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La grande désillusion

En 2022, Patrice Jean a fait paraître un court roman aux renaissantes Editions Rue Fromentin, chez qui il avait publié ses premiers romans. Qui mieux que ce professeur de français en lycée pour nous dépeindre les coulisses de la salle des profs, les relations entre enseignants, leurs ambitions et guerres internes.

Bruno Giboire, 35 ans, est en passe d'accomplir son rêve : devenir professeur de lettres. Après une formation accélérée de deux mois et un été passé à préparer ses cours, le jour de la rentrée est arrivé au lycée André Malraux de Nantes. C'est gonflé d'illusions et de motivation que Bruno entame l'année scolaire :


« 𝐿𝑎 𝑛𝑢𝑖𝑡, 𝑖𝑙 𝑟𝑒̂𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑞𝑢'𝑖𝑙 𝑟𝑒𝑛𝑑𝑎𝑖𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝑐𝑜𝑝𝑖𝑒𝑠 𝑎̀ 𝑢𝑛𝑒 𝑐𝑙𝑎𝑠𝑠𝑒 𝑑𝑒 𝑠𝑒𝑐𝑜𝑛𝑑𝑒, 𝑒𝑛 𝑓𝑒́𝑙𝑖𝑐𝑖𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑐ℎ𝑎𝑞𝑢𝑒 𝑒́𝑙𝑒̀𝑣𝑒 ; 𝑝𝑎𝑟𝑓𝑜𝑖𝑠, 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑝𝑝𝑙𝑎𝑢𝑑𝑖𝑠𝑠𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑚𝑝𝑒𝑠𝑡𝑖𝑓𝑠 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟𝑟𝑜𝑚𝑝𝑎𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑠𝑎 𝑙𝑒𝑐̧𝑜𝑛, 𝑝𝑜𝑢𝑟 ℎ𝑜𝑛𝑜𝑟𝑒𝑟 𝑢𝑛𝑒 𝑑𝑒́𝑚𝑜𝑛𝑠𝑡𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑔𝑟𝑎𝑚𝑚𝑎𝑡𝑖𝑐𝑎𝑙𝑒, 𝑢𝑛 𝑚𝑜𝑡 𝑑'𝑒𝑠𝑝𝑟𝑖𝑡 𝑜𝑢 𝑢𝑛𝑒 𝑒𝑛𝑣𝑜𝑙𝑒́𝑒 𝑙𝑦𝑟𝑖𝑞𝑢𝑒 ».


Evidemment, rien ne se passe comme il l'avait imaginé et Bruno découvre l'envers du décor de la vie enseignante. Mais ça ne remet pas en cause ses idéaux et sa motivation, tellement empli de soif de transmission à tel point que les appels érotiques de sa collègue le laissent de marbre. Entre la pédagogie et le sexe, Bruno a fait son choix : « 𝑃𝑜𝑢𝑣𝑎𝑖𝑡-𝑜𝑛 𝑚𝑒𝑡𝑡𝑟𝑒 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝑚𝑒̂𝑚𝑒 𝑝𝑙𝑎𝑛 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑐𝑟𝑜𝑏𝑎𝑡𝑖𝑒𝑠 𝑐ℎ𝑎𝑟𝑛𝑒𝑙𝑙𝑒𝑠, 𝑝𝑜𝑛𝑐𝑡𝑢𝑒́𝑒𝑠 𝑝𝑎𝑟 𝑢𝑛 𝑠𝑝𝑎𝑠𝑚𝑒 𝑔𝑙𝑢𝑎𝑛𝑡, 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑙𝑒 𝑠𝑒́𝑟𝑖𝑒𝑢𝑥 𝑑'𝑢𝑛𝑒 𝑑𝑖𝑠𝑐𝑢𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑙𝑒𝑟𝑡𝑒𝑠 𝑑𝑢 𝑝𝑟𝑖𝑛𝑐𝑖𝑝𝑒 𝑑'𝑒́𝑑𝑢𝑐𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡𝑒́ ? »

Il maîtrise parfaitement les objectifs et la novlangue pédagogiques, sorte de dialecte parallèle que seuls des cerveaux des hautes sphères savent inventer : adieu la leçon, trop formelle, place à l'acquisition des apprentissages et à la valorisation des compétences. A travers les personnages de Giboire ou du sûr de lui-même inspecteur académique, Patrice Jean moque le pédagogisme et sa prétention scientifique.

