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3,09

sur 155 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Immense surprise pour Régis Jauffret, le 19 septembre 2018, lorsqu'il aperçoit dans un documentaire sur la police de Vichy, son père menotté entre deux gestapistes sortant de l'immeuble marseillais où l'auteur a passé toute son enfance. Après avoir zoomé maintes fois, il n'y a pas de doute, c'est bien lui et son visage exprime une grande terreur. Ces images auraient été tournées en 1943. L'écrivain va tenter d'analyser ce qui a pu se passer, en échafaudant tous les scénarios possibles. Son père Alfred, aurait-il fait de la délation, a-t-il été dénoncé, est-ce un film de propagande, donc une reconstitution, ces questions resteront sans réponse car, ni son père, ni sa mère n'ont jamais évoqué qu'il avait pu avoir affaire avec l'occupant. Les interrogations auprès de la famille ou des voisins n'apporteront rien. Personne ne sait. Ce sera l'élément déclencheur qui amènera Régis Jauffret à écrire ce superbe roman dans lequel il nous conte la vie de celui-ci, en l'appelant Papa, étant redevenu lui-même enfant.
Ce père Alfred, avait quatre frères. Il était marié à Madeleine et est décédé en 1987, l'année de ses 72 ans. Si Régis Jauffret a écrit ce roman maintenant, c'est aussi parce qu'il va bientôt atteindre l'âge auquel son père est mort et qu'avec le temps, c'est peut-être plus facile d'en parler aujourd'hui. Alfred ayant eu une vie, une vraie vie, courte, furtive, car atteint d'un gros handicap de surdité, suite à une méningite, a subi d'inutiles interventions chirurgicales, sans réelle anesthésie, plusieurs cures de sommeil, est devenu bipolaire et a dû prendre de l'haldol, un neuroleptique, le reste de sa vie. Un pharmacologue dira d'ailleurs à son fils que « l'haldol, c'est un médicament qui empêche de penser. » Si ce dernier lui en a voulu, enfant : " En réalité je n'avais guère eu de père, presque pas. J'avais dû me contenter dans mon enfance d'un petit bout de papa..." puis : "D'ailleurs, Alfred en ce temps-là me servait-il à autre chose qu'à me faire honte.", maintenant, il en va autrement et il avoue : "Si je n'avais pas vu ces images tu serais resté dans les égouts de ma mémoire. --- , Je n'ai peut-être écrit tout au long de ma vie que le livre sans fin de tout ce que nous ne nous sommes jamais dit."
J'ai eu un peu de mal à rentrer dans le roman, le début étant un continuel va et vient entre le présent et le passé, mais ensuite, je n'ai plus pu m'en détacher et ai été absolument conquise par le talent de Régis Jauffret. Il réussit à ouvrir comme il le dit "une case de l'enfance qu'il n'avait jamais ouverte" et à sauver cet homme qu'était son père, seule solution pour lui pour continuer à vivre. Comme il le fait bien ! Ce mélange de fiction et de réalité, la finesse la justesse et la poésie avec laquelle il nous raconte ce manque d'amour, cette souffrance, cette frustration dont il a souffert et la manière dont il fait revivre ce père plus beau qu'il n'a été et tente tout pour l'excuser. Ce que j'ai vraiment trouvé sublime, c'est lorsqu'il va recréer un souvenir éblouissant d'une journée qui en fait n'a pas existé. Comment ne pas être bouleversé ensuite par cette phrase : "Malgré tout, ce bonheur inventé restera dans ma mémoire pour illuminer le visage de ce père tant désiré dont la vie m'a frustré."
Un formidable et sublime cri d'amour, tel est pour moi, ce bouleversant roman !
Quelle plus belle conclusion que ces paroles prononcées par l'auteur lors de la grande librairie : "Grâce à la littérature, je suis arrivé à réparer mon père en moi".
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Régis Jauffret décrit son enfance et montre combien son père Alfred était peu présent "Un personnage secondaire". Ainsi, lorsqu'il voit son père à la télévision arrêté par la Gestapo, il s'interroge et se met à rêver d'un père qui, s'il n'avait pas été sourd et assommé par des neuroleptiques, aurait été un héros.
Son père devient alors celui qu'il aurait souhaité, un père puissant, un père aimant, un héros. "Il faut toujours se méfier des romanciers. Quand le réel leur déplaît, ils le remplacent par une fiction."
Les passages qui m'ont le plus émue sont ceux qui montrent ô combien un seul geste, une seule petite attention d'Alfred envers son fils prend une importance démesurée aux yeux de Régis.
La fin est extrêmement émouvante et conclu de façon majestueuse ce roman autobiographique.
"Malgré tout, ce bonheur inventé restera dans ma mémoire pour illuminer le visage de ce père tant désiré dont la vie m'a frustré."
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Je me rends compte que je découvre Régis Jauffret avec ce récit, et je sais que ce livre est atypique par rapport à ses autres ouvrages.
Ici c'est un récit très personnel, puisque suite à un documentaire télévisé, il reconnait son père qui est emmené par des gestapistes devant l'appartement familial.
Dans sa famille, personne n'est au courant de cet épisode et il va essayer de mener une véritable enquête sur cette période.
Il va aussi devoir revenir sur l'histoire de ce père qui lui a toujours été étranger.
En effet son père était bipolaire et atteint de surdité, et au fil des années il va peu à peu s'enfermer dans son monde.
Régis Jauffret a vécu une enfance sans véritables relations avec lui, il le regrette et même le lui reproche.
Ce livre va lui servir à explorer l'histoire familiale et à peu à peu retrouver un certain apaisement.
Son style, très personnel, à l'humour mordant, donne un ton très particulier à ce récit.
Il me reste à découvrir Régie Jauffret dans d'autres textes…
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Quel père fut Alfred pour son fils Régis Jauffret ? C'est la question que se pose l'auteur après avoir vu par hasard, et à sa grande surprise, un documentaire où il reconnaît son père menotté et embarqué par la Gestapo à la sortie de son immeuble. Un épisode de la vie de son père qui lui était inconnu. Régis Jauffret se livre donc à une enquête, qui n'ira pas très loin, mais il fait plus : quel père cet homme était-il ? Un homme secret, taiseux, peu démonstratif, marqué et isolé du monde et avant tout des siens par sa surdité et sa bipolarité, un père qui « n'existait pas beaucoup », et donc un fils aimé sans doute mais en manque de « preuves d'amour ». L'auteur essaye ici de combler les vides de cette « dentelle de papa » grâce à la littérature. Un livre sensible au style mordant qui est aussi une déclaration d'amour.
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Le hasard…

