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3,78

sur 446 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Tombée par hasard sur ce titre de Nancy Huston, je l'emprunte à la médiathèque pour un challenge. Je suis à nouveau sous le charme de sa plume. Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi ni comment mais je trouve que Nancy Huston a l'art littéraire au bout des doigts. Ce récit est original et, est une vraie oeuvre littéraire pour moi. Pour en avoir lu que deux, je ne sais pas si c'est la marque de l'auteur, nous avons dans Instruments des ténèbres deux narrations: d'une part Nadia, dite Nada, auteur américaine qui écrit ses mémoires le carnet scordatura et son manuscrit. Elle écrit un roman historique sur une jeune française de la fin XVIIe début XVIIIe siècle condamnée à la pendaison qui s'intitule Sonate de la résurrection. Les deux oeuvres s'intercalent. La narratrice confie d'abord dans ses mémoires ses difficultés d'écriture pour son roman et petit à petit la cruelle histoire de Barbe la jeune française fait remonter les blessures de la vie de Nada.
Les deux récits sont assez violents mais le désespoir se transforme sous la plume de Nada. Une lutte pour la vie, le passé se mue pour permettre à la narratrice de dépasser ses blessures.
Un beau roman que je conseille vivement.
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Un texte double et dense en roman de la filiation ( parenté et liaison ), en roman féministe. Un récit dans le récit, manuscrit et carnet d'auteur, le jeu de l'abîme, celui dans lequel plonge la narratrice. Deux personnages, deux siècles, deux destins de femmes, miroir de leurs errances intimes.

Sur - ou sous - le roman de misère tristement historiquement trivial et banal de Barbe, cette jeune servante du début du XVIIIème, celui de l'auteure-narratrice qui revient sur sa propre histoire familiale, ou plutôt sur son parcours et ses choix inscrits dans cette histoire. Une histoire de maternité douloureuse parce que refusée. Imposée. Ce roman, c'est autant la liberté de penser, de s'exprimer que celle de disposer de son corps.

Ce roman, souvent terrible, cynique et confondant, c'est celui du double. L'exploration de la thématique est étourdissante, un vertige : narratrice-héroïne, fille-mère, les personnages jumeaux fille-garçon, la vie réelle et la vie spirituelle, Dieu et le diable, le Témoin et/ ou l'absurde de l'existence, le péché et/ou l'injustice, la fidélité au mariage et l'amant, reflexion-reflet, la maternité et la création...

Un roman en correspondances dans tous les sens du terme -" J'ai besoin d'écrire ceci pour pouvoir écrire cela. Et inversement. ". Des voix qui se croisent, des chapitres alternés entre le récit historique et l'introspection à laquelle se livre la narratrice. Réflexions plus qu'introspection même si elle s'immerge, sombre, " s'abîme ", très loin, touche à l'insaisissable étrangeté " tirant de ses propres profondeurs de fabuleux accords de mémoire et d'imagination "

Ce regard, plus désemparé que amer, sur l'existence menée par sa propre mère - " Elle pria Dieu de lui donner force et patience, mais Il ne lui donna qu'encore et toujours des enfants : certains vivants, d'autres morts, tous épuisants. " -, pose crûment et cruellement à la narratrice la question de ses propres relations aux hommes, à son père.

" Je suis tellement patiente avec lui. Jamais un mot plus haut que l'autre. Froide, impassible comme un bloc de glace. [...] Maintenant que je ne déteste plus mon père, ce qu'il remue en moi est presque intolérable. de la pitié, bien sûr, - mais, si je regarde de plus près, une nostalgie lancinante aussi. "

Invocations et évocations, ces chapitres - " philopsychotiques " comme les qualifie l'un des amis de la narratrice - nouent un dialogue en aparté - échanges de répliques savoureusement féroces - avec le Daemôn convoqué, le démon intérieur reconnu, revendiqué comme inspirateur. Au diable " les défenses intellectuelles ", c'est un ensorcellement désenchanté.

