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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je cherchais un intermède entre deux romans plus consistants et voici que le maître de thé se présente à moi. Il possède deux qualités recherchées : un auteur japonais et moins de deux cents pages. Wouah, tout est dans tout! J'adore aussi le thé et j'essaie de moins boire de vin, donc…

Ce roman consiste à une transcription du journal d'un monsieur Honkakubô entre les années 1582-1622. Ce journal étant une invention de l'auteur mais construit avec de vrais personnages qui ont réellement existé dont Soeki Rikyu (1522-1591). Ce Grand Maître de thé finit sa vie en se faisant hara-kiri à la demande de son seigneur et protecteur le Taïko Toyotomi. Alors, le disciple essaie de comprendre cette mort inhabituelle pour un sage philosophe qui promulgue l'éthique du thé.
Le roman se lit comme une enquête policière « soft » alors que l'on sait que le personnage principal est mort par seppuku. Quelles sont les raisons de ce suicide? Pourquoi Rikyu n'a-t-il pas demandé pardon au seigneur Toyotomi pour avoir la vie sauve? Toutes ces réponses nous seront parsemées au fil du récit avec une finale peu enlevante.

« …le temps avale, repousse et efface tout. »
Le temps est important dans ce récit. le temps et les Daimyôs, nobles, citadins, guerriers, samouraïs qui sont énumérés. Il y en a beaucoup, cette lecture est exigeante mais l'hommage est ultime. N'oublions pas que ces personnes ont existé!
La mort aussi prend sa place, celle qui est noble, la mort désirée.
« Le néant n'anéantît rien, c'est la mort qui abolit tout. »

La place du rituel est primordiale. Celle de la cérémonie du thé a valeur de recherche intrinsèque, de préparation à la guerre ou fin de vie programmée. Et comme tout roman japonais qui se respecte, l'onirisme est présent et une grande sagesse de vie.
« J'avais résolu de jeter, un à un, les objets superflus. Mais on a beau jeter, à la fin, il reste soi-même… »

Je ne crois pas avoir tout compris de ce livre, loin de là. Je place cette lecture dans ma besace de vie et je mûris lentement. Comme premier effet, un tas de nouveaux thés dans mon armoire, et un ralentissement du geste lors de la préparation.
L'âme à la vague, je me remémore le Japon et ma rencontre avec la cérémonie du thé. C'est bon et chaud…
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Ce récit atypique nous plonge dans le Japon féodal, à la charnière des XVIe et XVIIe siècles, une époque soumise à de perpétuelles luttes entre clans rivaux. Monsieur Rikyū est sans conteste le plus illustre Grand Maître de thé de son temps. Il fut aussi la principale figure du développement de la cérémonie du thé au Japon. Il parfait l'art de préparer et de servir le thé « simple et sain » au service de l'homme le plus puissant du pays, le Taïkō Hideyoshi. Sen no Rikyū a réellement existé, tout comme Hideyoshi qui fut l'un des trois unificateurs du Japon de la période Sengoku. Toute l'intrigue du roman vise à comprendre les raisons de la mort de Rikyū, qui reçut l'ordre du Taïko Hideyoshi de se faire seppuku, autrement dit le suicide rituel (hara-kiri en langue orale).

C'est à partir de ce contexte historique que l'auteur construit la trame de son récit, prenant la forme d'un journal fictif qui aurait été rédigé par Honkakubō, « homme de thé » et ancien élève de Rikyū. Ces « Cahiers posthumes du moine Honkakubō » retracent ainsi trente ans d'enquête et de réflexion visant à faire la lumière sur la disgrâce de Monsieur Rikyū. N'imaginez nul rythme haletant ni enquête trépidante dans ce roman. Sur la base de ses souvenirs, d'échanges réels ou de conversations imaginaires avec des hommes de thé ayant connu Rikyū, Honkakubō élabore diverses théories sur la mort de son ancien maître. Cette enquête prend la forme d'une véritable quête initiatique qui permet d'explorer la nature profonde de l'art du thé. À une époque où cet art était élevé au niveau de rituel majeur pour la vie sociale, politique ou guerrière, où toutes les étapes de la cérémonie du thé étaient codifiées et archivées sous la forme de comptes rendus, où les ustensiles les plus précieux recevaient même des noms, on peut imaginer jusqu'à quelle extrémité les plus grands maîtres de thé ont consenti à aller pour donner un sens à leur art et à leur vie.

