il lui grave définitivement sur la poitrine, mais une sirène barbue, et lubrique ! Voilà comment commence ce livre…

Trois adultes entourent le jeune narrateur : son père Franci, sa mère Maryska et son oncle Pepi.

L'oncle Pepi était fantassin dans l'armée austro-hongroise. C'est un cordonnier sans le sou, pilier de bistrot et mythomane. Il était passé rendre visite aux parents du narrateur il y a bien longtemps, et il est toujours là, chez eux !
Franci, le père, gérant d'une brasserie, y emploie son frère comme ouvrier.
Pepi fait figure de « parent pauvre ». Il couche sur un grabat dans une mansarde.
Il « prenait exprès l'accent traînant des faubourgs de Brno pour bien marquer qu'il était le prolo de la famille. »
Maryska, la mère du narrateur est frivole. Ce n'est pas une mère aimante et il en souffre.
Il ne reçoit pas non plus l'affection souhaitée de la part de son père, qui lui apparaît comme distant, un peu timoré, soucieux de bienséance. Tout le contraire de l'oncle Pepi !

Pour notre jeune narrateur en mal d'amour, et qui a envie d'ailleurs, l'oncle Pepi est quelqu'un d'attirant, impressionnant, joyeux, « bruyant et remuant », personnage haut en couleurs, qui a beaucoup de gouaille, qui mord la vie à pleines dents, pilier de bistrot, qui revient tard dans la nuit « rond comme une queue de pelle », après avoir dépensé toute sa paie avec des filles de joie !
Il sait y mettre de l'ambiance dans ces lieux-là, comme partout d'ailleurs. Il ne passe jamais inaperçu ! Et de plus, il donne des cours de sexologie aux prostituées de son bar préféré !
(Il vous faudra peut-être vous munir d'un dictionnaire pour découvrir la signification du mot « monorchide »).
L'écriture de Bohumil Hrabal, avec ces parties du récit, pourrait être aisément comparée à celle d'un François Rabelais, mais tchèque bien sûr !

Cette première partie du livre semble se passer alors que la Bohème connaissait son indépendance à l'époque de la 1re république démocratique et bourgeoise de Tomas Masaryk.
Il y a de nombreuses connotations religieuses, naïves et amusantes de la part de notre jeune narrateur, qui est enfant de choeur. Par exemple, un colosse d'archiprêtre qui soulève ses deux servantes jusqu'au plafond pour jeter un oeil sous leurs jupes ! Un boucher, qui devient prédicateur et prêche l'Armageddon !
Personnages et anecdotes fantasques se succèdent :
un « vieux veilleur de nuit », « sujet à des coups de sang depuis qu'il a contracté le paludisme pendant la guerre », et qui voit des voleurs partout,
M. Donsa, qui ne peut pas passer devant une triperie de peur de vomir, ou encore le P.-D. G. des Brasseries qui ressemble à ses cochons…
On rit beaucoup à la lecture de ces nombreux passages anecdotiques et on a souvent l'impression d'assister à des scènes de films burlesques, tels que ceux avec Laurel et Hardy, Charlie Chaplin ou encore Jacques Tati ! Bohumil Hrabal est un merveilleux conteur, moqueur et farceur.

On arrive au milieu du livre, et un passage fait intervenir la femme du boucher (évoqué précédemment), qui est sujette à une véritable addiction à l'alcool. Elle subit par le père du narrateur, un traitement à base de courants de fulguration avec un peigne de néon.
« papa, de nouveau subjugué par les cheveux de la bouchère, les mêmes que portait jadis maman, les cheveux qu'elle avait fait couper sans demander la permission de papa. »
Ce passage est en rapport avec un autre roman de Bohumil Hrabal, « La chevelure sacrifiée ».

Et puis les allemands entrent en scène, c'est la guerre…
« les allemands étaient venus occuper la petite ville où le temps s'arrêta ».
A la radio, on annonce que le Reichsprotektor, Heydrich, a été tué dans un attentat.
A la brasserie où Franci est gérant, une commission militaire est passée et désormais un ingénieur, Friedrich, y prendra ses quartiers. Pepi sera inquiété par ce Friedrich qui trouvera que sa conduite est indigne, lui qui danse et chante, alors même que ce Reichsprotektor vient d'être assassiné…
Mais Pepi se moque ouvertement de lui et de l'armée allemande… Et Friedrich fulmine !
Les allers-retours verbaux entre ces deux personnages sont pour nous une occasion supplémentaire de rire.

