Un roman divertissant quoique totalement farfelu, qui ne détonne en rien avec l'oeuvre foisonnante d'
Alexandre Jardin. le moins qu'on puisse dire est que les conceptions de l'auteur en matière de relations humaines sont des plus insolites.
L'histoire, donc, tourne autour d'un couple anglais excentrique dont le mari, un ancien soupirant malheureux affligé par l'enlisement de sa vie conjugale, décide de faire renaître sa passion en s'expatriant vers un atoll préservé, une perle sertie dans son écrin océanique, aux confins de ce que
Michel Tournier appelait déjà les limbes du Pacifique.
Après un périple digne du Baron de Münchausen, notre dandy et sa famille découvrent la légendaire Île des Gauchers. Mais à quoi ressemble cette terre promise ? Elle me ferait penser pour ma part à une sorte de Pepperland exotique où l'amour sacro-saint est célébré tambour battant. Nous entrons dans le coeur de l'histoire.
Au diable la monotonie des idylles mourantes !
Conformément aux us et coutumes de ce paradis adamique, notre couple va se lancer dans une quête jalonnée d'ilots mystérieux, d'animaux étonnants et d'épreuves sentimentales qui feront de son parcours une noria de montagnes russes.
Infidélités ponctuelles et jeux ambigus seront au programme de cet Éden amoureux, où la vie est codifiée selon les traditions les plus étranges.
Mais comment une idylle peut-elle se perpétuer sans ces accidents subis du destin, sans ces hauts et ces bas qui lui donnent son piquant ? C'est en tout cas ce que semble nous dire l'auteur en filigranes.
À cette enclave du bonheur où règne un esprit libertaire passablement débridé, la sombre Europe, où fleurissent les extrémismes en tous genres, fait figure d'antithèse intégrale.
Maintenant, comment interpréter cette histoire haute-en-couleurs ? Est-ce le fruit d'une imagination portée aux ardeurs passionnelles, l'expression d'une lassitude envers les conventions maritales qui régissent la culture occidentale, une utopie qui n'est pas sans rappeler certains penseurs du XIXème siècle, ou l'idéal d'un certain bonheur obligatoire, assorti d'un système de pénalités, où sont implicitement stigmatisés les droitiers et autres déviants ? Cette dernière hypothèse mérite d'être soulignée : l'Île des gauchers n'incarne pas une civilisation exempte de toute partialité, loin de là, et je ne pense pas que tout le monde y trouverait son compte.
Honnêtement, je n'ai pas vraiment ressenti d'attirance pour un tel modèle de société, qui m'a paru un peu... irréaliste. Mais cela demeure un point de vue.