Pour le moment, je ne lisais plus. Je vivais sans cesse dehors. Je lisais le dehors. Il se trouve que cette façon de vivre sans cesse dehors a changé la manière dont j’avais conscience de moi-même. Je me sentais moins que jamais séparée de la nature. Sauf par un crayon, in extremis. Ce qui m’a permis de comprendre qu’on n’est pas emmurés dans notre espèce, une espèce séparée des autres espèces, différente mais pas séparée, et que faire partie des humains n’est qu’une façon très restreinte d’être au monde. Qu’on est plus vaste que ça.
Nous l’étions tous les deux. C’était flagrant. D’étranges vieillards abritant un enfant. Des vioques. J’aime beaucoup ce mot, vioque, il dit l’effarement insoluble de l’enfant qu’on est resté.
(page 71)
Balaie direct les idées. Ne philosophe pas. Ne théorise pas davantage. Ne la ramène pas de ce côté. Tu n’es pas une ornithologue. Tu es un oiseau. Chante. On ne te demande rien de plus. Rejoins tes broussailles.
(page 39)
Ramper dans le noir de la forêt, se croire perdue, sentir sous sa main du mouillé qui vit, ensuite seulement on pense que c’est de la mousse.
Yes n’était pas une chienne bien élevée. Et pas si gracieuse que ça. Pas si fragile non plus. Une petite brute. Une bombe. Une petite bombe d’enfer. De l’énergie pure. Je n’étais pas si gracieuse non plus. J’avais le corps charpenté d’un arbre, d’un vieil arbre qui avait perdu le sens de l’équilibre, un peu vacillant, mais avec de l’imagination et un reste d’énergie. On allait ensemble.
(page 98)
Chaque salamandre porte un code jaune et noir inscrit sur sa peau mouillée, luisante, chacune le sien. On dirait le plan d'un labyrinthe.
Je n’avais jamais été une femme à chiens, même à chats d’ailleurs. Les chiens, c’était l’affaire de Grieg, toujours des chiens à responsabilité, toujours dressés à la conduite des troupeaux. Puis nous n’avions plus eu de troupeaux et les chiens étaient devenus des amis désœuvrés qui logeaient à la maison.
(page 26)
Yes n'était pas une chienne bien élevée. Et pas si gracieuse que ça. Pas si fragile non plus. Une petite brute. Une bombe. Une petite bombe d'enfer. De l'énergie pure. Je n'étais pas gracieuse non plus. J'avais le corps charpenté d'un arbre, d'un vieil arbre qui avait perdu le sens de l'équilibre, un peu vacillant, mais avec encore de l'imagination et un reste d'énergie. On allait ensemble.
Une salamandre étale sous mes yeux le rébus du monde. Chaque salamandre porte un code jaune et noir inscrit sur sa peau mouillée, luisante, chacune le sien. On dirait le plan d’un labyrinthe. Chaque salamandre, gardienne d’un labyrinthe.
Le crayon était le tiret qui me reliait encore aux humains.
C’est comme ça que j’avais enfin commencé dans ma tête ce nouveau livre, avec des bouts de notes attrapées ici et là.