« le néant n'anéantit rien ; c'est la mort qui abolit tout. »
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Le journal imaginaire de l'élève du Grand Maître de thé Rikyu (1522-1591) plonge le lecteur dans un monde de délicatesse, d'harmonie et de civilité, de moines bouddhistes, de samouraïs et de shoguns, dans lequel le choix d'une calligraphie ou d'un bol pour une cérémonie a une signification particulière qu'il faut savoir décrypter. Un court roman dense et contemplatif, parfois complexe en raison du nombre de personnages et d'éléments historiques et culturels méconnus, mais à l'élégance extrême.
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Le maître du thé de Yasushi Inoué, est un roman avec un fondement historique, au Japon au XVI siècle. le narrateur est Honkakubô, moine qui cherche à comprendre les raisons du bannissement de son maître Rikyù (aussi appelé Soeki), ancien samouraï devenu moine et "Maître du thé" par Hideyoshi également un guerrier, son mécène, devenu Taïko, sorte de ministre, conseiller de l'empereur. Suite à cette condamnation le Maître du thé s'est suicidé à la façon des samouraïs. C'est une enquête qui nous met en relation avec d'autres personnages historiques, enquête qui nous renseigne sur les codes éthiques voire mystiques de ces guerriers mais aussi un éloge du maître. La cérémonie du thé à cette époque est assimilable à une forme d'office religieux, une sorte d'éloge de la lenteur puisque cette cérémonie dure plusieurs heures avec des objets si précieux qu'ils sont dénommés telle une personne ou un Dieu. Souvent cette cérémonie du thé est un recueillement, une recherche de paix, de sérénité avant d'aller massacrer ou se faire massacrer à la guerre. J'ai été frappé par des comportements presque à l'opposé l'un de l'autre: une grande retenue dans les émotions et les propos comme si chaque mot était murement évalué avant d'être livré et à l'opposé une dureté, une froideur des personnages qui aujourd'hui seraient qualifiés de cruels. Incontestablement ce roman nous livre une peinture sociétale de cette caste au Japon à cette époque. Si je devais synthétiser le trait commun qui illustre l'art de vivre à cette époque au Japon : les codes et les règles l'emportent sur le coeur, l'humanité. Loin de moi, un jugement négatif, cette période a eu le mérite d'unifier le Japon, comme nos guerres internes sur notre territoire pour constituer la France.
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Avant toute critique de cet ouvrage remarquable, un conseil que j'aurais aimé trouver ici avant de le lire.
Allez consulter la page wikipédia consacrée à la cérémonie du thé pour en comprendre la teneur et la signification.

Je vous passerai le résumé d'une intrigue qui au fond n'en est pas vraiment une, la liste des protagonistes aux noms japonais que nous retenons mal.
Si effectivement, le livre parle beaucoup de la cérémonie du thé, son sujet me semble tout autre.
Car ces maîtres de cérémonie qui se suicident sur ordre du pouvoir m'ont moi fait immédiatement penser à un autre philosophe, grec celui-là, qui absorba la cigüe : Socrate, bien sûr.

Et il s'agit peut-être ici, sous couvert d'un récit historique revisité, de tenter de comprendre ces rapports entre pouvoir et philosophie, entre intemporalité et relativité.
Avec une intense subtilité Yasushi Sinoue va s'attacher à tenter d'analyser pourquoi trois maîtres de cérémonie ont choisi le suicide plutôt que la soumission.
Un officiant peut-il, même s'il est au service du pouvoir, annihiler tout ce en quoi il croit dans la seule fin de sa survie physique ? Alors qu'immuable, il sert le thé à ces samouraïs qui vont s'entre-tuer, ne représente-t-il pas justement une sagesse impassible face aux agitations de son temps.
Dans un Japon médiéval extrêmement ritualisé, hiérarchisé, qu'elle était la place de la créativité, de l'innovation, de l'honneur ? Entrer dans la tradition et dans l'histoire n'implique-t-il pas le sacrifice de son égo porté au service de l'art ?
Autant de questions auxquelles ce roman répond avec intelligence et délicatesse.
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Mr Rikyu était maître de thé. Il a dû se faire hara kiri à la demande du Taïko.
Honkakubo, son élève et disciple se retire de la voie du thé et vit en ermite, dans la pensée et l'esprit de son maître. Mais pourquoi Rikyu s'est-il donné la mort si le Taïko était revenu sur sa sentence? Il va tenter de le découvrir et cela lui prendra plus de 20 ans.
Un roman sur le souvenir, l'honneur, la façon de suivre son chemin, la fidélité. Très philosophique et jamais ennuyeux.
Le temps est maître de tout, la méditation aussi.
J'ai bloqué au début puis je me suis immergée dans les pensées de Honkakubo, magnifique personnage.
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C'est en suivant pas à pas le narrateur et disciple de Rikyu (1522-1591), que l'on entre dans le monde des Maitres de Thé.

