C'est après avoir terminé l'excellente série Mémoire de cendres, première de la carrière de
Philippe Jarbinet, que j'ai eu l'irrésistible envie de relire la série Airborne.
Du XIIIè siècle occitan en pleine croisade contre les albigeois à la deuxième guerre mondiale, c'est le grand écart historique, mais pas dans la manière d'appréhender les choses, où l'on retrouve la même minutie et la même obsession de l'exactitude historique qui est l'une des marques de fabrique de cet auteur. On le voit dès la première page, où le conservateur d'un musée des Ardennes, qui a collaboré en tant que conseiller historique, explique avec quelle monomanie du détail ils ont travaillé.
Mais entrons dans le vif du sujet.
Luther, para de la 82e Airborne, est perdu quelque part dans la neige, isolé de son unité avec quelques hommes et amputé de deux doigts par une balle qu'il vient de recevoir. En tentant d'échapper aux Allemands, il va rencontrer deux enfants juifs perdus dont il va devenir l'ange gardien, et une jeune femme engagée dans la résistance qui vit seule dans sa maison.
Si l'on excepte un peu de confusion au début, notamment avec ce flash forward dont on se demandera ensuite s'il était vraiment nécessaire, c'est une affaire menée avec brio, dans laquelle on va retrouver la patte de l'artiste : dessins réalistes et vivants, dialogues naturels et intelligents, scénario irréprochable privilégiant la vraisemblance et ne cherchant pas à en faire des tonnes. Quitte à chipoter, le seul reproche que je ferai est que je n'ai pas réussi vraiment à situer où l'on se trouve : la neige, l'époque et les circonstances tendent vers les Ardennes, mais à certains moments on a l'impression d'être déjà en Allemagne (même si la suite prouvera que non) et les propos de Gabrielle Osterlin sont équivoques à ce sujet, d'ailleurs Osterlin est un nom allemand. Enfin, on apprendra par la suite (dans le tome 2) que le mari (Egon Kellerman), le frère et le père de Gabrielle sont des "malgré-nous", donc des Alsaciens ou des Mosellans, à ma connaissance les Ardennais n'ont pas été enrôlés de force dans la Wehrmacht.
Mais bon, je chipote peut-être, ce qui est sans doute assez mesquin avec un auteur aussi précis que Jarbinet, mais que voulez-vous, qui aime bien châtie bien.
Et n'oublions pas, au passage, n'oublions jamais, que le gars fait le scénar, le dessin et la couleur. Moi, ça m'en bouche toujours un coin.