« 𝐶𝑟𝑜𝑖𝑟𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑎 𝑙𝑖𝑡𝑡𝑒́𝑟𝑎𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑖𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑎𝑛𝑡𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑑'𝑎𝑢𝑡𝑟𝑒𝑠 𝑓𝑜𝑟𝑚𝑒𝑠 𝑑'𝑒𝑥𝑝𝑟𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑎𝑟𝑡𝑖𝑠𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠, 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑙𝑒 𝑟𝑎𝑝, 𝑙𝑒𝑠 𝑠𝑙𝑜𝑔𝑎𝑛𝑠 𝑝𝑢𝑏𝑙𝑖𝑐𝑖𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒𝑠, 𝑙𝑒𝑠 𝑡𝑤𝑒𝑒𝑡𝑠, 𝑙𝑒 𝑠𝑙𝑎𝑚, [--] 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑖𝑓𝑓𝑢𝑟𝑒, 𝑙𝑎 𝑚𝑜𝑑𝑒, 𝑙𝑒 𝑝𝑖𝑒𝑟𝑐𝑖𝑛𝑔, 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑐𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑒𝑛𝑟𝑖𝑐ℎ𝑖𝑡 𝑙'𝑒𝑥𝑖𝑠𝑡𝑒𝑛𝑐𝑒 : 𝑙𝑎 𝑣𝑖𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑓𝑒̂𝑡𝑒 ! 𝐽'𝑎𝑖𝑚𝑒 𝑞𝑢𝑎𝑛𝑑 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑙𝑒̀𝑣𝑒𝑠 𝑠'𝑎𝑚𝑢𝑠𝑒𝑛𝑡, 𝑝𝑎𝑠 𝑞𝑢𝑎𝑛𝑑 𝑖𝑙𝑠 𝑠'𝑒𝑛𝑛𝑢𝑖𝑒𝑛𝑡 𝑠𝑢𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑡𝑒𝑥𝑡𝑒𝑠, 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑝𝑙𝑢𝑝𝑎𝑟𝑡 𝑐𝑜𝑛𝑐𝑜𝑐𝑡𝑒́𝑠 𝑝𝑎𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑚𝑎̂𝑙𝑒𝑠 𝑏𝑙𝑎𝑛𝑐𝑠 𝑑𝑒 𝑙'𝑎𝑛𝑐𝑖𝑒𝑛 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒 ! »

Le lycée est secoué par l'𝑎𝑓𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑀𝑒𝑛𝑎𝑘𝑎 qui voit s'affronter deux camps : le lycée possède une oeuvre d'art (statuette khmer rapportée du Cambodge par Malraux et offerte au lycée) que certains veulent vendre pour financer un atelier pédagogique et citoyen consacré aux luttes contre les discriminations.
D'autres, défenseurs de l'art, souhaitent la garder. Une lutte acharnée et drolatique va alors avoir lieu entre progressistes et réactionnaires, avec des conséquences fâcheuses pour certains, qui n'en sortiront pas indemnes.

Ce roman, satire de l'enseignement idéologisé, moque allègrement les profs politisés, à travers notamment, la figure de Didier Merluche, sorte de gourou de gauche morale pour qui « 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑒𝑟𝑣𝑒𝑟 𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑠𝑡𝑎𝑡𝑢𝑒𝑡𝑡𝑒, 𝑐'𝑒𝑠𝑡 𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑙𝑒 𝑗𝑒𝑢 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑑𝑟𝑜𝑖𝑡𝑒 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑙'𝑒𝑥𝑡𝑟𝑒̂𝑚𝑒-𝑑𝑟𝑜𝑖𝑡𝑒 ».

L'auteur règle ses comptes avec l'omniprésence de l'idéologie dans les salles de profs et de cours, où les enseignants se servent de leur statut pour faire passer leurs idées et visions du monde. Objectif : la conscientisation politique des élèves.

