S'il y avait bien une chose de sûre, au moment où j'attaquais ce livre, c'est que je ne savais pas à quoi m'attendre. Je ne connaissais l'auteur que de nom, je fais en général en sorte de ne pas lire les critiques des livres que je n'ai pas encore lus, précisément pour garder le mystère de la découverte.
La structure du livre, si elle semble assez simple au démarrage, s'avère en réalité bien plus complexe qu'il n'y parait initialement. En effet, on suit simultanément plusieurs fils narratifs : celui de la famille Girard et de l'affaire, en 1941, celui de ce qu'il advient d'Henri Girard après le procès, et celui de l'enquête menée par
Philippe Jaenada. Mais, contrairement à certains livres dans lesquels on aurait une structure simple d'alternance, avec un changement de fil narratif à chaque passage de chapitre, ici, chaque chapitre s'ouvre par « un passage dont
Philippe Jaenada – et une Meriva – est le héros », pour le dire ainsi. Puis on retourne, parfois insensiblement, au détour d'une formulation, dans le passé : le glissement se fait parfois de façon franche et tranchée, parfois non.
On entre dans ce pavé – même si on peut faire « pire », un livre de poche de plus de 600 pages, cela commence tout de même à mériter une telle appellation ! – par une sorte d'historique de l'affaire. On a, en particulier, une relation assez détaillée de l'historique familial. Pour être totalement honnête, cette première partie est aussi la plus compliquée à suivre pour moi qui me perd dès que l'on évoque les liens familiaux. On va ici se promener dans l'arbre généalogique…
Puis on a une deuxième partie dans laquelle nous est présenté tout le dossier « à charge ». On suit l'instruction menée par Joseph Marigny, avec une montée en puissance qui fait que, lorsque le procès commence, on voit difficilement comment l'accusé pourrait s'en tirer. Ainsi, on bénéficie également de l'effet de surprise du verdict d'acquittement !
Et puis le livre bascule. Ce passage est d'ailleurs marqué, volontairement ou non (c'est en revenant dessus que j'ai fait ce constat, sans pouvoir affirmer qu'il fasse partie du plan de l'auteur) : le chapitre 9 est entièrement consacré à l'enquête menée par l'auteur, qui arrive à Périgueux pour consulter les archives. Et ce chapitre se déroule presque entièrement de nos jours. Comme s'il s'agissait d'une transition, d'une respiration entre deux phases.
Enfin, dans la troisième partie, on assiste à la déconstruction, pièce par pièce, ou quasiment, du dossier d'instruction… et un petit peu plus – mais je ne veux pas tout dire -. Avec une évolution assez sensible : là où l'humour, dans la première partie, permettait de prendre de la distance avec la dureté des propos, dans cette partie, il devient plus tendre, plus mélancolique, dirais-je. Et cela adoucit aussi la colère, la rage même, que l'on ressent par moment devant ce que l'on a fait subir à un homme…
Et, à bien y réfléchir, l'impression d'ensemble que laisse ce livre, c'est d'avoir assisté au procès. Avec, dans une première phase, la présentation du dossier, impartiale, comme issue des questions du président du tribunal et des réponses de l'accusé. Puis, dans un deuxième temps, le réquisitoire du ministère public, qui s'applique à établir la culpabilité de l'accusé. Et, enfin, dans un troisième temps, la plaidoirie de la défense. Et cela ne me surprendrai pas que ce soit précisément la structure choisie par l'auteur…
Mention spéciale, et clin d'oeil : il n'est pas possible de ne pas noter l'usage que
Philippe Jaenada fait des parenthèses, allant parfois jusqu'à les imbriquer (et, parfois, à devoir en fermer deux séries à la suite !). Évidemment, chacun pourra en trouver certaines fluides, d'autres moins. Mais c'est le choix de l'auteur, le rythme sur lequel il nous conte l'histoire… et c'est très bien ainsi !
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