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Citations sur Rois du monde, tome 3 : Chasse royale II, Les grands .. (39)

Pourtant, cette bonne fortune ne m'étonne guère. J'ai trop l'habitude de la guerre : dès qu'un raid rassemble plusieurs héros, à plusieurs raisons plusieurs nobles de peuples différents, cela cafouille à coup sûr. Aucun plan ne fonctionne : il y a toujours un imbécile qui a compris de travers, un réfractaire qui n'aime pas qu'on lui donne des ordres, un frondeur qui veut jouer au plus fin. Le plus important, pour un bon chef de guerre, ce n'est pas de tramer des stratagèmes ; c'est de savoir les oublier et faire avec le désordre comme il vient.
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Pourtant, cette nuit-là, portant l'enfant à peine née au creux des bras, j'ai réalisé que toutes les joies que j'avais connues jusqu'alors n'avaient été que fades simulacres. Par sa simple existence, le petit être que j'amenais à la rivière sublimait la valeur de tout ce que j'avais accompli. Jamais l'air que j'inspirais ne m'avait étourdi d'une légèreté si vivifiante ; jamais l'herbe froissée par mon pas n'avait frémis si soyeuse ; jamais le souffle des chevaux endormis ne m'avait enveloppé aussi harmonieux. En admirant le monde tel qu'Uxela le découvrirait bientôt, je m'ouvrais à un émerveillement qui m'avait quitté depuis la fin de l'enfance.
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Je vivais dans une griserie permanente, comme si du matin au soir et du soir au matin, je n'en finissais pas de boire à la coupe d'Intaranon. J'en perdais l'appétit, le sommeil et le sens commun. L'été fleurissait dans les veines de mon corps et mes sens s'ouvraient à la beauté cachée des jours. J'étouffais d'un top plein d'existence et tout était vide en l'absence de Caturigia. Qui était-elle ? Qui était-elle pour avoir ainsi renversé le héros solide que je m’efforçais de construire ? Une fois arrachés les voiles des faux-semblants, des mariages arrangés, des rancunes et des malentendus, nous nous sommes livrés à visage découvert. Dans sa délicatesse, dans sa fierté, dans l'océan changeant de ses yeux rayonnait un mystère qui donnait équilibre à l'univers. Tout se mettait à danser autour d'elle. Approcher d'elle, allumer son désir, être à la fois le don et le contre-don, c'était tellement vrai que cela excédait l'impossible. Lorsque je la serrais dans mes bras, lorsque je sentais son souffle sur mon visage et dans mon cou, lorsque la chaleur de ses cuisses m'enveloppaient, alors tout tombait à sa place, le ciel, les mers et les montagnes, et je me sentais enfin restauré dans toute ma majesté. Nu, oublieux, triomphant et vaincu, je devenais vraiment roi du monde.
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Quand le périple s'étire, long et incertain, la destination n'a d'attraits que tant qu'on y a pas encore touché. Même une terre aimée demeure vaguement étrangère si l'on y retourne après une longue absence.
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Je me rappelle que juste avant de tomber dans l'embuscade des bergers ausques, là-bas, dans le causse, je me suis presque rêvé corbeau porté par le vent des cimes ; quand j'ai chassé avec mon frère, mon oncle et tous nos hommes, je me suis senti loup au milieu de la meute ; et quel est donc ce grand cerf que je cours, dans ce monde et dans l'autre, en compagnie des vivants et des morts, sinon un souvenir qui continuera à se dérober tant que je n'aurai pas compris que c'est moi que je chasse ? Le Forestier en personne m'a traité de chien ; je n'y ai entendu que l'injure, mais peut-être l'image recelait-elle une vérité primitive. Je suis corbeau ; je suis loup ; je suis cerf ; je suis chien - et c'est pourquoi la mort de ma pauvre Uimpa me fait encore saigner le cœur... Je suis entretissé des existences animales que j'ai traversées avant de sortir du ventre de ma mère, et leur mémoire palpite, plus vive que jamais, dans l'exaltation de la course, dans les rituels de pouvoir et de défi, dans le goût du sang. En fait, ce collier et ces fers qui m'écorchent ne se révèlent pas si lourds. Ils me fixent un instant dans la nature du captif ; ils me rappellent une condition que j'ai connue entre la sauvagerie et l'humanité ; ils enrichissent le cycle de mes incarnations. Après tout, je suis déjà mort et je suis déjà revenu. J'ai tous les avenirs devant moi. C'est ce qu'avait bien compris Excingomar : quel que soit le terme de ma captivité, je serai bientôt libéré. Je reviendrai : chagrin, corbeau, loup, chanson ou chien... Ou héros vengeur. Je reviendrai.
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L'adulte s'est séparé du garçon, en sorte que ce que j'ai vécu jadis m'appartient un peu comme l'histoire de mon père ou celle de mes aïeux : c'est tissé au plus profond de moi sans être tout à fait moi.
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«C'est entre toi et moi», énonce-t-il sur le ton de l'évidence.
Devinant que je ne saisit qu'à moitié le sens de sa réponse, il est gagné par une ombre de contrariété.
«Toi et moi sommes les meilleurs. J'ai vaincu Bouos. Tu as refoulé tous ces foireux jusqu'ici. Je n'allais pas te laisser buter. »
Il jette une œillade méprisante aux hommes qui nous entourent.
«C'est entre toi et moi, répète-t-il. Soit les druides te brûlent : tu crames, comme tu as voulu me faire griller, et ça, ça me va. Soit il décident je ne sais quoi. Tu reprends tes forces, tu t'évades ; je te retrouve et je te tue. Ça me va aussi. C'est plus digne de nous.»
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Entre les troncs obscurs, je devine des formes trapues, au crin blanchâtre, qui se faufilent parmi les ombres. Il me semble même accrocher les prunelles phosphorescentes d'un loup.
"Ne te fais pas de souci, me conseille le druide d'un ton léger. Ce ne sont que mes ovates."
Du reste, il m'entraîne déjà par-delà la lisière, nous quittons la ramée ténébreuse, nous arrivons au pied du palais et de sa butte.

p. 301
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Détournez-vous des mauvaises nouvelles ! Détournez-vous des chefs nombreux ! Détournez-vous des mauvais jugements ! Détournez-vous des courses fatales ! Détournez-vous des lances noires ! Détournez-vous des fruits tombés ! Détournez-vous des vaines satires ! Détournez-vous des inhospitaliers ! Détournez-vous des vallées de montagne ! Détournez-vous des morts de trois jours ! Détournez-vous des sept années sombres !
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«Quel putain de feu de joie ! jubile-t-il. Gobez-moi cette force ! cuisez, mes frères d'armes ! Cuisez de toute cette rage, cuisez de toute cette haine, cuisez de toute cette fureur ! Vous sentez comme ça craque et comme ça mijote ? Cette flambée, on va la souffler dehors, on va en réchauffer toute la Celtique ! On va cramer les traîtres ! On va flamber l'ennemi ! On va galoper à travers les royaumes, à un train d'incendie ! Au Gué d'Avara, on réduira en cendre les demeures des parjures ! On fera bouillir le sang du peuple ! On lèvera une armée d'incendiaires, et puis on reviendra ! On reviendra, sur une chaussée de braises, dans un torrent de feu, purifier ce qui restera à purifier !»
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