Ensorcelant!
Je vais donc tricher un peu et vous parler de l'expo plus que du livre, que je n'ai pas encore vraiment lu, car le temps presse: le 14 octobre, c'est fini!
Le Petit Palais va rendre au Japon ces trente rouleaux géants où, sur la soie, sont peints l'herbier fabuleux, le bestiaire magique d'Itõ Jakuchū, peintre prodige du 18ème siècle, oublié pendant tout le xxe siècle, redécouvert depuis peu et dont le chef d'oeuvre , le Royaume coloré des êtres vivants , après six annees de patiente restauration, vient d'être aimablement et tout à fait exceptionnellement prêté à la France par l'agence de la Maison impériale du Japon, après un long séjour d'abord au monastère de Shõkoku-ji à Kyoto, puis dans le secret des collections impériales.
Le bouche à oreille ayant vite fonctionné, il est devenu impossible d'aller contempler cette splendeur sans faire la queue, même en nocturne! Il faut aller la voir avant qu'elle ne nous quitte...
Virtuose de la technique dite urazaishiki, qui consiste à colorer, ponctuellement, l'avers de la soie pour moduler l'intensité des couleurs, Itõ Jakuchū est un peintre d'une finesse et d'une méticulosité toutes japonaises, mais son génie est dans les trouvailles de ses gammes colorées, dans l'audace et l'harmonie de ses compositions, dans son sens du rythme pictural qui fait de chaque rouleau une vraie partition.
Quelques images, parmi tant d'autres, à découvrir.
Une plage jonchée de coquillages, dans une gamme de beiges, de roses et d'orange doux, rehaussée par le bleu outre-mer de golfes marins en enfilade, qui entraînent au loin le regard dans leurs courbes , tandis que, comme un pêcheur vient relever ses lignes, notre oeil picore avec délice les formes rares, savantes, le camaïeu délicat des coquilles oubliées sur un sable de soie...
Quatre grues aux pattes noires, élégantes, altières, mêlant leurs plumes de neige et de jais, leurs têtes couronnées d'aigrettes, leurs becs striés de rouge et noir, comme de petits masques de guerre, sous la floraison délicate d'un pêcher aux fleurs roses comme des ongles d'enfant...
Un érable japonais incendié par l'automne, dont le feuillage délicatement découpé tombe comme une pluie aux mille nuances de rouge le long des branches ployées, dont l'une curieusement dessine , dans le tiers inferieur gauche, un oculus tout rond , comme une invitation pour l'oeil à se faufiler dans cet or fauve et y découvrir la ponctuation précieuse de petits oiseaux noirs au ventre blanc- des hirondelles?- , dessinant leur musique pointue dans la chevelure végétale...
J'en suis sortie hier soir, poussée par un gardien inflexible -et sûrement très las!-.
Chassée du paradis.
En fermant les yeux, j'y suis encore...
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