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Citations sur Compartiment tueurs (17)

L'homme qui regardait par la vitre sortit un mouchoir de sa poche de pardessus, se moucha, annonça qu'il couvait la grippe.
L'homme au chapeau, assis derrière lui, répondit que c'était bien dommage, mais que sa grippe attendrait un peu, il fallait que quelqu'un s'occupe de ça. Il l'appela Grazzi, et dit que c'était lui, Grazzi, qui allait s'occuper de ça. Il se leva, enleva son chapeau, prit un mouchoir à l'intérieur, se moucha bruyamment, déclara que lui aussi, bon Dieu, il avait la grippe, remit le mouchoir dans le chapeau, le chapeau sur la tête, et dit de sa voix du bout des lèvres, assourdie par le rhume, que tant qu'à faire, il ferait bien, lui, Grazzi, de commencer tout de suite. Sac. Vêtements. Valise. Primo, qui est la nana. Secondo, d'où elle vient, où elle habite, qui elle connaît, et le toutim. Tertio, la liste de réservation du compartiment. Rapport le soir, 7 heures. Un peu moins de connerie que d'habitude, ça ne ferait pas de mal. L'instruction, c'était cette peau de vache de Frégard. A bon entendeur, salut. Le truc, c'est envelopper. Tu comprends ? Envelopper.
Il sortit une main de sa poche pour faire un rond de bras. Il regardait fixement l'homme près de la vitre, qui ne se tournait pas.
Il dit bon, qu'il devait voir Trucmuche, pour cette histoire de machine à sous, qu'il se tirait.
Le troisième homme, qui ramassait des perles répandues sur le plancher, leva les yeux et demanda, patron, ce qu'il avait à faire, lui. Il y eut un gros rire, puis la voix assourdie par le rhume dit pauvre nouille, qu'il n'avait qu'à enfiler ce qu'il tenait. Qu'est-ce qu'il pouvait faire d'autre ?
L'homme au chapeau se retourna vers celui qui regardait toujours par la vitre, un homme maigre, très grand, au pardessus bleu marine élimé aux manches, aux cheveux d'un brun terne, aux épaules voûtées par trente-cinq ou quarante ans de soumission quotidienne. (...)
L'homme au chapeau dit qu'il n'oublie pas, lui, Grazzi, de jeter un coup d'oeil sur les autres compartiments, on ne sait jamais et même quand on trouve que dalle, ça fait du poids dans le rapport. Faut envelopper.
Il voulut ajouter autre chose, mais il haussa les épaules, dit à nouveau bon Dieu, qu'il en tenait une carabinée, toi, l'enfileur de perles, je te trouve au Quai vers midi, ciao, et il s'en alla sans refermer la porte.
L'homme debout devant la vitre se retourna, visage blafard, yeux bleus, regard tranquille, et dit à l'autre, penché sur la couchette où la femme tendait un dos mort, des muscles morts, qu'il y avait vraiment des coups de pied quelque part qui se perdaient.
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- Qui ? dit-il. Moi ? Je ne soupçonne persinne. Pour vous dire la vérité, je suis un très mauvais flic, je déteste soupçonner les gens. Je préfère les condamner en bloc. Il n'y a pas d'innocent. Vois croyez à l'innocence, vous ?
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Elle ne pouvait s'empêcher de regarder le pardessus bleu sombre de l'inspecteur assis en face d'elle, un pardessus trop étroit, élimé aux manches. Lui aussi était fonctionnaire, une sorte de fonctionnaire. Il n'écrivait pas dans son carnet. Il la regardait s'embourber.
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Elle connaissait ce genre d'énergumènes qui entrent partout comme chez eux, croisent les jambes, acceptent un verre sans dire merci. Généralement, ils restent étudiants des années, étudiants en quelque chose, le Droit, les Langues orientales. Ils sont calmes, jolis, impolis, taciturnes, ils plaisent aux femmes sans même les regarder, ils font l'amour une fois pour vous faire perdre la tête, puis ils prétextent la fatigue des cours, qu'il n'y a pas que ça qui compte, que ce sera différent après leurs examens, et quelquefois ils vous embrassent, très vite, avec des lèvres indifférentes et mouillées, comme les enfants, ou ils posent un index sur votre genou quand vous revenez de chez le coiffeur, en disant quelque chose de gentil, et puis c'est tout, ils vous rendent folle.
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- On était pareils, dit Grazzi.
- Sans blague ? Tu avais de quoi en fumer, toi, des Gitanes, une après l'autre ? Ca te tentait tant que ça, les Beaux-Arts ou une ferme en Australie? Ca t'est arrivé de partager ta petite amie après dîner avec un copain qui faisait danser le tango ? On était pareils avec une sacré différence, mon pauvre canard, c'est qu'ils viennent pas de la même planète.
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Il était étendu, visage contre le sol de ciment, le bras gauche sur le ventre, le bras droit replié au-dessus de la tête, dans son costume des dimanches, sous la porte de fer encore relevée du box où il rangeait sa voiture - une 11 CV Citroën de 1952 dont le moteur avait fini par caler au milieu de la cour- laissant une veuve pour éteindre les phares et trois enfants dont le dernier passait le certificat d'études.
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René Cabourg s'était levé avec les autres, il hurlait avec les autres, essayant de surprendre les sursauts du boxeur abattu, les piaffements du boxeur triomphant, et après, bien après, il avait senti ses mains qui lui faisaient mal d'applaudir et il était redevenu lui-même, rien, un homme dans une foule.
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Le premier "canard" qui traînait attrapa Grazzi par la manche à 16 heures en compagnie du blond ramasseur de perles. Il avait le sourire sérieux et la mine prospère des appointés de "France-Soir".
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Il était allé à Nice deux fois : à douze ans en colonie de vacances, à vingt en voyage de noces.
Nice.
Dans le compartiment voisin, il trouva le cadavre.
Bien qu'il s'endormît régulièrement avant le film au cinéma, il sut tout de suite que c'était un cadavre.
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Grazziano lui fit penser à boxeur, boxeur à
Central, Central à samedi soir. On était samedi
soir.
Il eut l’impression que c’était la seule chose
agréable qui lui fût arrivée depuis longtemps.
Le Central.
Il pensa d’abord prendre le métro, et puis au
diable, on était encore au début du mois et il
serait augmenté à Noël. Il descendit vers la gare
de l’Est, presque en courant, à la recherche d’un
taxi.
À la gare de l’Est, il courait vraiment. Quel-
qu’un, qui sans doute avait un train à prendre,
courait derrière lui. René Cabourg bouscula un
couple qui passait, s’excusa, ouvrit une portière,
en criant au chauffeur:
«Au Central!… La salle de boxe.»
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