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3,78

sur 447 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Étrange roman de Nancy Huston, où nous découvrons en alternance deux récits, celui de Nadia, écrivain cynique et vaguement tordue dans son carnet "Scordatura" ("discordance"), et celui de Barbe, l'héroïne du roman de Nadia, une petite paysanne française du XVIIIe siècle.
Je pense que ma lecture de l'oeuvre a été tronquée par le contexte dans lequel je l'ai découverte, à savoir celui de mon mémoire sur l'avortement en littérature. Je l'ai lu sous ce prisme, et je pense que c'est une lecture raisonnable mais il n'est pas impossible que j'aie laissé tomber des aspects importants du roman.

Ce qui fait la jonction entre l'histoire de Nadia et de Barbe, que pourtant tout oppose, c'est la maternité.
Nadia ne veut pas d'enfant, elle s'est débarrassée de chaque grossesse "comme des scarabées". Pourtant, l'un de ces foetus a résisté, s'est implanté dans son ventre... Ce presqu'enfant, elle n'en voulait pas et pourtant, le sentiment de maternité est monté en elle petit à petit...
Cet enfant avorté l'obsède, lui rend visite la nuit, occupe ses pensées...
Elle écrit l'histoire de Barbe, petite paysanne engrossée par son patron, comme une thérapie, pour mener à terme cette grossesse qu'elle même a interrompue. Je m'arrête ici pour ne pas en dévoiler la fin.

Il est très difficile de s'attacher aux héroïnes de Huston, je trouve. Elles sont froides, distantes, presque robotiques... Il faut vraiment les épier, les garder à l'oeil, pour voir surgir l'étincelle, la fragilité, qui les rend plus sympathique. Ou pas. Une héroïne n'a pas forcément à nous inspirer de la compassion.
Un très bon roman que je recommande. Assez dérangeant, il faut bien l'admettre, mais mon sujet de mémoire m'a habituée à bien pire que ça...
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Dans Instruments des ténèbres, Nancy Huston entrecroise deux histoires de femmes, celle de Barbe, soeur jumelle de Barnabé, nés en 1686 et celle, plus contemporaine de Nadia, rebaptisée Nada.

A 300 ans d'intervalle, il y a tant de parrallèles entre ces deux femmes abandonnées.

Barbe a perdu sa mère à sa naissance, elle grandit de maisons en fermes. Elle rencontre toutefois de bonnes personnes comme Hélène mais le sort des femmes, des bonnes est souvent tragique à cette époque. Violée par son patron, elle doit s'enfuir. C'est l'époque de la sorcellerie et le diable n'est jamais loin des destinées difficiles.
Mais quel est le sort de Nadia? Elevée dans une famille nombreuse avec un père violent et une mère fragile, elle traîne aussi la mort de son frère jumeau. Elle aussi, est confrontée à l'infanticide et au peu de compassion de ses partenaires masculins.Ellen'a qu'une seule vraie confidente, Stella, l'amie de sa mère.
A cinquante ans, elle est devenue une écrivaine reconnue et écrit la Sonate de la Résurrection (la vie de Barbe) et en écho, les carnets Scordatura (sa propre confrontation avec ses démons).
C'est un roman sombre qui évoque la condition féminine au travers des époques, la confrontation à la maternité et à la mort.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Instruments des ténèbres ! Que veut nous dire Nancy Huston ? Quels sont-ils ces instruments ? Quelles ténèbres ? le démon de la narratrice qui implicitement se confond avec l'auteur ? Daimôn, à l'instar de Méphistophélès qui séduit Faust pour le détruire ? Ici manipule-t-il l'auteur qui produit une oeuvre sombre voire noire ? Les croyances qui font autorité au XVIIe siècle et qui les traversent jusqu'à nous: le démon, les sorcières, la religion pervertie, les prêtres, mais aussi le destin qui inflige la famine et les épidémies ? Mais encore, les hommes qui abusent avec violence les femmes comme les mâles des fermes avec les femelles ? La soumission des femmes au qu'en dira-t-on, à l'autorité, aux hommes dont les prêtres ? Un peu toutes ces causes qui transforment la vie des femmes en ténèbres....