Mais, les allemands vont se retrouver en mauvaise posture, avec l'avancée des troupes des alliés, et les russes de l'Armée Soviétique qui font leur entrée dans la petite ville…
Et avec le nouveau régime communiste qui se met en place, la brasserie est bientôt nationalisée.
Du jour au lendemain, les temps changent et les comportements aussi, l'ingratitude naît, les gens n'ont plus de reconnaissance. « il n'y a plus de maîtres, c'est nous les maîtres maintenant », « les ouvriers (…) c'étaient eux les maîtres ».
Conséquence de l'arrivée des « Rouges » au pouvoir, les deux frères, Franci et Pepi ont perdu leur emploi.
L'oncle Pepi s'assagit. Il ne va plus courir les bars à filles de joie. Il n'a plus le même entrain qu'avant.

Ce chapitre-là se termine par une cueillette de champignons en forêt, cocasse et dangereuse à la fois ! Ces savoureuses histoires et anecdotes tchèques, avec ces personnages qui se débattent dans ces périodes historiques agitées et déstabilisantes, racontées par un enfant, m'ont rappelé celles du livre d'Ota Pavel
« comment j'ai rencontré les poissons » (que j'avais adoré).

A la fin du livre, Franci retrouve « sa vigueur de jeune homme », et à l'inverse, Pepi, lui, devient décrépit, puis grabataire. le temps s'arrête dans la petite ville, et avec lui, la santé de Pepi se dégrade. Avec cette « nouvelle ère », terminé le temps des fêtes, et des réjouissances… « le temps ancien s'était assoupi comme La Belle au Bois Dormant », « on brandissait un poing contre tout ce qui sentait le passé ».
Dans le dernier chapitre, Franci se rend à la maison de retraite, la maison de « tous ces pensionnaires du temps arrêté ». Des petits haut-parleurs diffusent sans arrêt "Les
millions d'Arlequin », cette suave musique d'interlude étourdissante… A noter que « Les millions d'Arlequin », est le titre d'un autre roman de Bohumil Hrabal.

Le début du récit est empreint de naïveté et de cruauté, ensuite la gaieté y déborde, puis le temps s'arrête avec l'intrusion des allemands, et ensuite avec celle des russes. Et on bascule dans un mélange de tristesse, d'amertume et de nostalgie. Tout est beau dans ce roman, bien écrit et bien rythmé. B. Hrabal sait nous faire sourire et rire, avec son humour légendaire, mais il sait aussi nous émouvoir avec sa profonde sensibilité et son amour de l'humain.
Un bon livre pour faire connaissance avec cet auteur tchèque incontournable ou pour compléter la lecture de ses récits. Assurément j'aurai le plaisir de relire encore ce livre un jour !
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Cela fait un moment qu'« Une trop bruyante solitude » de Hrabal figure dans ma pile à lire. En croisant ce roman-ci à la bibliothèque, je me suis dit que ça serait toujours une première rencontre avec l'auteur.

Le narrateur est un jeune garçon qui essaie d'exister entre un père dur et obsédé par quelques passions, une mère qui veut toujours profiter de sa jeunesse et qui n'a pas vraiment la fibre maternelle, et un oncle braillard et grand gueule, passant de phases de misérable à celle de grand seigneur (pour deux jours) dès qu'il touche sa paie – exister, et si possible, obtenir un peu d'amour au passage.