𝑹𝒆́𝒆́𝒅𝒖𝒄𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒏𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏𝒂𝒍𝒆, pamphlet camouflé en amusante fable, est édité par les remarquables Editions Rue Fromentin. Chers lecteurs, rééduquez-vous avec Patrice Jean !
Lien : https://www.facebook.com/pho..
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Pour faire partie du « petit noyau », du « petit groupe », du « petit clan » des pédagogues, une condition était suffisante mais elle était nécessaire : il fallait adhérer tacitement à un Credo dont un des articles était que les professeurs avaient davantage à apprendre des élèves qu'ils n'avaient à leur enseigner.
Telle est, du moins, la façon proustienne dont on pourrait présenter ce roman de Patrice Jean, qui mérite certes qu'on parle bellement de son oeuvre, car il écrit de façon élégante et châtiée. Oui, son style est coruscant (n'ayons pas peur des mots) et parle...
... de cons.
Oui, de cons, mais de cons professionnels. Pas le con lambda qu'on peut croiser au hasard d'un apéro, d'une réunion de famille ou d'un pari turf. Non, un maître con. Ou plutôt, un con qui a choisi d'enseigner.
Mal nommer les choses, c'est - paraît-il - ajouter au malheur du monde (qui n'en demande pas tant) , donc déclinons tout de suite l'identité du susdit: Bruno Giboire. Comme un ciboire , mais en plus creux. Comme un Gibus, mais en moins chic. Bruno, quoi. Un type quelconque qui décide, un beau matin, d'embrasser la carrière d'enseignant, et qui se jette à corps perdu dans l'aventure: il croit dur comme fer aux théories de Philippe Meirieu , il envisage les leçons comme des thérapies de groupe, il s'évertue à convertir les élèves - pardon, les "apprenants" - aux beautés de la langue française sans jamais citer un auteur classique, puisque dans son modernisme effréné il cherche à rendre la culture ludique .
Entre les "savoirs", les "savoir-faire" et les "savoir-être", Giboire navigue agréablement; il connaît par coeur les articles spécialisés des didacticiens à la mode, il jargonne mieux que quiconque, et se fait rapidement une place en salle des profs , tant il dégage d'enthousiasme.
Mais un lycée n'est pas qu'un laboratoire de pratiques didactiques. Problème numéro un: il y a des élèves, qui rechignent à adopter la "posture d'apprenant" attendue . Problème numéro deux: il y a des professeurs qui rechignent à abandonner les méthodes traditionnelles, compromettant ainsi l'avenir des n°1. Problème numéro trois: une salle des profs, c'est "Game of Thrones "en plus cruel. Les alliances se font et se défont, les grandes causes apparaissent et se délitent, l'engagement d'hier est la trahison de demain. Si, si, je vous jure.
Bref; lorsqu'une opportunité se présente de troquer une oeuvre d'art millénaire, propriété de l'établissement, contre un équipement informatique flambant neuf, les passions se déchaînent. Et Bruno va apprendre, à ses dépens, que l'Enfer est pavé de bonnes intentions...
Un livre merveilleusement jouissif, donc. Certes, les membres de l'EducNat seront sans doute les premiers à rire , mais ils ne seront pas les derniers: que l'on fasse partie ou pas de la grande maison, chacun trouvera de quoi s'amuser follement grâce à Patrice Jean . Et j'ai le fol espoir qu'un jour, peut-être, ce roman fasse partie des textes étudiés en classe ....
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Écouté, par hasard, sur France-Culture (Alain Finkielkraut, Répliques, le métier de professeur, 21 janvier 2023), je ne notais pas les référence du livre tellement fatigué de ces éternels témoignages sur le milieu de l'enseignement qui représenta mon quotidien durant l'intégralité de ma vie professionnelle. de nouveau par hasard, le livre de Patrice Jean m'interpella, quelques jours après, sur un présentoir à l'entrée du rayon littérature de la bibliothèque de la Part-Dieu. Je soupèse le livre, regarde son épaisseur, moins de 140 pages, pourquoi pas. Quelle vie, qu'elle histoire vaut plus que 200 pages ?
À chaque fois, rares, où ma souris s'égare sur babelio.com, je constate que, sur un même livre, le résumé de ce dernier se déroule quasi identique d'une contribution à l'autre ; pourquoi ne pas scanner la quatrième de couverture qui narre la même chose ?
