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sur 284 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Toi la pellicule ultrasensible, comment est-ce possible, comment ? Tu n'as rien vu, rien deviné, rien senti, rien compris, rien détecté ? Non, parce que pas ça, non, le sein oui la peau oui l'estomac oui les bronches oui le médiastin oui depuis 1936 la photographie infrarouge est reconnue pour son extrême utilité dans ces domaines-là mais ça non, non, pas du tout. »

Ici, nous sommes au plus profond du coeur de Rena qui vient d'apprendre deux nouvelles complètement bouleversantes ; nous sommes à la première page du roman...Ces nouvelles, nous les ignorerons tout au long de l'histoire puisque celle-ci est un flash-back. C'est seulement à la fin que nous sera dévoilé ce cataclysme dans la vie de Rena, 45 ans, photographe travaillant souvent avec un filtre infrarouge pour voir « la réalité des choses », la « chaleur qu'elles dégagent ». La chaleur des gens, surtout, et particulièrement des hommes au moment de l'extrême abandon de l'acte physique.
En effet, Rena aime les hommes. Elle a eu plusieurs compagnons, dont elle a eu 2 garçons, maintenant adultes. Elle aime Aziz qui s'apprête à signer avec elle l'achat d'un appartement à Paris. Mais elle le quitte pour une semaine afin d'accomplir avec son père et sa belle-mère un voyage en Italie, plus particulièrement à Florence. Ce voyage, elle veut l'accomplir jusqu'au bout coûte que coûte, malgré son incompréhension croissante face à son père vieillissant, malgré sa belle-mère parfaite touriste cultivant tous les clichés, malgré la folie qui s'empare de la banlieue parisienne avec laquelle elle se sent en symbiose (« J'habite Belleville, où le bilinguisme est la règle et non l'exception. Je n'ai plus de patience pour ceux qui croient savoir qui ils sont pour la simple raison qu'ils sont nés quelque part »).

Ce voyage, nous l'accomplirons avec elle, qui nous fera découvrir les merveilles de Florence, décrites avec tant de passion et de minutie, le brouhaha des rues, le silence des musées et des églises, la beauté des paysages de Toscane, l'accueil d'une propriétaire de chambres d'hôtes au prénom si vibrant : « Gaia ».
Et pourtant une rage sourde l'habite, car ce voyage est l'occasion de faire remonter à la surface des souvenirs de blessures : blessures d'enfance, blessures de fratrie, blessures d'amour, blessures de rapports humains, finalement. Au début, d'ailleurs, j'ai été déconcertée par cette rage qu'elle réussit toujours à contenir, mais peu à peu je m'y suis habituée et je l'ai acceptée puis finalement comprise. C'est qu'elle n'a pas eu une vie facile, Rena ! Elle pourrait appliquer à elle-même cette pensée : « Comment font-ils ? Comment font les gens pour continuer ? » Heureusement cette vie contient quelques belles amitiés, joyaux à préserver.
Et toujours, toujours, son père, sa mère, son frère la hantent. Son père, présent à ses côtés, mais si différent de ce qu'il était. Sa mère, « partita » comme elle le dit si bien à Gaia, et son frère au côté d'ombre...

J'ai vraiment adoré ce livre, tout en introspection et en beauté artistique - que ce soit la photographie, la peinture ou la sculpture -. Même si Rena me déconcerte par son côté atypique, totalement indépendant, elle me touche et parvient à me convaincre. Toutes ses réflexions sont si justes ! Vraiment, Nancy Huston signe ici un chef-d'oeuvre humaniste, dans tous les sens du terme. J'en sors grandie et encore plus sensibilisée à la détresse humaine qui n'apparait pas nécessairement au grand jour...

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Visite guidée à travers les rues de Florence, les splendeurs de la Renaissance, ça te dit ? Flâner dans les musées, prendre le frais dans les églises, se promener dans les jardins, un verre en terrasse... Un programme alléchant, oui je veux te lécher, te faire l'amour sous le clair de lune, période bleue, que tu sois Rena, Subra ou toute autre sylphide en a. L'ambiance toscane, sa chaleur, sa moiteur, moi ça me donne des idées fiévreuses. Pas toi ?

Rena rejoint son père et sa belle-mère pour cette escapade florentine. Pourquoi a-t-elle accepté ? Elle se le demande encore, déjà son père... mais sa belle-mère en plus... Tu parles de vacances... Alors pour s'échapper elle a convié Subra, son amie "intime" et imaginaire à qui elle conte tous ses fantasmes, y compris les performances sexuelles de son jeune amant parisien. Elles sont chaudes toutes les deux. Me too. On est fait pour s'entendre, je serai donc son lecteur privilégié. J'y connais rien en arts et encore moins en positions "libératrices". C'est que je ne te l'ai pas encore dit, mais Rena est aussi artiste, à la fois reporter et photographe. Sa dernière exposition : le sexe masculin. Des clichés de sexe, en forme ou au repos, en long en large, des gros plans, des plans plus larges, bref des bites de toutes les couleurs. Elle aime photographier la nudité de ses amants. Moi, tu veux aussi que je pose ? Ne me demande pas de tremper ma bisoune dans le caffèlatte...