Et un bouleversement qui donnera naissance à ce livre très personnel.
Le lecteur suit les méandres de la relation d'un fils avec son père, relation contée entre fiction et réalité.

La réalité de ce qui fut et de ce non-dit qui jette ses tentacules au plus profond du fils.
La fiction puisque l'imaginaire se fait jour à tour de pages comblant les vides de cette réalité surprenante et brutale.

Des digressions réalistes sur la société, ses préjugés, ses habitudes confites mais aussi un certain cynisme qui fouette le lecteur.
Constat réaliste de l'attitude des uns et des autres pendant, en fin et après la guerre.

Un style original avec ces phrases comme des incipits qui donnent lieu à des développements.
Un dernier chapitre qui fait palpiter et laisse ensuite le lecteur désolé.
Une lecture tantôt heurtante tantôt suscitant l'émotion.

Quant au hasard… le mystère demeure.
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A la vue d'un film où il reconnaît son père, Regis Jauffret nous offre un voyage à travers son enfance. Entre souvenirs sortis d'une mémoire capricieuse, suppositions, inventions, ce père prend corps, pour nous raconter l'absence.
Un excellent moment de lecture
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Je reste partagée et perplexe face à cette lecture aussi étonnante que bouleversante. Un texte autant contradictoire que contrasté. Véritable hymne d𠆚mour pour un parent absent de sa présence.