L'auteur, enseignant de français en lycée, doit probablement donner la recette suivante pour réaliser une bonne dissertation :
3 g de passé simple
4 g d'auteur.rice.s classiques ou antiques
1 g de vocabulaire désuet, ici "icelle"
2 g de grossièretés sexuelles
3 g de phrases à rallonge
ainsi on assure la "moyenne".
L'auteur en bon pédagogue applique à sa dernière production la recette qu'il énonce à ses élèves.
Je pense que pour valider ce gentil commentaire il faut cocher au moins une étoile, dommage, ce texte n'en mérite aucune.
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Géniteurs d'apprenants,
ou parents d'élèves pour les ploucs non-initiés, le continuum éducatif et nos humbles ingénieurs en science de l'éducation (hors vacances scolaires et grèves), vous déconseillent la lecture de la dernière masse langagière de Patrice Jean, ce Juda réactionnaire qui vient adultérer ici sur la Cène, pardon dans la salle des profs, leur génie progressiste.
Afin de ne pas assommer les quelques Babéliotes curieux de mes humeurs, je vais abandonner le jargon boursoufflé de nos pédagogues pour oser dire quelques mots du roman de Patrice Jean, lui-même professeur à ses heures perdues pour la littérature.
Je trouve hélas que cet auteur dont j'adore le style et la verve satiriste perd ici en qualité ce qu'il gagne en quantité avec ce troisième roman en un an. La société le chafouine, il ne manque pas de sujets qui bouillonnent ses globules, mais si je devais noter la copie, mon appréciation serait la suivante : élève brillant mais travail un peu bâclé. Peut mieux faire.
Pourtant le sujet, l'idéologie éducative, était porteur. On ne parle plus ici de transmissions de connaissances (trop ringard) mais de sensibilisation à des idéaux sociaux. L'élève, auparavant novice est devenu un apprenti, le prof descend de son estrade pour jouer le rôle d'un compagnon qui propose des outils dans le dialogue et dans la co-construction pour identifier les problèmes de la société et la changer en vue d'une plus grande justice égalitaire, verte… et des pas mures.
Comme à son habitude, Patrice Jean confie les clés de son récit à un personnage absurde, caricature du jeune prof de lettres qui trouve les devoirs ringards, les leçons dépassées, l'apprentissage des classiques ennuyeux. L'idéaliste veut immuniser la progéniture contre la tentation du capitalisme désastreux, réécrire l'histoire, déboulonner certaines grandes figures et chasser les derniers vieux dinosaures réfractaires aux techniques modernes d'enseignement.
Candide du pédagogisme pédant, Bruno Gigoire effectue donc sa première rentrée au lycée Malraux. Il est persuadé qu'il va éveiller les consciences des jeunes. Au diable l'instruction des fondamentaux.
La présence d'une statue Khmère dans le bureau du directeur, pillée au Cambodge par Malraux et son épouse pour effacer quelques dettes dans les années 20 et offerte au lycée, va provoquer une guerre civile au sein de l'établissement entre ce que des esprits éclairés par des lumières tamisées autour d'un zinc pourraient qualifier au quinzième jaune, les « Perchés » contre les « Réacs ».
Ce que je reproche à l'ouvrage, c'est la faiblesse de l'argument romanesque. Cette histoire de statuette est assez insignifiante. Elle aurait pu constituer une sympathique péripétie dans une trame plus élaborée. L'auteur aurait pu aiguiser ses mots autour des sujets inflammables qui ne manquent pas dans les collèges et lycées : le port de l'uniforme obligatoire stylé par Brigitte M (Crop top et décolletés du grand plongeoir versus combinaison intégrale du pensionnat de Chavagnes), les menus spécifiques à la cantoche (si une religion avait proscrit la macédoine ou le céleri rémoulade à mon époque, j'aurai adhéré de suite !), les toilettes non genrées pour LGBT constipés, l'évaluation des compétences avec le barème de l'Ecole des fans ou l'agressivité des parents persuadés d'avoir pondu des surdoués incompris à la chaîne (HPI – Haute Probabilité d'Idiots).
Une déception sauvée par le mauvais esprit qui souffle sur les pages de ce roman. Je proposerai bien le redoublement s'il existait encore.



