Tu débarques avec ton arrogance de Blanc. Tu crèves la dalle en Europe, ou alors tu es devenu indésirable/hors-la-loi, ou encore tu veux faire fortune (on t'a parlé d'or, de terres fertiles, de main d'oeuvre gratuite...).
Tu t'installes, au mépris de ceux qui sont déjà là.
Très vite, tu leur prends tout : leurs territoires et leurs ressources. Et plus insidieusement, leur identité et leur dignité - ils doivent te ressembler, ça justifie ta prétendue supériorité.
Au mieux ce sont des sauvages, au pire des animaux. La preuve : ils ne connaissent ni ta langue, ni 'ton dieu'.
Tu vas leur faire adopter.
Et ton 'divin', ils le craindront, à défaut de l'aimer. Car non, il n'est pas "bon", il n'est pas "amour" : il est colère, caprice, cruauté, vengeance.
Avec cette figure toute-puissante fictive, tu augmenteras ton pouvoir sur eux.
Attention, tu fais tout cela pour leur rendre service : tu leur apportes les progrès de LA Civilisation.
.
Voilà l'engrenage dévastateur de la colonisation, qui sévit toujours depuis des siècles. Ça continue, les envahisseurs ne l'appellent plus ainsi. Elle prend parfois des allures de génocide (déportations, massacres).
L'Histoire se répète. On a toujours besoin d'un "plus petit" que soi... pour l'exploiter et prendre sa place, ses biens.
.
Michel Jean est issu de la communauté innue de Mashteuiatsh. Il évoque dans ce '
Maikan' (= les loups) le sort terrible des enfants indiens arrachés à leurs familles, au Canada, pendant un siècle (de la fin du XIXe à 1996, date de la fermeture du dernier pensionnat). Ils avaient entre six et seize ans.
Le terme 'arraché' est un chouïa abusif car les parents étaient réticents mais consentants : ils pensaient réellement que l'éducation promise par le gouvernement leur serait bénéfique, et ils craignaient le dieu des Blancs et leurs représentants.
« Si vos parents avaient résisté, la police vous aurait prise de force. Et n'oubliez pas l'influence qu'exerçait le clergé à l'époque. le but des curés était d'évangéliser le peuple, et celui des politiciens, de l'assimiler. Et ce ne sont pas vos parents qui auraient pu s'opposer à cela. » (p. 143)
.
Cette opération de grande ampleur fut désastreuse : 150 000 enfants autochtones ont été internés dans ces pensionnats dirigés par des religieux (hommes et femmes). Plus de 4 000 y sont morts - problèmes sanitaires (manque de nourriture, de chauffage, de vêtements appropriés et de médicaments) et maltraitance délibérée.
Et l'après ? Comment se remettre d'une enfance ainsi brisée ?
« Elle a vu de nombreuses victimes de violence, d'agressions sexuelles, de sévices de toutes sortes. Des personnes qui n'ont connu qu'une existence d'humiliations. » (p. 65)
Inutile de détailler le sadisme des religieux des deux sexes, et leurs perversités.
Plus j'en apprends sur le sujet, moins je comprends ce qui n'allait (ne va ?) pas chez ces gens-là : comment devient-on si violent, moralement & physiquement ? Pourquoi les moins tordus restent-ils complices passifs, y compris lorsque leur rang hiérarchique leur permettrait d'épargner les enfants en éliminant/recadrant les adultes toxiques ? Ici, l'abominable père Johnson était-il protégé à plus haut niveau ?
On devient curé/bonne soeur parce qu'on a un truc qui déconne par rapport aux enfants, ou ça rend dingue et mauvais, "d'épouser une ombre" ?
.
A ceux qui veulent en savoir plus sur les ravages de notre bonne vieille Eglise : se documenter sur les orphelinats irlandais (cf. 'The Magdalene Sisters', film de Peter Mullan de 2002), lire 'La Controverse de Valladolid' (roman de
Jean-Claude Carrière paru en 1992). Et toutes les affaires de pédophilie, viols, dévoilées récemment...
.
Là, le gouvernement canadien a promis d'indemniser les victimes. Quel sens cela a-t-il ? L'avocate avance gentiment & tristement à l'une d'elles - âgée de 90 ans et ravagée par l'alcool - qu'au moins, avec ce 'dédommagement', elle pourra s'offrir du gin de bonne qualité.
.
Colère et honte.
J'ai des ancêtres vendéens qui se sont installés au Québec.
Il y aussi un vieux type - toujours vivant - dans la famille qui a cru bon (pour 'eux', vraiment ? ou pour lui ?) d'aller évangéliser les "petits Ivoiriens"...