Trois nouvelles pour entrer dans l'univers de
Henry James. Chacune possède est surprenante, comme si les personnages se dissimulaient sous des apparences trompeuses, comme si leur nature profonde nous échappait.
Qui est
Daisy Miller ? Une jeune fille fantasque, éprise de liberté et peu soucieuse de convenances ? Une évaporée, une flirteuse de la pire espèce, une aguicheuse ? Une enfant innocente, mal protégée d'une société cruelle par une mère falote et timorée ? Une égocentrique, perdue par son narcissisme, ses caprices et la crainte de l'ennui ? Jeune fille croisée sur les rives du lac du Bourget, en Suisse, puis retrouvée à Rome, elle aimante l'attention du jeune Winterbourne alors que la bienséance et la prudence devraient l'en écarter, comme le lui conseille sa tante, la riche Mrs Costello. La mort prématurée de Daisy, abattue par la fièvre qu'elle a contractée en se promenant de nuit au Colisée, sèmera définitivement le doute dans l'esprit de Winterbourne.
Un épisode international commence comme une satire des moeurs anglaises. le jeune lord Lambeth et son cousin Percy Beaumont débarquent à New York, armés d'une naïveté à toute épreuve sur l'Amérique et les Américains. Reçus dans la bonne société de Newport par Mrs Westgate et sa jeune soeur, Bessie Alden, ils quittent précipitamment leurs hôtes quand la duchesse douairière craint que son fils s'amourache d'une parvenue américaine. Quelques mois plus tard, les soeurs sont à Londres pour la saison. le petit groupe d'amis se reforme. Mais Mrs Westgate est persuadée que Lord Lambeth n'a aucun sentiment profond pour Bessie et que le poids des règles sociales l'amènera tôt ou tard à la rejeter. Bessie n'est pas insensible aux attentions du jeune aristocrate, mais en jeune fille instruite et soucieuse de se cultiver, elle le considère comme un objet d'étude. La conjugaison des préjugés des Américaines et de ceux de la mère et de la soeur de Lambeth aboutiront à piétiner ses sentiments. Là encore,
Henry James instille le doute sur les véritables mobiles des différents protagonistes. Mrs Westgate est-elle lucide dans sa manière de juger les aristocrates anglais ou s'aveugle-t-elle de jugements tout faits qui lui servent de prêt-à-penser ? Bessie Alden n'est-elle obnubilée que par la connaissance des choses ou évite-t-elle de s'abandonner à des sentiments qui risquent d'être piétinés par l'intransigeance des règles sociales ? Lambeth est-il sincèrement amoureux ou s'amuse-t-il à mettre dans l'embarras une famille trop envahissante et soucieuse de préserver les intérêts du clan ?
Quatre rencontres est la plus triste des 3 nouvelles. Elle dépeint les rêves brisés d'une jeune femme, Caroline Spencer, dont l'unique aspiration est de découvrir l'Europe. Quand elle y débarque elle devient la proie d'un cousin qui lui dérobe ses maigres économies. Quelques années plus tard, elle accueille la femme de ce cousin décédé, une fausse aristocrate qui cache une femme de moeurs légères et de tempérament tyrannique. Miss Spencer se laisse-t-elle abusée par bonté, par aveuglement ou cette fausse parente est-elle la seule créature qui puisse donner un sens à sa vie maintenant que le voyage dont elle rêvait est devenu inaccessible ?
Chaque nouvelle s'achève en nous laissant dans le trouble. L'humour féroce de
Henry James ajoute encore à notre perplexité. du grand art !