J'ai épousé une ombre

Toutes deux faisaient de petites choses. La vie est faite de cela : d'un accomplissement continu de petites choses. Toute la vie. Et brusquement, une grande chose s'abat au milieu d'elles - et où sont alors les petites choses, que deviennent-elles, qu'étaient-elles ?

On dit toujours que lorsqu'on essaie une plume neuve, on écrit invariablement son véritable nom.

Stupidité ? Caprice ? Enfantillage ? Sans aucun doute. Mais qui peut se vanter d'être sans caprice, sans enfantillage ? Sans eux, que serait la vie ? Ou, sans eux, y a-t-il de la vie ?
Elle pénétra dans la cuisine de tante Josie, leva le couvercle de la boîte à biscuits, en prit un, croqua une bouchée.
Elle n'avait pas faim. Ils avaient copieusement dîné, deux heures auparavant. Mais...
C'est ma maison. Je peux le faire. J'ai le droit de prendre ce biscuit. Ils attendent ici, dans leur coffret, que je vienne me servir, chaque fois que j'en ai envie.
Elle remit le couvercle, se disposa à éteindre la lumière.
Brusquement, elle changea d'avis, revint sur ses pas, en prit un second.
C'est ma maison. Je puis en prendre deux, si je le désire. Je vais en prendre deux.
Un dans chaque main, une bouchée de défi prélevée sur chacun d'eux, elle sortit de la cuisine. Ce n'était pas vraiment une nourriture pour le corps, c'était une nourriture pour l'âme.

Un psychiatre aurait pu tirer des conclusions fort savantes, en constatant que Patricia avait retrouvé l'équilibre dans cette maison, en errant tout simplement sans contrainte, dans un état de détente absolue, alors que les soins éclairés qu'elle avait reçus à la clinique avaient été impuissants à la soulager. Car les êtres humains sont des êtres humains, et ils ont besoin d'autre chose que de la science ; ils ont besoin d'une maison, d'un foyer bien à eux, et dont personne ne peut les frustrer.

Elle attendait l’écho de quelque chose, de quelque chose qui ne venait pas.