Véritable hymne d𠆚mour que toutes ces recherches à la quête d’une vérité sur un parent jugé terne voir absent. Il est jamais trop tard pour prêcher nos culpabilités et regrets, surtout envers ceux qui nous ont donné la vie. Dans la vie on ne regrette que ce que l’on a choisi de regretter et surtout ce pour lequel on a décidé de baisser les armes et tourner le dos. Voilà ce que ce livre m𠆚 fait comprendre. Malheureusement l𠆚uteur n𠆚 pas pu dire ces mots mais les écrits sont là et je suis très heureuse d𠆞n avoir été témoin tout au long de cette lecture.
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Le 19 septembre 2018, Régis Jauffret voit dans un documentaire à la Télévision, l'arrestation en 1943 de son père par la Gestapo au 4 rue Marius Jauffret à Marseille où il a passé son enfance. Cet évènement surgi du passé n'était connu de personne dans sa famille. Interloqué, il va essayer de renouer le fil de l'histoire et de parler de et à son « papa » en convoquant les souvenirs de sa vie avec lui et sa mère Madeleine. Avec beaucoup d'humour et un style direct et incisif, il règle ses comptes avec un passé douloureux égrenant de nombreuses raisons de désamour avec son père. Il lui semble qu'il a vécu plus « à côté de lui », « qu'avec lui », sa narration quasi cathartique lui permet parfois de tordre ses souvenirs par la fiction et d'avouer à son papa, un amour qu'il n'avait jamais, ni éprouvé, ni essayé de se convaincre qu'il aurait du l'éprouver. Par exemple, il évoque un week-end fabuleux où seul avec son papa et son scooter, il a établi une grande complicité fusionnelle jamais renouvelée ensuite. Il avoue aussitôt au lecteur que cette belle histoire est une fiction qui n'a pour objectif que de fabriquer un souvenir heureux le réconciliant avec son père et l'autorisant pour une fois à lui déclarer un peu d'amour. Peu de circonstances atténuantes qu'il semble pourtant pouvoir mériter sont accordées à Alfred par Régis. En effet, la surdité importante et bientôt définitive du père, accompagnée de traitements anti dépresseurs lourds semblent pouvoir expliquer le déficit d'amour paternel éprouvé par le fils. La grande qualité de style de l'auteur donne à cette histoire courte, un grande puissance évocatrice.
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Cette année j'ai l'immense plaisir de participer au Grand Prix rtl/lire grâce à ma super librairie : Privat ! J'ai donc reçu la sélection finale constituée de 5 romans avec des récits très divers. Comme il faut bien débuter, j'ai commencé par Papa de Régis Jauffret. La quatrième de couverture explique le point de départ de ce roman – et le terme roman n'est pas du tout anodin ! Régis Jauffret aperçoit lors d'un reportage sur la Gestapo à Marseille l'arrestation de son père dont il n'avait pourtant jamais entendu parler ! Commence alors le récit de ce père…

« Dans ce cas les maigres souvenirs positifs de notre relation seraient sublimés. Ces sept secondes de film ont réveillé l'enfant tapi dans les couches profondes de mon être, me donnant une inextinguible soif de père. »
Voici la présentation de l'éditeur – Seuil
19 septembre 2018, j'aperçois dans un documentaire sur la police de Vichy mon père sortant menotté entre deux gestapistes de l'immeuble marseillais où j'ai passé toute mon enfance. Ils semblent joyeux alors que le visage de mon père exprime la terreur. D'après le commentaire, ces images ont été tournées en 1943. Non seulement mon père n'a de sa vie parlé de cet incident mais je n'ai jamais entendu dire par personne qu'il avait eu affaire à l'occupant.
J'ai mis un peu de temps à écrire ma chronique car je ne savais pas comment exprimer les sentiments à l'issue de ma lecture de ce roman.
J'ai eu la sensation d'avoir été un peu leurrée par la quatrième de couverture. Alors que je pensais découvrir à travers ce récit un père héroïque qui aurait caché un passé douloureux, je n'ai pu que constater que mes attentes ne seraient pas assouvies. En revanche, « La réalité justifie la fiction ».
« Moi, le conteur, le raconteur, l'inventeur de destinées, il me semble soudain avoir été conçu par un personnage de roman »
Tout ce jeu de va et vient entre les bribes réelles et des histoires fantasmées, inventées ne cesse de rompre la lecture pour savoir quelle est la part de vérité. Surtout quand l'auteur s'amuse de ce jeu vrai/faux :
« On ne doit dire de ses parents que le vrai. (…] Je n'étais pas un enfant menteur, pour le raconter j'essaie de me montrer digne de lui »
Si je me suis donc sentie un peu déçue par cette quête du père héroïque, je n'ai pu que constater que dans ce récit, il y avait un vrai cri d'amour d'un fils à un père qui n'était peut-être pas la hauteur, qu'il n'a pas vraiment connu, à ce père qui était coupé du monde par sa surdité, qui n'a pas su montrer son amour paternel. Par les mots, leur intemporalité, l'auteur a pu dire son amour filial :
« Papa, je voudrais tant t'aimer . »
« Pendant que j'en écrivais le récit, je me suis rapproché de toi. »
Au fil des pages, au creux des mots, on lit une vraie déclaration d'amour à ce père disparu. Par ce roman, Alfred, le père, devient Papa.
En résumé : des attentes en partie déçues mais une belle déclaration d'amour au père.
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Un ****, moyenne pondérée de mon dégradé de notation :
** pour l'attente désespérée et exaspérante de Régis Jauffret d'un idéal de père et de ses plaintes régulières de ce que fut Alfred pour lui, un père absent et lointain.
*** pour l'interprétation romancée de l'interpellation paternelle par la Gestapo marseillaise, reproduite à l'occasion d'un documentaire. Là, Régis Jauffret s'essaie à l'art de Patrick Modiano et sa dextérité est moindre
**** pour la description du couple parental (leur relation charnelle et de couple, leur histoire d'amour, leur enfance) et l'historique familial : des moments extras !
***** pour les somptueuses remarques sur la vie, sur l'écriture, sur l'acte de raconter... Des moments littéraires magistraux qui font de Régis Jauffret un romancier d'exception, indispensable dans le paysage français, un auteur qui clive par ses écrits -et même ici à l'intérieur de son écrit-, dont une des Microfictions m'a tellement marquée que son souvenir reste indélébile, des années après !

