Ensor change de manière comme de cheminse. Mais quoi qu'il fasse, il reste le même, égal à lui-même. Sa manière n'est ni affectation, ni procédé, ni parti pris. Elle n'a rien de préconçu, de calculé, d'élaboré. Elle découle tout naturellement d'une certaine façon de voir et de sentir, à quoi s'ajoute le besoin de varier les créations et d'accumuler les expériences. Elle est purement instinctive et spontanée. Par conséquent, d'une sincérité absolue jusque dans ses aspects les plus déconcertants.
Dans ses mascarades, il paraît s'amuser. En réalité, meurtri par les échecs, il est désemparé et angoissé. Méprisant, sarcastique, impénétrable, il se pare lui-même d'un masque pour ne rien laisser paraître de ce qu'il ressent. C'est dans son oeuvre seule qu'il exprime ses sentiments. Bien plus qu'un jeu ou un défi, elle est protestation, un cri de révolte, une plainte déchirante.
Il heurte les conformismes et les quiétudes. Il bouleverse les conventions et les habitudes. Et c'est ce que ses contemporains ne peuvent lui pardonner. (...) Ensor est mal venu, mal accueilli, et on se refuse à admettre qu'il apporte dans sa peinture l'esprit latent d'un temps nouveau qui vient de naître avec lui.
(...) Artiste à facettes, curieux de tout, prodigieux inventeur, audacieux comme pas un, en avance sur son temps, ce novateur à l'imagination débordante s'est essayé dans tous les genres et s'est exprimé de toutes les manières, toujours avec une déconcertante originalité.