J'avoue m'être interrogé jusqu'au 2/3 du livre, pourquoi ce livre a-t-il été primé ? Je préfère sans conteste l'original de Goethe à un pâle fac-similé. Puis comme souvent, la patience est récompensée. Comme un ciel de l'océan passe en un instant du sombre à une pureté limpide, ici tout s'éclaire également.

Sans être un livre féministe, cette oeuvre lève le voile des ténèbres pour servir la cause des femmes, l'humanité....
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Nadia ou Nada, c'est du pareil au même. Une lettre, c'est rien, surtout quand c'est ce « I », ce « je ». L'effacement de soi devant… devant quoi, au juste ? Devant rien de particulier, devant le monde. Deux histoires se font échos : l'une au XXe siècle, l'autre au XVIIIe. Deux vies faites de néant, de hasards, de quelques joies et de grandes peines. Deux vies de solitude finalement. Mais pas malheureuses pour autant.

Fragments d'un carnet qui fait office de journal intime entrecoupés de chapitres romancés. Sous la plume de Nancy Huston naît cette femme forte mais pleine de haine et d'autres choses, et sous sa plume à elle naît Barbe, pauvresse du passé qui doit faire avec son état d'orpheline, la crainte des autres et une grossesse inopportune et inconvenante.

Encore une fois, cette auteure nous parle avec force de toutes ces formes d'amour et de mort. Elle parle d'avortement : ouvertement, crûment et sensiblement. Ses mots nous parviennent, sombres. Tendres aussi, peut-être. Mais anodins, jamais.
Lien : http://auxlivresdemesruches...
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Ce récit est divisé en deux parties bien distinctes, le "Carnet Scordatura" et "La Sonate de la résurrection".

Fin XXème à New-York, Nadia, une Américaine d'une cinquantaine d'années, fait de sa vie un bilan négatif qu'elle exprime à travers son journal intime le Carnet Scordatura. le récit se déroule sur une année. Elle vit une crise identitaire qui la pousse jusqu'à modifier son prénom de Nadia en Nada (rien en espagnol et si on lit le livre en anglais, la disparition du i « I » (le « je ») est particulièrement frappante. Nadia a un jumeau mort-né qu'elle appelle Nothing ses parents ne lui ayant jamais donné de nom. Elle cherche à s'effacer et se dédouble à travers son daimôn, une créature imaginaire avec qui elle dialogue tout au long du carnet. le daimôn porte un autre regard sur sa vie, il la pousse à affronter son passé et ses mauvais souvenirs. Elle se replonge dans son enfance rythmée par la mort de son frère jumeau, les violences du père, la dépression de sa mère. Ces retours en arrière se font de façon décousue mais ça ne nuit en rien au récit.
Parallèlement, Nadia écrit un roman La Sonate de la résurrection qui met en scène des jumeaux, Barbe et Barnabé, dans la France du début du XVIIIe siècle. Il est inspiré de faits réels, rapportés dans l'ouvrage d'André Alabergère Au temps des laboureurs en Berry, un recueil d'archives anciennes.
Les jumeaux forment un couple d'opposés et pas seulement parce qu'ils sont de sexe différents.
Au fur et à mesure de la lecture, des correspondances entre les souvenirs de Nadia et le destin des jumeaux vont se dévoiler.
On retrouve dans ce récit les thèmes chers à Nancy Huston : la rupture entre la mère et l'enfant, la musique, la crise identitaire , le dédoublement et la pensée féministe. Car, au-delà du récit, fort bien mené en passant, dans ce livre, Nancy Huston aborde une position féministe. En filigrane, on peut y lire que le sort des femmes n'a pas changé malgré les siècles, que la violence qui leur est faite reste la même car le sexisme et d'autres violences sont toujours d'actualité. La condition de la femme est marquée par la maternité. . Les époques changent mais l'avortement reste une affaire de femmes et une épreuve (Nadia et Barbe manifestent toutes deux un amour absolu pour cet enfant qu'elles ne peuvent pas garder d'où la souffrance). Et malgré les années passées entre 1996 (la date de parution du roman) et aujourd'hui, le peu de compassion envers les femmes qui refusent la grossesse est toujours présent et le droit à l'avortement n'est toujours pas accepté par certains.


