Panorama de la vision de l'Occupation par le cinéma français de fiction.
Vision qui a évolué avec celle de l'histoire : de la France unanimement résistante à celle qui a prêté la main à l'occupant, du Français attentiste et résigné au prisonnier de guerre qui ne reconnaît plus le pays à son retour, de l'Allemand ennemi à abattre à la police française grande coupable, du résistant par la force des choses au collabo de la Gestapo par intérêt et soif de reconnaissance, de « Boule de Suif » à « « La Rafle », en passant par « Marie-Octobre », « Uranus » et tant d'autres, une synthèse de ce cinéma qui n'en finit pas de relire et réinterpréter l'histoire de l'Occupation, comme l'a déjà fait souvent la littérature, plus librement iconoclaste, mais parfois avant même l'opinion publique et politique.
Le livre suit une progression chronologique claire, avec une analyse condensée et fine de chaque film illustrant le propos ; du moins, j'ai retrouvé très exactement mes impressions, pour ceux que je connais.
L'auteur consacre trois pages au film de
Marcel Ophuls, bien que documentaire : «
le Chagrin et la pitié », sorti en 1971, « se révélait être un témoin féroce de l'histoire et des comportements. Il était certain que rien ne serait plus pareil lorsqu'il s'agirait de mettre en scène les années noires ».
Costa-Gavras a d'ailleurs tiré l'argument du film « Monsieur Klein » (1976) d'une interview d'un commerçant de Clermont-Ferrand, insérée dans «
le Chagrin et la pitié ».
L'auteur ne se prétend pas exhaustif et reconnaît qu'il a choisi la plupart des films cités pour l'admiration qu'il leur porte. Autant il n'en cache rien, autant il descend en flammes et en quelques lignes définitives, certaines réalisations sans intérêt ou carrément grotesques (« La Septième compagnie » en prend pour son grade…).
L'ouvrage se termine sur une note un peu mélancolique :
Michel Jacquet semble trouver les réalisations réussies plus rares pendant ces quinze dernières années : « romanciers, scénaristes et réalisateurs… coupables de ne pas avoir souffert dans leur chair, rejouent une époque à laquelle ils ne pardonnent pas de ne leur avoir réservé aucun rôle et feignent de découvrir des vérités connues depuis longtemps ». Son souhait que l'Occupation ne soit pas sans encore « fournir quelques trésors supplémentaires aux cinémathèques », semble un voeu pieux plus qu'un espoir fondé.
Au total, c'est une superbe mise en perspective du cinéma et de l'histoire au milieu de laquelle il se fabrique : « il n'est parfois pas exagéré de dire que certains films en apprennent davantage sur l'époque qui montre que sur celle qui est montrée ».
PS : le format de l'ouvrage (style in-octavo) permet une vision précise des belles photos en noir et blanc qui rendent hommage aux acteurs de ces films (le portrait de Lino Ventura dans « L'armée des ombres » est une histoire poignante à lui tout seul).