Honkakubo, qui a passé 10 ans aux cotés de Rikyu, créateur du style simple et sain, s'interroge sur la mort de celui-ci. Pourquoi s'est-il fait hara-kiri, sur ordre de Hideyashi son protecteur (et gouverneur unificateur du Japon) ?

Ce livre d'une écriture simple et agréable nous invite au rituel du thé tel qu'il était pratiqué à l'époque féodale (samourai) et qui pouvait durer plusieurs heures. Les gestes sont codés et épurés. Les ustensiles (pot, bol, brasero, brûle-encens, spatule, calligraphie) sont des objets d'art de très bonne qualité.

Le temps est suspendu dans cette quête de la perfection, ce qui fait dire à Honkakubo (page 53) :
De 15 à 30 ans : Suivre aveuglément le maître
De 30 à 40 ans : Réfléchir afin de suivre la bonne direction
De 40 à 50 ans : Prendre le contrepied du Maître – Trouver son propre style de la Voie du Thé
De 50 à 60 ans : Refaire en tout point ce que faisait le Maître ; prendre exemple sur tous les maîtres
A 70 ans : Tenter d‘atteindre à la maîtrise la cérémonie de Rikyu qui a aujourd'hui parachevé son style.

Finalement, l'enquête prend la forme d'un dialogue imaginaire avec le Maître et apporte la réponse aux questions que Honkakubo se posait depuis 30 ans !

Un petit conseil de lecture pour ceux qui ne sont pas habitués aux noms japonais : faire un petit schéma avec les relations entre les différents protagonistes.

Une découverte "zen" de la Voie du Thé qui fait penser au film japonais de Takita : "Departures" qui relate le rituel des cérémonies funèbres.
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Un livre ou plutôt un journal imaginaire, constitué de 6 chapitres intéressants, mais pas toujours faciles d'accès.
Le narrateur, Honkakubô, vieux moine, s'interroge sur le suicide en 1591, par seppuku, de son maître de thé, Rikyû.
Le plus grand maître de thé de son temps, a reçu cet ordre de son employeur. Pourquoi ?
Au fil des années, le vieux moine va chercher des réponses auprès de disciples et maîtres.
Un beau roman initiatique, étrange, dépaysant qui nous fait découvrir la cérémonie du thé en cheminant avec délicatesse et douceur, entre bols et spatules.
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Pendant que je me contente de faire bouillir de l'eau calcaire et à demi-javellisée pour infuser mon genmaicha dans un mug d'une propreté pas très nette, d'autres font tourner les bols, choisissent des spatules en bois précieux, regardent une calligraphie en respirant l'odeur sauvage d'un bouquet de fleurs.

Je suis si loin de la cérémonie du thé qu'il me faudrait sentir la présence d'un maître de thé à mes côtés. Maître Rikyû m'entends-tu ? Si tu pouvais m'accepter comme disciple. Découvrir la voie du thé, voilà ce que je te propose ce soir. Oublie bières et sakés et ne garde que la spiritualité et le cérémonial de cette soirée.

Parce que la voie du thé comme celle du samouraï ne s'improvise pas. Alors oui, je te vois sceptique à te demander ce qu'il y a d'intéressant à énumérer les bols, les spatules ou les vases présents dans la salle. Trouver un nom poétique ou saugrenu empli de malice à ce bol-ci, à cette spatule-là, à ce pot nacré. de savoir que la calligraphie sur le mur a été peinte par un grand maître ne semble guère t'émouvoir tout comme son message : « le néant n'anéantit rien, c'est la mort qui abolit tout ». Et pourtant, ce court roman offre une plongée dans le cérémonial japonais d'une autre époque, celle où les samouraïs échafaudaient des plans de bataille autour d'une tasse de thé.

Effectivement, il faut être plutôt du genre passionné pour l'orientalisme, pour le zen ou le bouddhisme afin d'apprécier à sa juste valeur ce roman de Yasushi Inoué. Il n'est donc pas à la portée du premier venu respirer l'air frais des cryptomerias et le parfum d'un thé vert légèrement fouetté. le maître de thé par conséquent se respecte.

