« Il est des gens avec qui parler de ce qui vous tient à cœur n’a pas plus de sens que de décrire des couleurs à un aveugle, de toute façon ils ne verront rien, ou ils apercevront de minuscules fétus là où vous contemplez, dans les lointains, une forêt de peupliers et de chênes. »
À certaines heures l’effrayait le passage du temps (la nuit surtout) : il n’avait encore rien fait, rien écrit, rien prouvé. Serait-il de ces hommes qui n’existent que pour le nombre, le décor, la termitière ?
Pouvait-on vivre en étant un médiocre ? Comment faisaient-ils, tous ces gens, pour se contenter de n’être qu’un passant de plus sur « l’échiquier du temps » ?
Et tout lecteur est un homme d’autrefois, d’avant les écrans, en ces temps du péché originel, de la messe du dimanche, du dos courbé, des moissons, des fêtes de village. Plutôt l’odeur du purin, que la fadeur des écrans tactiles !
Ce n’était qu’une simple dispute, une mince égratignure dans le contrat narcissique des amants. Mais répétées, ces épigrammes risquaient de corrompre l’amour qu’il portait à Amandine…
Il commençait à entrevoir que personne, au fond, ne pensait vraiment, on attrapait les idées qui traînent dans l'air, c'est tout. Des épidémies de rhumes rouge, mauve, vermillon se succédaient les unes aux autres ; et, forts de leur non-pensée; les malades refusaient d'entendre d(autres voix, qu(ils accusaient, comme on leur avait appris, de tous les maux. La non-pensée, pensa-t-il (car il pensait), non contente de ne pas penser, pense que ses détracteurs sont des salauds ou des imbéciles, et, pleine de cette pensée immune, travaille à en réduire la nocivité. Les mots, en roue libre, remplacent la pensée : le crime est parfait.
Le monde était sous l’emprise de cancres ricaneurs, planqués derrière leur ordinateur, à l’abri d’un journal, d’une émission de radio, d’un prime time de télévision.
Nouveau venu sur terre, chacun est d’abord un peu con. Se délester du con demande des lectures, du travail. Très peu consentent à ce sacrifice, trop occupés qu’ils sont, tels Denis ou Julien, à réussir leur vie.
Il se posait encore des questions sur le sens à donner à sa vie, l’écriture le requérait mais la société ne désirait pas qu’il écrivît, à tout le moins ne l’y encourageait pas, et se moquait de ce projet. « Saurai-je un jour, se disait-il, pourquoi je suis venu sur terre ? » et « ne suis-je qu’un homme de plus, un figurant de l’espèce humaine ? ».
Qui était-il ? Celui qu’il aimerait devenir, ou un autre, moins brillant, semblable à tous ces êtres humains moyens qui peuplaient les rues ?