On peut aimer ou détester les livres de Nancy Huston mais on ne peut nier la qualité de son écriture et son art à manier la dérision et l'humour grinçant. Pour preuve cette réponse de Stella, amie de Nadia, qui, comme Nadia se plaint de l'absence de jugement dernier qui lui permettrait de solder ses comptes une fois pour toute, lui dit : « Je sais, c'est dur…. Mais ce n'est pas parce qu'il n'existe pas de Démerdeur Suprême qu'on est obligé de rester dans la merde ».
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Double portrait de femmes, réflexion sur la création littéraire, questionnement autour de la notion de présence : voilà les 3 principaux thèmes de ce roman si riche.
Les deux femmes sont Nadia et Barbe : la première est romancière, la seconde est personnage de roman ; la première vit à la fin du XXe siècle, la seconde 400 ans plus tôt. Mais la première n'existe pas plus que la seconde, puisque si Barbe est une invention de Nadia, Nadia est une invention de Nancy Huston. Nadia qui a d'ailleurs décidé de se faire appeler Nada (qui signifie "rien" en espagnol). Et ce rien, ce néant, ces ténèbres, constitue toute la matière du roman. Les enfants qui ne sont pas venus au monde, les protagonistes des oeuvres de fiction, tous ces êtres inexistants qui occupent pourtant une place démesurée dans nos esprits. La femme obnubilée par son enfant mort-né, le lecteur ému par les malheurs d'une héroïne de papier et qui oublie pendant sa lecture les horreurs réelles qui se passent au même moment dans le vrai monde, pourquoi s'attachent-ils à ces idées tout aussi abstraites l'une que l'autre ? Mais cette femme, ce lecteur ne vont-ils pas eux-mêmes vers le néant ? Ne sont-ils pas, comme le dit Nancy Huston, de futurs défunts? Que representeront-ils dans 400 ans?
C'est ici que survient un autre thème fort de ce roman ; ce que l'autrice désigne par "être là". Être présent, être pleinement à ce que l'on fait, exister, profiter, s'investir, oublier brièvement notre statut de futur défunt : voilà d'autres manières de le dire, auxquelles manque la subtilité avec laquelle Nancy Huston aborde cette question.
Enfin, le 3e thème, qui est en réalité le premier, le plus central, c'est la féminité, les rôles, les obligations, les étiquettes qu'on y associe. "On" ce sont les hommes, qui imposent, décident, dirigent, violent. Mais ce sont aussi les femmes, qui donnent l'exemple, apportent leur soutien, partagent vos secrets, transmettent la soumission ou se font complices des méfaits masculins (volontairement ou par contrainte).
Amie, soeur, fille, épouse, célibataire, mère, non-mère, tentatrice, romancière, bonniche, victime, guérisseuse, sorcière, libre, fuyarde, prisonnière et tant d'autres mots sont assignés à chacune de ces femmes, Barbe, Nadia... et Nancy, très certainement. À tel point que cela semble encore plus difficile pour elles de savoir ce que peut signifier "être là" ou tout simplement "être".
Pour ces réflexions, associées aux idées qui tournent autour de la création, de l'inspiration, de l'investissement dans l'écriture, ce roman mérite d'être lu... avec beaucoup d'attention. Une manière, au moins pendant 300 pages, d'être là.
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D'un côté, Nada. Auteure de cinquante ans, qui a bien vécu. Et mal vécu, entre certains excès, les hommes, un avortement très jeune... Des désillusions. Comme une envie de destruction.
En parallèle, l'héroïne de son nouveau roman. Barbe. Jeune servante française, condamnée à mort en 1712 pour avoir dissimulé sa grossesse et fait disparaître cet enfant illégitime.
Nancy Huston y aborde la condition de la femme, humainement et historiquement. Ce que le bien-pensant condamne en silence aujourd'hui conduisait au bûcher hier. de la femme à la sorcière, il n'y a qu'un pas. de côté ou de travers, peu importe, on en revient au Mal, à la Bible, au sacrifice, au manichéen. La femme pécheresse, punie, inlassablement.
J'aime infiniment son écriture, son imagination, sa vision.
Avec Instruments des ténèbres, je me suis régalée.
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Cette lecture aura eu une résonance particulière en moi. Je l'ai d'abord faite avec en fond médiatique les événements liés à Charlie Hebdo: moments douloureux qui m'ont bouleversée, meurtrie profondément. Il y a aussi le thème du roman qui m'a touchée, liée à mon état de future maman: le destin d'une femme et de son enfant sur lequel elle s'arrogera le droit de vie et de mort. Ces deux circonstances me laissent un goût doux-amer vis-à-vis de cette lecture. Aurais-je lu les choses différemment si le contexte avec été différent? Sans nul doute…