" Tout est traduction désormais. Mes livres sont des traductions, par exemple : des tentatives maladroites, bâclées, pour transcrire ce que m'a révélé mon daimôn. L'original l'existe pas. L'original est comme le paradis : perdu par définition.

D'une plume alerte, sarcastique et incisive, intransigeante et érudite, à travers ces histoires de maternité, avec ces voix qui murmurent, résonnent-raisonnent, à travers ces chuchotements furieux, l'auteur interroge sur l'écriture, la noirceur de ses mots sur les pages, la conception des mots.

" ... Que, justement en raison du fait que la vie réelle existe, et qu'elle n'a pas de sens, il est indispensable que l'Art, qui tourne autour des inexistants, en ait. "

Une quête littéraire en métaphore musicale, un roman en partition ( autant division et partage ), composition magistrale sur ce manuscrit qui porte bien son titre de " Sonate de la Resurrection ".


Lien : http://www.lire-et-merveille..
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J'ai bien aimé ce livre de l'écrivaine canadienne Nancy Huston, pour lequel elle a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens et le Prix du livre France Inter. Il s'agit d'un roman assez sombre sur la condition féminine et sur l'avortement. de plus, la construction est étrange et originale. Oui, ce livre vaut vraiment le détour.

L'auteure mélange deux textes  : une réflexion de la narratrice sur sa propre vie, sous la forme d'un journal intime, et une oeuvre de fiction qu'elle écrit et qui met en scène des jumeaux – Barbe et Barnabé - dans la France du XVIIIème siècle. Tant la narratrice que Barbe, son personnage de roman, ont connu une grossesse non-voulue, avec la pression sociale qui en découle. Accusée d'infanticide, Barbe est même condamnée à mort. Ainsi, tout au long de l'histoire, les deux textes vont se refléter pour dégager des réflexions communes.

L'opposition Dieu/Diable – Bien/Mal - est au coeur du roman, tout comme la violence – symbolique ou non - à l'égard des femmes. C'est un texte profondément féministe et réflexif sur les rapports sociaux de genre. La musique joue également un rôle très important, dans le tempo et dans le récit. J'ai beaucoup aimé ce passage, qui retrace bien la morale de ce roman : « La vérité n'est ni la lumière permanente éblouissante, ni la nuit noire éternelle : mais des éclats d'amour, de beauté et de rire sur fond d'ombres angoissantes, mais le scintillement bref des instruments au milieu des ténèbres ».

L'écriture est assez crue, avec des déscriptions nauséeuses et précises, mais le rythme est très bon et le style est très éfficace. J'ai été porté par l'histoire, avec une légère préférence pour les chapitres sur les jumeaux.

C'est vraiment un très bon livre, que je conseille.
Lien : https://evanhirtum.wordpress..
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Une révélation qui m'a donné envie de découvrir tous les ouvrages de cette auteur.
Beaucoup oublié, à relire !
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Une structure complexe à dessein

Ce roman alterne entre deux époques d'un chapitre à l'autre.

. La première, située dans des temps moyenâgeux volontairement flou (révélant ainsi le caractère intemporel de l'histoire contée et ses résonances avec le monde actuel), raconte l'histoire de Barbe et Barnabé, une soeur et un frère, jumeaux, depuis leurs naissances (et la mort en couche de leur mère) à leur mort (ou leur renaissance). C'est surtout à la destinée (aux accents mystiques et symboliques) de Barbe que le récit s'attache et à ses déboires successifs que le personnage accepte avec force et courage. Barbe apparaît comme une parabole quasi biblique : à sa confrontation au monde des Hommes (et des hommes), leur violence, leur malveillance et leurs vices, Barbe demeure bienveillante. Cette partie du roman sur un travail d'investigation et d'imprégnation ; Nancy Huston s'est inspirée de la vie réelle de Barbe Durand rapportée dans l'ouvrage de André Alabergère, Au temps des laboureurs en Berry. Comme tout écrivain s'emparant d'un fait réel, Huston s'est tellement imprégnée que cette histoire qu'elle est parvenue à transcender le réel pour devenir une véritable fiction.