J'enchaîne involontairement les romans avec des familles dysfonctionnelles en ce moment, et cette nouvelle redite m'a rapidement rebuté. Même si je n'exclus pas de lire un autre roman de l'auteur (ou le même, je reconnais que ce n'était pas le bon moment), je n'ai pas eu non plus de coup de coeur pour l'écriture qui m'aurait permis de poursuivre la lecture.
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Je trouve à ce livre des parentés à toute une série d'auteurs et d'origines très diverses... le point commun ça doit être... moi... et ce que j'apprécie et aime profondément. A la fois n'importe quoi, mais touchant, drôle, pathétique, sensible, grotesque, une certaine impudicité ou absence de tabou, ou iconoclaste, où quelque chose est là ou presque, mais sans projet véritable.
On ne sait pas non plus bien trop ce que ça raconte, ce sont des éléments d'une vie, de quelques années de vie "quotidienne".
La routine : faites-moi rire.
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Bohumil Hrabal ici nous régale de ses souvenirs d'enfance et il en a des souvenirs et des plutôt hilarants. Avec une naïveté toute enfantine il nous raconte sa famille de pieds nickelés dont les membres mâles sont tous plus ou moins atteints de troubles d'humeur
le papy acariâtre et bipolaire qui casse son mobilier Sa femme, ainsi que la bonne d'ailleurs, savent s'éclipser au bon moment et revenir quand papy a fini de faire son petit bois. le papa bon bougre mais qui a aussi hérité d'une partie du caractère du papy et qui brandit ombrageusement sa clé à mollette, aimerais voir son fiston devenir quelqu'un et c'est mal parti car ce dernier fréquente les bars de matelots
Et il y a le tonton Pepi, véritable OVNI, mâtiné de Popeye et du désossé du moulin rouge, de Don Quichotte et de Bukowski, Don Juan bien membré tombeur de ces dames qui alterne périodes de comportements dépressifs et de phases hypomaniaques dont les frasques éclaboussent la famille mais qui met, indéniablement, une ambiance du tonnerre dans le quartier

Ah les week-end passés sous la voiture à faire de la mécanique avec papa
Ah le french cancan de l'oncle Pepi et ses conseils en hygiène sexuelle partagés largement et gracieusement avec les dames du boxon entre deux grands écarts
On rit beaucoup de cette bande d'énergumènes mais quand la vieillesse approche la chute n'en est que plus dure
Non Bohumil Hrabal n'est pas sérieux mais il a beaucoup d'imagination
D'autre part il sait souffler le chaud et le froid et nous fait passer du rire aux larmes. En inversant son monde il devient pathétique. Une belle qualité pour un écrivain d'associer le rire et le drame les deux mamelles de l'être slave d'Europe centrale.
On a apprécié le rythme soutenu des facéties de la famille, peu de temps mort, ainsi que la diversité des gags et on se dit qu'il n'est pas possible que tout cela soit inventé et sorti de la cervelle de Hrabal (ou alors l'inverse…) Les états d'âmes par contre sont bien slaves et on apprécie que le temps se soit arrêté sur ces êtres d'exception!
Un Hrabal égal à lui-même
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un petit garçon vit entre un père maussade, patron d'usine, une mère jolie et rieuse et un oncle mythique, ouvrier et colosse phénoménal qui incarne la joie de vivre. La vie est faite de récits burlesques et drôle, jusqu'au jour où l'ordre établi tombe et que les choses s'inversent: la patron maussade devient paysan rieur et tonitruant, l'ouvrier mis à la retraite sombre dans une dépression, le récit joyeux devient triste et nostalgique pour nous parler d'une petite ville "où le temps s'arrêta".
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Est-ce de l'avoir lu immédiatement après "Moi qui ai servi le roi d'Angleterre" ? Est-ce cette impression que ce livre n'est ni tout à fait un récit, ni tout à fait une fiction ? J'ai moins "accroché" qu'à "Moi qui ai servi le roi d'Angleterre". du point de vue écriture, il y a un problème assez gênant : le narrateur qui est un enfant et qui est absolument superbe (les premières pages sont à tomber par terre), identification totale, disparaît très vite, il ne reste plus que sa voix et encore, c'est la voix de l'auteur, du coup l'identification hésite, flotte comme un bouchon sur un lac au passage d'un bateau, hésitant entre les deux personnages du livre : les deux frères dont l'un est le père du narrateur. La fin du livre est réussie car il y a et cela semble être un trait fort chez Hrabal pou moi qui le découvre une métaphore très forte avec la situation politique de la Tchécoslovaquie. Mais dans "Moi qui ai servi le roi d'Angleterre" l'identification fonctionne d'un bout à l'autre. Mais c'est du luxe de critiquer, j'aurais lu ces deux livres dans l'autre sens, j'aurais été enchanté. Je lis maintenant "Une si bruyante solitude"..... à suivre donc !
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