Allez, c'est l'heure de la sieste. Son père fatigue déjà, il rentre à l'hôtel... On se retrouve ce soir au restaurant ? Non, je crois qu'il va se faire monter un plateau repas directement dans sa chambre. Des vacances ratées, je le sentais. Alors, Rena se promène tout l'après-midi dans cette ville-musée, enchaîne les galeries d'arts et se taperait bien ce gardien bien silencieux. Elle aime le silence des hommes, quand leurs mains se substituent à la parole, elles lui caressent les seins, encore fermes pour son âge, une fierté, elles lui caressent ses fesses, d'une rondeur encore bien douce et docile... Elle est chaude, moi aussi dans mon silence. Normal, c'est une fille de McGill, et j'ai entendu dire que les nanas de McGill, c'est du hot, surtout quand elles écoutent Leonard Cohen. Je commande un cappuccino, avec un surplus de crème si tu vois où je veux en venir.

Que de souvenirs qui refont surface, comme des péchés oubliés, des meurtrissures du passé qui surgissent du tréfonds de la mémoire. La force d'un ristretto fait que des images inavouées et inavouables s'affichent sous l'oeil de la photographe. Sans filtre, juste un infrarouge, Rena peut ainsi voir la réalité de la vie, la sienne surtout. le café se sert serré, ici, mais les blessures ne peuvent s'oublier, en toi. D'où ces nombreux voyages à travers le corps de l'autre, ces pulsions sexuelles, ces désirs, tes cuisses qui s'écartent, ô petit bonheur furtif qui permet à l'instant d'oublier sa propre histoire et de laisser couler la bonne humeur sur son visage comme le sperme de son amant.

Et que d'érotisme dans ces quelques jours toscans, je devrais peut-être vivre à Florence ou être italien, ça me plairait bien... Si j'y connais rien en art, - Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni ça serait pas un remplaçant de la Squadra Azzura ? - je demande pas mieux, au fond de moi, que d'approfondir l'art de la sodomie.
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Quel choc! Quel délice!
Chaque étape de ce voyage en Italie révèle un peu plus le passé de Rena, photographe amoureuse des hommes.
Une petite voix intérieure "Subra" l'implore d'aller plus avant dans les méandres de ses souvenirs.
Comme Nancy Huston sait si bien le faire, le roman va révéler des souffrances, la culpabilité, l'initiation au sexe, tellement présent dans les pages mais avec tant de sensualité!
Merveilleux ouvrage d'une auteure qui ne cesse de m'envouter.
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Mon Dieu que Nancy Huston écrit bien ! Á chaque fois que j'ouvre un livre de cette écrivain, je suis étonné par la fluidité de son écriture, par l'originalité du récit et par l'érudition de l'auteure. INFRAROUGE ne déroge pas à cette règle. Ce livre, très sensuel, est tout empli d'émotions et d'humour parfois caustique. C'est à la fois une balade dans l'Italie contemporaine et dans les souvenirs et considérations de la narratrice. On peut s'amuser des vacances ratées de Rena et, en même temps assister, effaré, à l'enfance et l'adolescence pour le moins tourmentées de celle-ci. Et encore une fois, l'immense culture de Nancy Huston, ses connaissances sur les différents sujets abordés sont assez bluffantes et éclatent tout au long des pages de ce magnifique roman.
Rena est un personnage très attachant. Elle est libre, lucide et assume parfaitement sa passion pour les hommes, ses maris, ses amants et décrit souvent crument sa vie sexuelle intense pour ne pas dire débridée. Parallèlement la photographie, qui est aussi son métier, ne quitte jamais ses pensées et joue un rôle immense dans sa vie.
Entre la description des relations malsaines qu'elle entretenait dans son enfance avec son frère et le compte rendu de l'étrange adolescence qu'elle a vécu entre une mère peu aimante et un père singulier et particulièrement fantasque, les réminiscences du passé surgissent et prennent un sens et un éclairage nouveau à la faveur de ce séjour florentin en compagnie de son père et de la nouvelle femme de celui-ci. Rena, toujours en attente de séduction, narre des relations complexes et souvent décevantes qu'elle entretien avec le couple vieillissant.
Ce roman est une merveille d'intelligence et de sensibilité. Il est à la fois passionnant et enrichissant. Je ne peux que vous le conseiller chaleureusement.