Le roman de Nancy Huston croise deux récits qui s'alternent à chaque chapitre. Il y a le récit de Nadia ou Nada, une Américaine, écrivain plutôt douée. Nada raconte sa vie chaotique faite de nombreuses rencontres masculines et de cette répugnance à accueillir la vie en son creux au point qu'elle aura avorté de nombreuses fois.

Je n'ai pas vraiment su apprécié cette partie du roman. Nada est pour moi trop cynique, trop distante vis-à-vis de la vie des autres et de la sienne. Elle m'a semblé froide, implacable, parfois nombriliste. Et pourtant elle a su m'émouvoir à travers l'histoire qu'elle va nous raconter. En effet, le second récit du roman est fait par Nada: il est le fruit de ses recherches et de son imagination. Elle nous livre ici son futur roman au fur et à mesure qu'il s'écrit.

C'est selon moi la partie plus intéressante et la plus émouvante du roman. En effet, Nada y narre les vies de Barbe et de Barnabé, deux jumeaux nés au 17ème siècle. Leur existence est placée sous le signe du deuil dès leur naissance puisque leur mère meurt en couches. Orphelins, ils sont tous les deux placés respectivement chez une nourrice et dans un hospice tenu par des religieuses. Barnabé deviendra moine tandis que Barbe errera de foyer en foyer comme servante pour subsister.

Nada, l'alter-ego de l'auteur, nous raconte surtout la vie de la jeune Barbe qui se fait abuser par son patron. Enceinte, elle est chassée de la maison et erre sur les routes. Son bébé sera son seul espoir d'une vie nouvelle, un peu meilleure. Elle dissimule sa grossesse pour ne pas être à nouveau chassée et battue jusqu'au jour où elle donne naissance à son enfant.

La suite du roman est terrible. Barbe perd la tête, est accusée de sorcellerie. Les mots de l'auteur sont durs, cruels. La religion, encore une fois, fait commettre aux hommes les pires sévices au nom d'un Dieu tout-puissant et vengeur. L'auteur nous raconte simplement le destin malheureux de cette fille déshonorée, toujours accusée parce qu'elle est née femme.

Certains passages sont difficiles à lire, à imaginer. On sort assommé, groggy de cette lecture avec un sentiment douloureux qui reste accroché au coeur.
Lien : https://carolivre.wordpress...
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A travers un plan qui paraît chaotique, Nancy huston arrive à nous faire accepter la violence déchaînée à son plus haut point. Entrer dans la lecture a été assez difficile. J'ai commencé à apprécier les différentes réflexions à partir du dernier tiers du livre. le premier tiers est violent mais on est comme transportés, et le second tiers a été presque repoussant. Pourtant, comme dans "Une adoration", le derniers tiers a montré la puissance de l'écriture et de la maternité. le titre du livre est encore plus explicite une fois qu'on a lu la fin du livre.

Un livre que je conseille, mais mieux vaut avoir lu d'autres romans du même auteur pour s'habituer à son écriture. La violence y est décrite avec simplicité mais aussi avec force.
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INSTRUMENTS DES TÉNÈBRES de NANCY HUSTON
Un livre superbe qui suit en parallèle 2 histoires, celle de la narratrice et celle de jumeaux vers les années 1700. Deux styles différents selon que l'on est à une époque ou à l'autre, une écriture originale et qui marque profondément. La folie rôde en permanence dans le présent et la sorcellerie dans le passé. Une écriture puissante. À lire quand on est en bonne forme, l'ambiance est quand même très dépressive. Prix Goncourt des lycéens 1996.
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