. La deuxième époque, située dans un contexte explicitement plus contemporain mais également assez flou, suit le « carnet Scordatura » (manière d'accorder les instruments à cordes qui s'écarte de l'accord usuel), sorte d'assemblage d'extraits de journaux intimes de Nadia qui interroge sa propre essence et son identité face à un passé tout aussi tourmenté que celui de Barbe, ce personnage sur lequel elle est en train d'écrire un roman (mise en abîme donc). Nadia fait appel à son « daîmon » avec lequel elle dialogue : sorte de diable la forçant à creuser en elle ; je n'ai pu m'empêcher d'y voir un parallèle avec le dialogue qui s'opère bien souvent entre celui qui écrit et son écrivain, en d'autres termes, celui qui use de son instrument de curetage pour racler au fond des entrailles un potentiel reste d'enfant avorté. En même temps que Nadia se cherche et se reconstruit, elle donne naissance à un livre : « La sonate de la résurrection » (l'histoire de Barbe).

Une multitude de pistes d'analyse du roman

Comme tout grand roman suffisamment mûri et maîtrisé pour devenir ce que j'appelle un classique (c'est-à-dire un livre qui, quelle que soit l'époque, saura toujours résonner quelque part chez le lecteur, et révèle chaque fois sa naissance), Instruments des ténèbres peut avoir un nombre incalculable de pistes d'analyse et de compréhensions possibles.

De multiples résonances

Il y aurait l'aspect mythologique (le grand nombre de symboles et d'échos qui peuvent renvoyer à des figures mythologiques notamment pour Barbe et Barnabé) ; il y l'aspect musical (ne serait-ce que les titres des parties renvoyant à l'univers musical : « La sonate de la résurrection » (de Heinrich Biber) pour l'histoire de Barbe et la notion de « scordatura » dans la partie de Nadia) ou encore un aspect psychanalytique : le « daîmon » de Nadia pourrait être la figuration du psychanalyste… Je préfère vous parlez de ce qui m'a le plus frappée dans ce roman :

La féminité

Qu'on soit choquée, effarée ou surprise, voilà un roman qui ne laissera pas une femme indifférente ! Je n'ai pas l'habitude de faire de distinction de sexe lorsque je parle de littérature mais il faut bien avouer que ce roman, écrit par une femme, avec des personnages principalement féminins, questionnant la place de la femme dans deux époques et sociétés différentes, est un livre viscéralement féminin, en ce sens qu'il fait appel à la biologie féminine : enfantement, maternité, relation mère-fille, relation vagin-société.

Les deux époques du roman s'alternent et marchent de front, et c'est à travers le maillage et les échos qui se nouent entre elles que le questionnement sur la féminité prend toute sa force. C'est notamment un profond questionnement sur l'enfantement et le non-enfantement à travers trois figures majeures : la mort en couche initiale de la mère de Barbe, l'avortement de Nadia qui la rapproche un temps de sa propre mère, et l'accouchement mystérieux de Barbe ; et cette façon qu'a de montrer Nancy Huston que, malgré le décalage des époques, cette question est encore et avant tout une histoires de femmes qui s'entraident, qui s'épaulent, qui se comprennent et font toujours face seules (parce que cela se passe fatalement à l'intérieur de leur ventre, qu'elles ne peuvent l'ouvrir aux yeux des autres pour montrer et même pas du père potentiel que Huston montre dans les trois cas assez effacés et incompréhensifs face à l'enfantement).

À tous ces questionnements sur la place de la femme dans la société, il n'y a pas de réponses franches, seulement d'autres ouvertures, puisque la féminité est d'abord une affaire d'intériorité et d'intimité, que chaque femme porte en soi la réponse pour elle-même et pour un instante, et qu'elle ne sera pas nécessairement la même pour une autre. D'où peut-être aussi la représentation de la difficulté du contact à la mère entre Nadia et Elisa, sa mère.

Quels sont ces instruments des ténèbres… ? Ce roman en révèle de nombreuses facettes et c'est avec le ventre qu'on les ressent, plus qu'il ne serait possible de véritablement l'expliquer…
Lien : https://justine-coffin.me/20..
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