Remarques préliminaires sur cette nouvelle de 1878.
Pourquoi l'auteur dit-il une « étude » ? La réponse est dans le texte :
« Mrs Walker était une de ces Américaines, qui lorsqu'elles résident à l'étranger, se font un devoir d' « étudier » (selon leur propre expression) la société européenne, et elle avait en cette occasion réuni plusieurs spécimens humains d'origines variées qui devaient en quelque sort lui servir de manuel. »
Henry James met en scène, pour « étude », des groupes différents :
Des Américains comme les Miller débarquent en Europe, forts de leur présumée supériorité, revendiquée de façon comique par Randolph Miller, pittoresque garçon de 9 ans. Sa mère, Madame Miller, ne voit rien d'extraordinaire à Rome et lui préfère Zurich ! Ils apparaissent comme des provinciaux voués culte du dollar, sans culture ni curiosité.
Ils rencontrent en Italie de riches Américains ( Winterbourne, Mrs Walker, Mrs Costello) installés depuis longtemps en Suisse, donc européanisés, mais pleins de préjugés de bienséance, et condescendants envers leurs contemporains.
Le seul « spécimen local » serait l'Italien Giovanelli. Il échappe au stéréotype de l'Italien séducteur et coureur de dots par sa fréquentation des milieux mondains où il évolue avec aisance et intelligence. Ce qui contraste avec les maintiens embarrassés de Winterbourne.
Le récit se déroule en deux temps,
- première étape à Vevey, épisode estival, lumineux par la présence de
Daisy Miller devant les yeux éblouis de Winterbourne. Serait-ce le départ d'une idylle ? Winterbourne se pose des questions : la jolie et séduisante Daisy serait-elle une ingénue, une coquette, ou une dévergondée ? --
- autre étape à Rome, fin janvier, où Winterbourne rejoint Daisy. L'épisode est plus sombre. Winterbourne, pour qui Daisy demeure une énigme, jaloux et inquiet des « caprices » ou de l' « inconduite » de Daisy, s'enferre dans ses soupçons sur l' « innocence » de Daisy. le RHYTME du récit, plus sombre, s'accélère pour s'achever brutalement sur deux pages essentielles pour comprendre les personnalités de Daisy, mais aussi de Winterbourne.
Daisy Miller n'est vue ou entendue que par Winterbourne dont l'auteur se sert comme d'un témoin référent, - mais non fiable !
Daisy attire et séduit car elle est jolie, porte bien ses robes, ou son éventail, mais elle paraît commune aux yeux de Winterbourne qui la croit inculte. Les commentaires savants l'ennuient, mais Winterbourne, l'observateur, ne voit pas, ou n'admet pas, la justesse des remarques de Daisy, n'entend pas des propos tenus à son intention. Il faut donc un lecteur plus attentif que ce soupirant maladroit, trop souvent à l'écoute de vieilles femmes à ragots.
Comment pourrait-il, avec son comportement guindé et son nom hivernal, comprendre cette jeune fille en fleurs qui a choisi un prénom printanier ?