Je viens du pays des sans-pays. Je suis de ceux qui traînent leur passé comme une caravane. Je suis du côté des marcheurs, des rêveurs, des colporteurs, des bringuebalants. Du côté du camping-car.
Le camping-car sentait le prof, avec son mélange de simplicité, de raffinement et de stratégie culturelle Il correspondait à cette sensibilité politique qui mène du Front populaire, avec ses congés payés et tentes à piquets, au Guide du routard des années 1970 et au gauchisme Éducation nationale du chanteur Renaud qui nous ressemblait tellement (...)
Peux-t-on devenir un sujet si l'on n'est pas capable de se concevoir aussi comme une branche d'arbre, un galet lance, à la surface d'un lac.
Sans la sécurité économique et la liberté de pensée, d'expression, de culte et de réunion, le développement personnel n'a aucun sens.
Je savais donc, et pour le restant de mes jours, que le monde était beau, que je n'en avais presque rien vu, qu'il me restait une infinité de choses à découvrir, à lire, à contempler, à entendre ou à manger...
Pourquoi ce livre maintenant ? Peut-être nos grandes émotions d’adulte réveillent-elles nos grandes émotions d’enfant. Peut-être le panorama des sommets en pleine nuit m’a-t-il rappelé les sentiers des volcans que j’ai gravis. Mais il y avait aussi le sentiment d’une responsabilité : j’étais père de famille et nous étions en vacances. Mon tour était arrivé .
Ma liberté était l’ultime effort de mon père pour nous délivrer de lui-même.
Les sourires de mes camarades révélaient une typologie des villégiatures, une hiérarchie des vacances. La pauvreté : ne pas partir, faute d’argent. Le manque d’assurance : opter pour un voyage organisé, un circuit « découverte ». La sédentarité grégaire : lézarder sur une plage bondée de la Côte d’Azur. Le déracinement immigré : retourner au bled, alors que les enfants portent des doudounes à la mode et ne comprennent plus la langue de leurs grands-parents. L’art de vivre populaire : avoir une caravane à demeure dans un camping. L’aisance terroir : passer deux mois dans sa maison de famille en Bretagne, sa villa à Ramatuelle, son mas provençal, sa gentilhommière. Le farniente exotique : séjourner dans un hôtel de charme ou partir au Club Med, en plein essor depuis les années 1970. Nos vacances n’avaient aucun nom, aucune justification, elles ne correspondaient à rien de connu.
Entre ciel et terre, c’était l’espace le plus magique du camping-car, le mien, bien que je l’aie partagé avec mon frère dès qu’il a été trop grand pour dormir sur le hamac qu’on installait, en travers, au-dessus du volant et du siège passager. Là-haut dans ma couchette, sous le toit oblique, j’étais « seigneur de tout le manoir », comme Robinson en son logis.
Pourquoi ce livre maintenant ? Peut-être nos grandes émotions d'adultes réveillent-elles nos grandes émotions d'enfant ?