Assis dans cette salle, je les observe, ces maîtres, ces samouraïs, ces respectables et respectés. Il y a tant à découvrir de leur manière et de leur esprit. Tant à apprendre d'un tel acte, d'un tel partage, d'une telle convivialité que cela est un honneur d'assister à une cérémonie, tout comme c'est un honneur de lire ce roman inspiré par un vrai maître de thé. Tout est vrai ou presque. Tout est beau ou presque. Tout est chiant ou presque. Non, pour ce dernier point, tout dépend de ta passion pour le Japon et cette période séculaire. Moi, j'y ai trouvé mon compte, mon bonheur et un peu mon apprentissage. Comme une envie de simplicité, de plénitude et de sérénité pendant quelques pages.

Maître Rikyû s'est donc donné la mort. La voie du thé n'est pas très éloignée de la voie du samouraï. Les questions d'honneur et de vertu y sont omniprésentes. Mais alors pourquoi ce seppuku. Peu de temps après le seppuku celui de Sôji et avant celui de Oribe. Est-ce une nouvelle voie qui consiste de se donner la mort plutôt que de perpétuer la tradition jusqu'à trop tard. Savoir raccrocher la spatule en bois avant d'en abuser. Des années après, l'un de ces disciples continue d'en chercher la raison et de ne pas croire toutes les rumeurs qui sont véhiculées sur son maître dans les différentes maisons de thé. Mais j'aurais tendance à dire, peu importe les rumeurs, peu importe les raisons, Maître Rikyû est toujours à ses côtés pour insuffler de son esprit et de sa vision de la vie et de la voie à chaque cérémonie.

La ceinture de mon kimono s'est défaite, le shôji coulisse, une geisha pénètre délicatement et sans bruit…
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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« le néant n'anéantit rien; c'est la mort qui abolit tout. Aujourd'hui, je comprends le sens de ces paroles.»

Tel que rapporté, Sen no Rikyū, le maître du thé simple, reçut du Shogun Toyotomi Hideyoshi l'ordre de se suicider. Alors que les deux hommes semblent être assez proches l'un de l'autre, les motivations exactes demeurent obscures.

Cupidité, complot ou arrogance, une autre version prétend que aprés avoir été moqué par Rikyû pour son goût rustre et prononcé pour le luxe extravagant, du haut de son autorité fondée sur la puissance, le Shogun se vengea de cet affront en exigeant le prix fort. C'est sur la base de cette situation et et de ces personnages réels que se développe cette fiction historique.

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Quatrième de couverture
Non, Monsieur Rikyû (1522-1591) Grand Maître de thé issu du bouddhisme zen, n'est pas mort dans son lit! Il s'est fait hara-kiri à l'âge de soixante-neuf ans. Pourquoi s'est-il donné la mort? Un vieux moine, son disciple, tente d'élucider le mystère de ce suicide. Ce livre enquête nous projette dans le Japon de la fin du 16e et du début du 17e siècle. à cette époque, la cérémonie du thé était un acte grave, empreint d'exigences éthiques et politiques, prétexte parfois à des négociations secrètes.
le Maître de Thé est donc un roman d'initiation, de méditation, lyrique et sensuel à la fois. à travers la figure historique de Rikyû, Yasushi Inoué (1907-1991) dresse le portrait d'une génération hanté par la mort.
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Cette tradition de thé simple, le chanoyu ou sadō dont il est question dans le roman peut s'illustrer aussi dans le terme "wabi-sabi" qui peut se comprendre comme un concept d'occultement dans les apparences de la véritable valeur d'un objet en le présentant sous une forme plus brute ou simple, voire asymétrique. Biface; un côté extérieur (ou partie visible) présenté comme appauvrit, dénudé, sobre; un côté intérieur (ou partie cachée) est en réalité enrichi, décoré, ornementé. cette approche convient à une cérémonie du thé simple dont la pratique requiert un certain dépouillement aussi bien dans le protocole que dans le mobilier de la cérémonie: salle confinée et dépouillée et ustensiles réduits à leur pus simple expression. les véritables significations et valeurs résident dans le geste du maître de cérémonie, dans le bois de la spatule, la signification du kakemono, ou la céramique du bol dont il ne faut pas se laisser méprendre par les formes d'apparences parfois grossières.
En relation, parfois, un japonais dira qu'une chose est "omomuki" (趣) lorsqu'elle parait appauvrie et esseulée mais que cette chose génère tout de même chez l'individu un sentiment relatif à la mélancolie.

le roman se présente sous la forme d'une forme de mémoire tenu par le moine Honkakubô, adepte du maître Sen no Rikyū, qui s'interroge longuement sur la signification du geste de son maître. En fait, cette réflexion est le corps du texte qui, étalé sur une trentaine d'année après les faits, expose le développement de cette compréhension grâce à divers et successifs entretiens avec d'autres adeptes de la voie du thé.