Lien : http://lefantasio.fr
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Du bon, du très très bon Nancy Huston. Apparemment, ce personnage féminin peut en irriter certains... Pour moi, ce "une semaine dans la tête d'une femme" est très réussi. C'est brillant, drôle, percutant, et tellement vrai ! L'ironie féminine à son maximum, jubilatoire.
Lien : http://desnouvellesdejuliett..
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Fort, féminin, profond, complexe et en même temps d'une structure simple à retrouver après lecture. Evident comme la parole d'une amie ou d'une soeur et documenté.... j'ai beaucoup aimé !
Lien : http://lyjazz.cheminsinstant..
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On suit alors Rena dans ses pérégrinations, dans ses déambulations florentines. Au risque de trouver monotones les innombrables visites des monuments et des musées, les récurrentes descriptions des différentes sculptures romaines (sûrement passionantes si on les a admirées dans sa propre vie de lecteur amateur d'art). Au risque aussi de trouver répétitifs les instants d'évasion sensuelle que Rena s'accorde chaque jour.
Si le risque est évité par l'intérêt des anecdotes, des divagations, par l'épaisseur des personnalités décrites, par l'appréciation des lieux et des scènes, alors la lecture est sauve. Pour moi il s'en est fallu de peu.
En fait c'est tout le contraire. Ce roman est complètement séducteur, il nous captive par ses petits riens extraits des souvenirs, par ses douleurs, par son discours sur la vie, la famille. Jamais d'ennui. Beaucoup d'émotions, d'empathie pour cette Rena que l'on prend plaisir à écouter et à voir se démener dans cette Toscane en compagnie de deux presqu'étrangers. Je remercie vraiment Nancy Huston de faire cohabiter dans un même roman l'évocation d'un concert de Fela Kuti, une ballade aux Buttes-Chaumont, une séance de hammam, les émeutes des banlieues d'octobre 2005, la corniche de Dakar, et des passages sensuels crus mais superbement écrits...
Décidément une écriture ouverte à tous les horizons de par le personnage principal de Rena qu'il expose.
Lien : http://chezlorraine.blogspot..
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J'ai beaucoup aimé, un livre sur la vie, le regard que l'on porte sur ceux que l'on aime et sur nous. Super.
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On ne sort jamais indemne d'un roman de Nancy Houston. Cette fois l'auteure nous capte par l'histoire étrange de quatre héros en virée en Toscane: l'héroïne du roman, Rena, photographe professionnelle, son père Simon, la compagne actuelle de ce père adoré Ingrid, et enfin le personnage imaginaire de Subra la confidente intérieure de Réna. A ce propos on ne peut s'empêcher de penser à la figuration de ces dialogues intérieurs qu'en a fait Hergé avec un Milou tiraillé entre ange et démon.
Rena agée de la quarantaine rejoint donc son vieux père, sa belle mère à Florence, et l'exploration touristique de la ville et de ses environs sert de substrat sur lequel vont s'exprimer les relations familiales présentes, passées, leur violence absolue, parfois aussi leur tendresse infinie. Pour le lecteur masculin que je suis ce livre est assurémment une présentation parfois très crue de l'univers féminin, des découvertes, des peurs, des simulacres, des fantasmes, des doutes des échecs, bref de la vie vécue par nos compagnes. Les pages sur la maternité, les relations frère soeur, l'amour y compris dans sa dimension la plus animale, sont superbes.
Au total une lecture très forte qui n'a pu m'empêcher de me faire penser à la vraie vie de la photographe et artiste Lee Miller. Si l'on s'autorise cette comparaison, Rena est assurémment également très belle.
Les plus : une structure du roman organisée autour des journées du séjour, scanssion géniale qui permet d'introduire habilement les réflexions solitaires matinales et vespérales, les moments obligés en famille, les attentes, les relations avec le téléphone portable tout en donnant le fil conducteur géographique et temporel du roman. L'héroine, incroyable de vérité. La psychologie très fine des personnages, y compris secondaires dans le roman ( la mère absente, les enfants, les amants, les époux, le frère, Gaia, cette femme qui tient des chambres d'hôtes, etc...). Les références culturelles multiples (la photographe Diane Arbus, le Japon, la Toscane. La fatalité de l'existence, l'absurde.
En moins : Nancy Huston a t-elle des comptes à régler avec ses propres fantasmes pour nous infliger parfois des passages extrêmement crus, violents,sadiques pas forcément indispensables?
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La fiction me touche quand elle touche au réel. Non pas quand elle est probable, mais quand à travers une histoire singulière elle rend compte du réel dans sa complexité.

J'en prends pour exemple, dans Infrarouge, le thème de la sexualité. L'improbable narratrice Rena Greenblatt parle de sa vie sexuelle récente, de ses souvenirs, de ses fantasmes. Elle parle sexualité active et désirante, puis agressive et néfaste. Elle la voit ici sublimée par l'art, là galvaudée et banalisée. Elle parle politique, couleur de peau, domination, séduction, tout en parlant de sexe. Parle maternité, pulsions, psychanalyse. Corps sains, corps malades. Fidélité et trahison. Bonheur, espoir, frustration, deuil.

Mais oui que c'est ça! La réalité complexe de la sexualité dans nos vies, n'est-ce pas tout ça?

Et c'est aussi, chez Nancy Houston, un voyage de 7 jours en Toscane, que je vous recommande.
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