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Le jeune Bruno Giboire voit enfin son rêve s'accomplir. Grâce à un testicule surnuméraire, il va pouvoir entrer dans l'Education Nationale ! A son tout de porter la bonne parole pédagogique à toutes les charmantes têtes blondes et brunes qui ne demandent bien sûr qu'à l'entendre et la vénérer. Car foin de dogmes ancestraux, Bruno détient la Vérité, révélée dans La Revue pédagogique par Dieu lui-même, alias Philippe Meirieu. Et Bruno est tout entier dévoué à sa cause, aucune bagatelle amoureuse, fût-ce avec Nadège, qui pratique les îlots avec lui, aucun soupçon réactionnaire, ne pourront l'écarter de sa voie ni ternir sa vocation.
Chaque étape de l'année scolaire est croquée avec une ironie féroce à travers le regard de ce Candide contemporain. Et quand advient le grand schisme lors duquel chacun doit prendre position et affirmer quelles sont ses valeurs et sa vision de la culture, Bruno se sent enfin exister et pousser des ailes, jusqu'à ce qu'un mystérieux sérum de vérité ne fasse enfin tomber les masques.
Cette lecture est vraiment jubilatoire ! A ceci près qu'il faut probablement être du sérail pour l'apprécier pleinement.
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Ce petit roman satirique étonnera et fera rire un lecteur étranger à l'Education Nationale : la galerie de personnages extravagants fera croire que l'auteur exagère et cède à la tentation de la caricature, mais quand on a connu le monde éducatif, on se rend compte que la réalité va bien au-delà de la fiction. Ce petit univers d'un grand lycée de province est bien croqué, de même que les professeurs gauchistes, les élèves désabusés et le monde réel, exilé bien loin au dehors des limites de l'établissement. On sait que l'intrigue repose sur une statuette khmère qu'il s'agit de vendre pour consacrer l'argent à un atelier pédagogique citoyen, à savoir de rééducation et d'embrigadement politiques. Patrice Jean campe un héros proche de Candide, naïf et croyant aux vertus de la Pédagogie, du Bien et du Progrès, aussi simplifié et dénué de profondeur que ses collègues engagés. Vers la fin, quelques belles phrases dégagent la morale du récit, et accentuent sa ressemblance avec un conte De Voltaire.
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J'avais croisé la route de ce roman sur le compte Instagram de Mathieu Persan, illustrateur de talent que je suis depuis quelques années et qui avait partagé la couverture qu'il avait réalisé pour les éditions Rue Fromentin. Aussi quand cette semaine à la librairie une cliente m'a fait l'éloge de ce petit roman en me conseillant de le lire, je lui ai fait une petite place dans mes soirées.