« Je crois bien qu'en vingt ans, depuis notre séparation, je ne m'étais jamais tenu dans une position aussi correcte face à mon Maître que ce soir-là. C'est alors que j'ai entendu sa voix venue me réconforter:»
« Si tu n'arrives pas à le dire avec des mots, n'en parle pas: ce n'est pas grave...»
« Et cette voix je ne l'ai pas entendue une mais vingt, cent fois! Je n'ai rien répondu à cette phrase qui revenait comme une litanie; je suis resté simplement là, tranquillement, attendant l'aube, le coeur serré.»

Condamné au suicide, Sen no Rikyū aurait pu se sauver, tous les interlocuteurs semblent être en convenance sur ce point; peut-être même le Shogun est il intervenu pour tenter d'empêcher l'exécution de la sentence. Pourtant le maître ne l'a pas fait.

En écoutant et se confrontant aux visions et discours alternatifs des adeptes de la voie du thé, en recherchant par la méditation le contact avec le fantôme de son maître défunt, le moine construit peu à peu son interprétation de l'acte.

La voie du thé et la mort sont elles à ce point inextricablement liées ?

« Puis, après avoir réfléchi, il ajouta:»
« Sôji, M. Rikyû et M. Oribe se sont tous trois donnés la mort. Être un homme de thé est bien embarrassant: ils se suicident tous dès qu'ils atteignent un certain niveau... Comme s'il fallait absolument se donner la mort pour devenir un homme de thé! Mais à présent, je n'en vois plus aucun susceptible de le faire. N'est-ce pas? Vous voyez quelqu'un? Ne vous inquiétez pas: moi, je ne me tuerai pas! il est nul besoin de s'ouvrir le ventre pour être un homme de thé!»
« J'avais laissé passer l'occasion de répondre et je ne pouvais plus intervenir: il ne me restait plus qu'à me taire.»

Lorsque Sen no Rikyū opposa à Toyotomi Hideyoshi la nature qu'il prétendait comme supérieure de son pouvoir des choses abstraites que son art, le sadō, lui avait procuré, il opposait également sa position d'héritier à celle du parvenu en jouant sur la différence de capital symbolique en tentant une hiérarchisation des valeurs, et ce en défaveur de son seigneur. Cer dernier s'en irrita fortement et voulu donc faire la démonstration de la véritable supériorité de son pouvoir en lui ordonnant le suicide.
Pragmatiquement, le Shogun apparaît comme ayant vaincu, comme étant plus puissant car ayant droit de vie et de mort sur quiconque; voire pouvant commander à un tel de mettre fin à ses jours. Et en énonçant "Le néant n'anéantit rien; c'est la mort qui abolit tout", Sen no Rikyū semble également reconnaître cette supériorité.
Pourtant, l'auteur, Yasushi Inoué, donne une telle profondeur et gravité à la détermination du Maître de Thé à mourir et faire de la voie du thé une voie implacable qu'il semble qu'il cherche à faire s'inverser cette apparente hiérarchie ainsi que les positions actifs-passif dans cette marche funèbre en donnant une aspect solennel dans l'Attitude de Sen no Rikyū. En acceptant sa mort, en s'y rendant résolument sans détournement et en imprégnant la cérémonie du thé, quelque part il vainc le Shogun à son propre jeu.

Sans être sinistre ou ténébreux, le roman prend une inspiration mystique empruntée à la sévérité et à la solennité de la cérémonie du thé. Il propose au lecteur ni une enquête policière ni une eulogie apologétique, mais davantage une initiation lente et pénétrante à la compréhension de l'Autre. Si le label de 'maître de thé' peut donner une image idéalisée et cristallisée des personnages qui portent ce titre, ceux-ci aussi peuvent être faillibles; et face à une décision et à un acte qui, sans être irrationnels, échappent à la compréhension immédiate, le cheminement intellectuel et sentimental fraie sa voie avec patience et abnégation, jusqu'à l'illumination, à la manière de l'adepte bouddhiste.
Lien : http://dedicated-monkeys.blo..
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