Fugitive parce que reine
est un roman autobiographique, il s'agit du premier roman de
Violaine Huisman, une lecture envoûtante, passionnante, bouleversante, déchirante.
Une ode à l'amour, une ode à la mère.
Un récit en trois temps, dont le schéma narratif s'articule autour de :
-l'image de la mère par le prisme de sa fille Violaine,
-la femme avant la maternité,
-la mort, le deuil
À travers ce roman, la narratrice raconte l'histoire de Catherine, sa mère, et le lien indéfectible qui les unit. le récit s'ouvre sur le diagnostic posé sur la maladie de sa maman, qui porte désormais un nom : maniaco-dépressive; le monde s'effondre alors autour d'elle, et de ses filles.
Cette première partie s'étiole autour des souvenirs, des accès de violence, l'ambivalence d'une mère tourmentée, à la vie débridée et souvent incompréhensible dans le regard d'une enfant. Témoins de ses multiples variations, Violaine et sa soeur Elsa restent unies et grandissent avec comme modèle une mère excessive, et un père aux abonnés absents. Mais, malgré tout, ce qui ressort de ce chapitre est la tendresse, l'amour qui prend plusieurs formes, qui se juxtaposent parfois aux mélodrames d'une mère excentrique, tyrannique envers ses filles, et dont la mythomanie n'existe que pour rendre sa vie plus supportable, une femme brisée dont on ne peut que comprendre les fêlures à travers la deuxième partie du livre.
La mise à distance est alors nécessaire, le récit se construit désormais à la troisième personne, retour sur la vie de
Catherine Cremnitz, de sa naissance à sa mort. Issue d'un viol, son parcours nous est alors raconté de manière plus détachée, son enfance brisée, sa maladie, la recherche fondamentale de ses racines, on comprend alors ce qu'a été sa vie avant l'amour, avant la maternité.
D'une vie à soi, d'une quête d'identité profonde, qui, un jour, se retrouve bouleversée par ce que peut provoquer la maternité, le chamboulement d'une vie. de l'amante, exigeante envers les hommes, un brin féministe, de l'outrecuidance de la femme libre à la figure maternelle, il n'y a qu'un pas. Cette partie du roman dépeint la construction d'une vie sur la base d'une enfance complexe, d'un passif familial tout aussi déroutant qui vient ajouter une couche au caractère irréparable de la petite enfance et la construction de soi. Aussi manipulée qu'elle a pu parfois être manipulatrice, la danseuse déploie peu à peu ses ailes, a de grandes ambitions, mais la vie s'est dérobée au détriment d'elle-même, l'a faite devenir quelqu'un d'autre, hystérique, violente, parfois dépressive, à côté de la plaque. La souffrance dissimulée depuis l'enfance réapparaît tout à coup sous une nouvelle forme, qui se joue d'elle. Elle a pourtant tout fait pour ne pas reproduire le schéma familial dont elle avait héritée, jouait des coudes et était obsédée par des souvenirs d'enfance dont elle tentait de s'éloigner.
Enfin, la troisième partie évoque la chute, la résignation, le deuil. le dernier voyage d'une reine. Un court chapitre qui brille encore par l'absence du père dans une épreuve ô combien terrible pour ses filles. L'absence, terrible, la souffrance, toujours plus forte.
Une lecture délicieuse pour qui apprécie la poésie, le vocabulaire délicatement choisi et riche. La langue y est parfois crue, à forte raison, pour évoquer une mère aux multiples facettes, qui en a littéralement bavé.
C'est une déclaration d'amour viscérale, l'amour inconditionnel liant deux filles à leur maman.
Violaine Huisman signe là un roman autobiographique absolument exquis, saisissant. Effroyablement beau et dur.
La famille décomposée-recomposée, les traumatismes de l'enfance, les difficultés éprouvées dans la maternité, la recherche d'identité, des thèmes dans lesquels chacun peut facilement se retrouver, le portrait d'une femme à travers les yeux de sa fille, un hommage éblouissant, qui m'a complètement envoûtée. Un vrai coup de coeur.