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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quand on a eu comme moi, l'audace d'emprunter à Crébillon une partie du titre de son beau roman pour en couronner ses propres écrits, le moins que je puisse faire c'est de publier une chronique pour témoigner de mon admiration pour cet auteur phare du 18ème siècle qui a enchanté ses contemporains et continue à illustrer à travers les siècles, l'esprit français dans toute son élégance.
C'est bien une comédie sociale qu'il nous livre à travers les mésaventures du jeune Meilcour qui découvre les tourments du coeur et les incertitudes de l'amour à travers ses relations avec trois femmes.
Mme de Lursay, l'amie de sa mère, belle femme mûre et expérimentée qu'il admire et rêve de séduire alors que celle-ci lutte contre le tendre attachement qu'il lui inspire.
Mme de Sénanges, la voluptueuse coquine qui vit pour les plaisirs de l'amour et ne dédaignerait pas d'ajouter à son tableau de chasse ce joli jeune homme
Enfin la belle Hortense, mystérieuse et inaccessible qui enflamme les sens de notre héros par son indifférence.
C'est bien la maxime: suis-moi, je te fuis, fuis-moi, je te suis qui est ici illustrée avec un raffinement extraordinaire, porté par la merveilleuse langue du 18ème siècle qui berce son lecteur et le laisse imaginer qu'il lit, pelotonné dans une vaste bergère douillette aux moelleux coussins de satin.
Le monde révolutionnaire est encore loin et c'est la douceur de vivre d'une aristocratie oisive qui donne le ton au récit.
Toutefois, il ne faut pas être dupe des apparences et Versac, le mondain aguerri qui se pique de donner au jeune Meilcour de judicieux conseils pour se frayer un chemin dans le monde, traduit dans son discours le regard sans concession que porte Crebillon sur la socièté de son temps dans laquelle "le coeur et l'esprit sont forcés de s'y gâter, tout y est mode et affectation ".
Nous voici dans le royaume de l'imposture, de la dissimulation et du paraître, là où triomphe "l'esprit frivole et méchant, le discours entortillé".
Mais qui a dit que ce monde est tellement éloigné du nôtre et qu'il est impossible de s'y reconnaître et de s'y projeter ?
Regardez autour de vous. La nature humaine reste diablement identique et au détour d'un cocktail mondain , vous aurez certainement la surprise de croiser Versac qui aura troqué son jabot de dentelles et son habit de soie, pour un costume Hugo Boss. Ne manquez pas de le saluer de ma part ...
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un petit chef d'oeuvre ! je me souviendrai longtemps de mon exposé en fac de lettres sur "l'ironie et l'humour" dans ce délicieux ouvrage de Crébillon fils - j'y ai contracté pour toujours l'amour de l'esprit du XVIIIè siècle, tout en finesse et subtilité, avant la Révolution !
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Un souvenir délicieux de ce roman qui nous entraine sans nous le dire dans le milieu très clos du libertinage de l'esprit et des moeurs. Des personnages hilarants, insupportables et pourtant terriblement attachants. Un monde du codes et des conventions, un monde du masques qui, selon moi, ressemble étonnamment à la société moderne.
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Les Égarements du coeur et de l'esprit/Claude Prosper Jolyot de Crébillon dit Crébillon fils (1707-1777)
Quand le coeur partage enfin le désordre de l'esprit.
Crébillon fils est le fils de l'auteur tragique Prosper Jolyot de Crébillon (1674-1762) dit Crébillon père, élu membre de l'Académie Française en 1737.
Orphelin à l'âge de quatre ans, il fit de brillantes études au collège Louis le Grand.
Amateur de bonne chère et de femmes, fréquentant les esprits libres il sacrifie à la mode du persiflage qui sévit à l'époque.
Il fut emprisonné pour son activité politique, mais grâce à ses relations, il ne resta que huit jours dans les geôles de Vincennes. Plus tard il fut exilé hors de Paris en raison de la publication de « le Sopha » roman jugé immoral. Esprit frondeur, il devint cependant censeur royal à la suite de son père, charge qu'il exerça avec beaucoup de laxisme.
Les « Égarements », livre paru en 1736, son roman le plus connu, valut à Crébillon une réputation totalement usurpée d'écrivain licencieux et grivois. Longtemps demeuré au purgatoire des bibliothèques, si ce n'est à l'enfer, car accusé de vanter les marivaudages scabreux sinon graveleux d'une société que Crébillon fréquentait, ce n'est qu'en 1951 que fût réédité ce livre qui célèbre en fait l'amour tout simplement, l'amour fou. Comme dit la marquise de M*, « aimer follement, c'est aimer une fois pour toutes, avec le corps, le coeur et l'esprit rassemblés, c'est aimer à mourir. »
Chez Crébillon, les institutions sont jugées trop sérieuses : Dans un autre roman (L'Écumoire), ne disait-il pas : « Avant de se lier pour la vie, ne conviendrait-il pas que les futurs conjoints eussent l'expérience de la vie charnelle, et de préférence avec un autre partenaire ? » le ton est donné pour la suite…
Ce qui caractérise les écrits de Crébillon et qui a gêné les censeurs grognons comme disait René Étiemble, c'est qu'on n'y traite jamais que de l'amour, de l'amour sous toutes ses formes : l'amour fou et l'amour goût, l‘amour vénal et l'amour désintéressé, les débauches de la femme frigide et les exploits des amants inspirés.