Bruno Giboire vient fraîchement d'être nommé professeur de lettres modernes dans un lycée nantais après avoir été employé de mairie à Orvault à côté De Nantes. Cet amoureux de l'enseignement qui n'a jamais enseigné se voit comme un chevalier de la pédagogie, prêt à sortir son épée pour défendre la littérature, le français, les méthodes pédagogiques les plus innovantes auprès d'élèves passionnés.

Au lycée Malraux, il découvrira ses collègues enseignants et leur diversité, les zelés, les vieux machins, les blasés, les idéalistes, et puis Nadège avec qui il peut partager le feu sacré du pédagogisme lors de soirées en tête à tête dans son petit appartement où leur passion peut s'embraser. Il suffira pourtant d'un projet de vente d'une statuette khmère visant à financer de nobles projets pédagogiques pour que tout s'effondre, que le monde vacille et que Bruno Giboire se mette à douter.

Merci cent fois à cette cliente pour ce conseil qui m'a permis de découvrir Patrice Jean, auteur nantais et lui-même professeur de lettres modernes. J'ai été follement amusé par ce petit roman satirique sur le milieu enseignant et les péripéties de son héros d'un autre âge. Je vous conseille de le lire avant Noël puis de le mettre au pied du sapin des profs que vous connaissez : hilarité garantie.

📖 Rééducation nationale de Patrice Jean a paru le 29 septembre 2022 aux éditions Rue Fromentin. 140 pages, 17€.
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Ce n'est pas le meilleur livre de Patrick Jean, mais cela est du au choix de la satire pure et dure pour décrire ce qui se passe dans l'Éducation Nationale, et l'auteur, professeur de son état, sait de quoi il parle pour le vivre au quotidien.
Le délire pédagogiste y est à son comble et, tel "les Précieuses Ridicules" de Molière, adapte le langage officiel. Ainsi la simple "Rédaction" de notre enfance devient une "mise en écriture dialoguée, ancrée dans une situation d'énonciation familière à l'apprenant". Quel charabia !
Pauvres gosses qui au lieu d'apprendre et d'enrichir leurs capacité de réflexion subissent ce pédagogisme !
L'auteur dénonce l'extrême gauchisme de la majorité des enseignants, le wokisme galopant (ah la merveilleuse écriture inclusive) et toutes les dérives d'une institution livrée à des militants alors qu'elle devrait être le temple du savoir et de la neutralité.
Un petit roman révélateur de notre époque.
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Patrice Jean nous propose une satire délirante et hilarante sur l'Education Nationale. Son héros Bruno Giboire, reconverti professeur de français, grand idéaliste et pédagogue investi, va vivre une année scolaire mouvementée et perdre ses grandes illusions sur son métier et l'institution. C'est avec beaucoup d'humour que l'auteur passe en revue tous les excès de cette grande maison dont le pédagogisme à outrance, allant jusqu'au ridicule. On ressort de cette lecture un peu déboussolé, l'impression d'avoir lu une grande farce avec des personnages caricaturés à souhait. Cependant de nombreux thèmes sont abordés, la bien-pensance, les excès du féminisme, la culture, pronant un retour à la lecture pour les élèves des grands auteurs classiques afin de développer leur propension à penser et à réfléchir par eux-mêmes.
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Avec ce roman, je découvre que l'auteur est comme son héros professeur de lettres modernes en lycée.

Après avoir travaillé dans l'administration d'un petite commune, Bruno Giboire connaît une révélation : il vaut devenir enseignant! le lecteur le découvre à l'aube de sa première rentrée si attendue au lycée Malraux à Nantes (établissement fictif, j'ai vérifié). Naïf, bourré d'illusions, ses premiers pas le satisfont, surtout qu'il se lie avec une jeune collègue pour de grandes envolées pédagogiques. le jargon, accessible à tous, est désopilant. Bruno va jusqu'à offrir un portrait de Philippe M, mais il ignore les signaux de Nadège, qui aimerait aller plus loin que la préparation de fiches.

En cours d'année, ne voilà-t-il pas qu'il est question de vendre une statuette khmère donnée à l'époque par André Malraux, histoire que les élèves profitent de la manne dans un atelier pédagogique et citoyen. Les professeurs se scindent en deux groupes, l'un d'eux allant jusqu'à tester un produit destiné à faire changer d'avis les adversaires. Au grand amusement du lecteur, les résultats sont inattendus.

Et Bruno? Divers événements le conduisent à un accès d'amour de la littérature, jusqu'ici considérée comme quasi inutile pour ses élèves. Il n'est pas un mauvais professeur, n'hésitant pas à user des techniques prônées par l'institution, même la suggestion de son inspecteur, il l'accepte. Je n'en dis pas plus.

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"Tout le monde s'intéressait peu ou prou à l'enseignement, que l'on soit le parent d'un élève, le mari d'une institutrice ou le voisin d'un professeur d'espagnol. de surcroît, personne n'avait échappé à de longues années de scolarité, expérience qui autorisait n'import qui à donner son avis sur la question éducative."
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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