A l'heure où le Canada découvre avec stupeur son passé génocidaire, lire
Maikan c'est justement comprendre dans une écriture romanesque, l'humiliation subie par les peuples autochtones au cours du XXème siècle et ses conséquences.
Maikan- c'est le loup- celui qui rôde , qui surveille, tapi dans l'ombre prêt à bondir sur sa proie, celui au regard froid et autoritaire qui dans les contes dévore les enfants comme dans le pensionnat de Fort George où les loups portent des soutanes… c'est celui qui vient briser la vie de ces jeunes Innus, arrachés à leurs parents et à la nature pour vivre reclus et soumis dans le pensionnat cherchant à tout prix à « tuer l'indien dans l'enfant ».
C'est une histoire saisissante que nous rapporte là
Michel Jean qui avec simplicité et beauté à la fois revient sur cette période passée trop longtemps tue par les autorités et gouvernements successifs.
Car le Fort George, comme tous les autres pensionnats, c'est le berceau d'une humiliation permanente et honteuse contre la jeunesse Innue de l'époque que l'on voulait « civiliser » de force.
Cheveux coupés à l'identique pour tous, numéro de matricule pour effacer un nom autochtone encombrant, langue innue interdite, punitions permanentes, violences multiples, attouchements répétés, jusqu'aux viols évidemment… Et le temps qui fait son travail de sape, effaçant les souvenirs de ces enfants fragilisés, au bord du gouffre…
Et pourtant, quand la situation devient insupportable, Marie, Charles et Virginie retournent en pensée vers leur vie d'avant. Enfants de la nature, ils parviennent à s'extraire de la torpeur grâce aux paysages, aux coutumes, aux forêts, aux lacs qu'ils ne regardent plus.
« Quand on est arrivé là-bas, on a arrêté d'être Innus. Il fallait devenir autre chose. Et moi, je n'ai jamais su ».
Et puis il y a l'amour et l'amitié comme remparts miraculeux à l'horreur et l'humiliation, l'Amour pour combattre le Mal. Comme de brèves parenthèses de bonheur au fond de la violence, comme un temps suspendu où les coeurs s'ouvrent et les regards s'éclairent à nouveau, ciment solide d'un amour éternel…
Un roman qui a suscité en moi beaucoup d'émotion, et écrire cette chronique réussit à la raviver, consciente que « certaines blessures ne guérissent jamais tout à fait ».
Que vous soyez sensible ou non au sujet de ces peuples autochtones du Canada, il est essentiel de lire
Maikan.
Pour lire au rythme de la simplicité efficace et belle des mots de
Michel Jean, pour vous confronter au Père Rouge et pour vivre auprès de Marie, Charles et Virginie que vous peinerez à quitter, inévitablement touché par leur destin qui fut aussi celui de milliers d'autres enfants Innus.