Crébillon voulait peindre l'aristocratie de son époque.
Il écrit :
« Que laissait aux gens d'épée, quand par hasard elle régnait, la paix ? Rompus au siège des places fortes, que faire pour eux en temps de paix, qu'assiéger et forcer les belles qui se voulaient destinées aux fantaisies des guerriers ».
Crébillon refuse les préjugés bourgeois et préfère préciser les différentes nuances et surtout les moins banales, du désir et du sentiment. Sans aucune vulgarité il décrit la vie charnelle :
« On se plaît, on se prend. S'ennuie-t-on l'un avec l'autre, on se quitte avec tout aussi peu de cérémonie que l'on s'est pris. Revient-on à se plaire ? On se reprend avec autant de vivacité que si c'était la première fois qu'on s'engageait ensemble. On se quitte encore et jamais on ne se brouille… » C'était un siècle où l'on allait vite en besogne dans une certaine société.
Les Égarements sont les mémoires de M. de Meilcour, écrites dans un style parfait et d'une grande élégance, une langue précise pour évoquer des personnages assez sympathiques, beaux en général, intelligents et spirituels, aimant le dialogue courtois qu'ils manient avec habileté et finesse.
M. de Meilcour quoique ayant reçu une éducation modeste est un jeune homme de savoir-vivre, ne se mésestimant pas, et avide de tous les plaisirs ; il n'hésite pas à dire :
« J'étais naturellement porté à m'estimer ce que je valais ; et il est ordinaire, lorsque l'on pense ainsi, de s'estimer plus qu'on ne vaut…L'idée du plaisir fut, à mon entrée dans le monde, la seule qui m'occupa…J'avais des passions impétueuses, ou pour parler plus juste, j'avais l'imagination ardente et facile à se laisser frapper. »
Pour lui, seul le commerce des femmes peut dissiper l'ennui et, volage, il confie que les sentiments que l'une lui inspirait étaient détruits le moment d'après par ceux qu'une autre faisait naître.
La Marquise de Lursay sera sa première conquête, une femme belle, veuve d'une beauté majestueuse, grande et bien faite, sans coquetterie outrancière, nonchalante avec grâce pour séduire.
Mais Meilcour doit se méfier car pour la Marquise, le mérite de s'attacher un amant pour toujours ne vaut pas à ses yeux celui d'en enchaîner plusieurs, et elle songe moins à l'objet qui la possède qu'à celui qu'elle voudrait qui la possédât. Toujours en attente du plaisir sans en jouir jamais, car elle se donne un amant moins parce qu'elle le trouve aimable que pour prouver qu'elle l'est.
« Souvent elle ne connaît pas mieux celui qu'elle quitte que celui qui lui succède. »
Le jeune Meilcour ne connaît pas encore bien les usages et se fait quelque peu manipuler par l'habile Marquise que son ignorance charme au plus haut point.
Une belle inconnue vint à passer et devant la résistance coquette et la vertu rigide de la Marquise, notre jeune homme hésite et se désespère et ne croyant pas, après avoir beaucoup rêvé, l'amener jamais au but qu'il se proposait, il se fixa enfin à l'objet nouveau qui lui plaisait davantage.
M. de Meilcour ignore sans doute que l'amour dans un coeur vertueux se masque longtemps et impatient il retourne auprès de Mme de Lursay qui flattée devant son insistance pour qu'elle lui avoue qu'elle l'aime, lui répond :
« Quand je vous aurai dit que je vous aime, j'en serai malheureuse, et je vous en verrai moins amoureux. Je ne veux rien vous dire, devinez-moi si vous pouvez. »
En cette époque du XVIIIé siècle, faire la cour est tout un art avec ses règles, ses hypocrisies et ses jeux de dames. le jeune M. de Meilcour a encore beaucoup à apprendre, quelque fougueux et passionné qu'il soit. Mais peu à peu il apprend au contact de Versac son concurrent auprès des femmes fréquentant le salon de Mme de Lursay et avec cynisme n'hésite pas à dire :
« Nous étions seuls, elle était belle, et je la savais sensible. Elle ne m'inspirait plus ni passion ni respect : je ne la craignais plus, mais je ne l'en désirai que davantage… Pour ce que je souhaitais d'elle, il importait assez peu que je l'estimasse. »
Badinages, liaisons fugaces et raccommodements se succèdent comme pour faire passer le temps à cette noblesse désoeuvrée.
Mme de Lursay se confie un soir à M.de Meilcour et lui avoue cet amour qu'elle a toujours dissimulé. Elle lui donne quelques conseils très simples, elle aussi, pour l'avenir :
« Soyez constant, mais que ce ne soit que pour être toujours heureux. »
Lors de la dernière soirée, celle des aveux, Meilcour qui n'avait rien compris écrit :
« Je la louais sur ses charmes, plus je m'en occupais, moins elle osait se flatter de leur pouvoir sur moi…Dérobé aux plaisirs par les remords, arraché aux remords par les plaisirs, je ne pouvais pas être sûr de moi-même. »
C'est Mme de Lursay qui aura peut-être le dernier mot et qui semble en tout cas bien mener la danse de la séduction.
Un ouvrage délicieux de préciosité.
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