En repérant quelques secondes d'un reportage sur la Gestapo marseillaise et en reconnaissant son père, Régis Jauffret profite de cet aparté historique pour évoquer Alfred (son père), Madeleine (sa mère), leur couple, son enfance, leur histoire de famille et leur existence de notables à l'aise mais sans chercher l'enrichissement à tout crin.

Le récit n'est pas linéaire, ponctué de courtes réflexions dialoguées avec ce père qui n'est plus, aimé " au bénéfice du doute ", ce père rêvé, imaginé, espéré et finalement décevant pour Régis Jauffret (pas décevant pour moi qui chéris les héros du quotidien, les êtres humains de l'ordinaire dont Alfred fait partie : un homme qui se faisait tout petit, dont le handicap de surdité l'a peu à peu éloigné du monde parlant, parce qu'échanger avec d'autres l'obligeait à hurler et à avoir un comportement peu académique, peu acceptable en société ; un homme qui a certainement souffert tout au long de sa vie de cette "différence" parce que mal accompagnée, mais qui par sa poigne, sa volonté et son acuité sur l'humanité, s'est inséré dans la société, a aimé et a été aimé).

Bref, par contrariété, plus Régis Jauffret râlait sur son père, plus j'aimais ce personnage parce qu'il m'a semblé que l'auteur dans ses petits complaintes a oublié le facteur de la période : il aurait souhaité un père partageur, un père qui transmette ; il a eu le droit à un fantôme, dont l'enveloppe physique était bien présente mais l'esprit ailleurs : mais comment peut-on échanger quand la moindre conversation est douleur ?
Alors oui, Régis Jauffret avec ces évocations m'a agacée et ce sont là les uniques moments d'agacement car j'ai sinon aimé tout le reste de ce roman : la tentative d'enquête pour comprendre comment ce père si discret a pu se faire coffrer par une milice redoutable, les exceptionnelles réflexions sur l'existence et le travail de romancier, les facéties de l'auteur qui nous laisse nous dépatouiller dans le vrai et le faux, la malice à l'évocation des nombreuses copulations parentales et des tentatives Régis, l'art de raconter Marseille, une époque et sa tribu familiale, sa sincérité tout court.
Et puis, il y a les mots de Régis Jauffret, quelque chose d'unique et de très beau, quelque chose d'émouvant, qui n'est pas forcé, qui glisse tout seul, profondément juste et implacable, direct et précis : le talent, ni plus ni moins !
Lien : https://jemelivre.blogspot.c..
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