Citations sur Un monde flamboyant (41)
Toutes les idées de vengeance naissent de la douleur de se sentir impuissant. Je souffre devient tu va souffrir. Et, soyons honnêtes : la vengeance est revigorante. Elle nous donne un but et nous anime, et elle annule le chagrin car elle détourne l'émotion vers l'extérieur. Dans le chagrin, nous nous effondrons. Dans la revanche, nous nous reconstituons en une arme unique visant une cible. Si destructrice qu'elle soit à long terme, elle remplit provisoirement une fonction utile.
Et n'était-ce pas justement ce caractère de certitude, d'arrogance, de légitimité revendiquée que tu détestes, Harry, que tu trouves si difficile à imiter, ce caractère qu'ils avaient tous ? Et n'étaient-ils pas tous pleins de condescendance envers toi, Harry ? Ne te considéraient-ils pas comme une inférieure, toi qui étais capable de penser mieux, de travailler mieux, de faire mieux que n'importe lequel d'entre eux ? p. 368
Combien de personnes regardaient vraiment une oeuvre d'art ? Et, s'ils le faisaient, qu'y voyaient-ils ? Comment les gens jugeaient-ils en réalité ? Mes intérêts personnels étant plutôt d'ordre littéraire, je signalai à Harry que le Murphy de Beckett avait été refusé quarante-trois fois et rappelai les nombreuses histoires de journalistes littéraires tapant des manuscrits de romans célèbres, les envoyant aux éditeurs et recevant en retour des lettres types de refus (ou pire). Sans l'aura de la grandeur, sans l'imprimatur de la grande culture, de la mode ou de la célébrité que restait-il ? Qu'était-ce que le goût ? Y avait-il jamais une oeuvre d'art qui ne fût chargée des attentes et des préjugés du spectateur, du lecteur ou de l'auditeur, si éduqué et raffiné qu'il fût ?
Nul ne savoure plus la vengeance que la femme, a écrit Juvénal. La vengeance est le plus grand ravissement des femmes, a écrit Sir Thomas Browne. Douce est la vengeance, surtout pour les femmes, a écrit Lord Byron. Et moi : je me demande pourquoi, les mecs, je me demande pourquoi.
Je l'écoutais. Je le dis sans cynisme : c'est la première règle de la séduction. Il n'y a pas de séduction sans grandes oreilles attentives.
"Toutes les entreprises intellectuelles et artistiques, plaisanteries, ironies et parodies comprises, reçoivent un meilleur accueil dans l'esprit de la foule lorsque la foule sait qu'elle peut, derrière l'œuvre ou le canular grandioses, distinguer quelque part une queue et une paire de couilles"
En 2003, j'ai découvert cette phrase provocatrice dans une lettre à la rédaction parue dans le premier numéro de The Open Eye, une revue interdisciplinaire que je lisais fidèlement depuis plusieurs années. L'auteur de la lettre, Richard Brickman, n'était pas celui de la phrase. Il citait une artiste dont je n'avais encore jamais vu le nom dans la presse : Harriet Burden.
En réalité, elle s'acharnait à comprendre la psychologie de la croyance et de l'illusion, lesquelles, soyons francs, sont souvent une seule et même chose. Comment des idées extravagantes, voire impossibles, peuvent-elles s'imposer à des populations entières ? Le monde de l'art était le laboratoire de Harry - son microcosme d'inte ractions humaines, ce monde au sein duquel le bruit et la rumeur altèrent, littéralement, l'apparence de pein tures et de sculptures. Mais nul ne peut démontrer qu'une ceuvre d'art est véritablement supérieure à une autre, ni que le marché de l'art fonctionne principalement sur la base de telles œillères. Ainsi que Harry me l'a bien sou vent fait remarquer, il n'existe même pas de consensus sur une définition de l'art.
S'il y a une chose qui ne marche pas dans l'art, c'est l'excès de sincérité.
La vie consiste à traverser un champ de mines sur la pointe des pieds. On ne sait jamais ce qui va arriver et, si vous voulez mon avis, on n'a pas tellement prise non plus sur ce qu'on laisse derrière soi. Mais ce qui est sacrément certain 'est qu'on peut en raconter l'histoire et sa casser la tête à essayer de la raconter juste.
Pour lui, l'art était la partie enchantée de la vie, la partie de la vie où tout peut arriver. Il aimait particulièrement la peinture, et sa sensibilité aux formes, aux couleurs et aux sentiments était extrême, mais il disait toujours que la beauté seule ne suffisait pas. La beauté pouvait être mince, sèche et terne. Il cherchait "des idées et des viscères" dans une même œuvre, tout en sachant aussi que cela ne suffisait pas non plus pour la vendre. Pour vendre de l'art, il fallait "créer le désir", et "le désir, disait-il, ne peut être satisfait parce que alors ce n'est plus du désir". La chose vraiment désirée doit toujours manquer. "Les marchands d'art doivent être des magiciens de la faim."