Vík

Le silence est vraiment la langue maternelle de cette maison,

1918 avait été marquée par un autre événement : la grippe espagnole, qui avait fait des centaines de morts plus tard dans l'année.

Elle ne semblait pas lui en vouloir le moins du monde d’avoir coffré son mari la veille de Noël, les menottes aux poignets ou presque.

– Elle s’appelait Ásta Káradóttir. Trente-trois ans. Orpheline.
Ari Thór sursauta. Orpheline. Dirait-on ça de lui à sa mort ?
« La victime a été identifiée. Il s’agit d’Ari Thór Arason. Vingt-huit ans. Orphelin. »

Elle reconnaissait l’odeur de la pièce, ce parfum à la fois familier et insaisissable qui imprégnait la maison. Étonnant de voir à quel point les odeurs peuvent rappeler des souvenirs longtemps enfouis…

EXTRAITS
P 162 Elle recevrait d’Oskar un cadeau de Noël : un livre comme d’habitude. Ils respectaient tous les deux cette vieille tradition islandaise d’échanger un livre à Noël. Elle a choisi pour lui une biographie, qu’elle avait déjà emballée dans un papier cadeau rouge vif entouré d’un ruban.

P 201
Ari Thòr s’approcha du bord avec prudence. Même si la neige rendait la pierre glissante, il saurait garder son équilibre. Il avait déjà vu de plus hautes falaises, mais cette fois l’à-pic était impressionnant, il tremblait de voir ce qui attendait le malheureux qui trébucherait… Les arêtes vives des colonnes de basalte, les rochers le long du rivage, la mer sombre. Le vent glacé venu du nord se chargea de rappeler à Ari Thòr où il se trouvait : A la lisière du monde habitable.

P 207
C’était un bien curieux endroit pour un entretien mais après tout, rien dans cette enquête menée une veille de Noël aux confins de l’Islande du Nord n’était normal.

Le vent glacé venu du nord se chargea de rappeler à Ari Thór où il se trouvait : à la lisière du monde habitable.

- Regarde mon garçon, dit Tómas en sortant de la voiture, le doigt pointé vers la baie. Des colonnes de basalte. Quel paysage extraordinaire ! C’est magique, tu ne trouves pas ? Comme si des trolls s’étaient amusés à faire de la poterie avec le paysage.

Elle s'éloigna de la maison pour plonger dans l'obscurité. Elle marchait à pas lents, non pas à cause de la neige mais sous le poids des souvenirs. Elle aspira une bouffée d'air glacé qui lui remémora ces nuits passées au grenier, quand les cris des mouettes et le grondement des vagues la tenaient éveillée. En réalité, le bruit de la mer n'était pas seulement une réminiscence, mais plutôt une présence incontournable qui cherchait maintenant à couvrir le rugissement du vent.
Retourner sur les traces du passé, n'était-ce pas tenter le destin ?

Il avait hâte d'en finir, d'oublier Ásta, son portrait, son sourire, au moins jusqu'au lendemain. Ils avaient trop de points communs tous les deux. Il partageait sa douleur, il aurait aimé pourvoir la rencontrer, la consoler, lui dire qu'il était possible de guérir du passé- de s'affranchir de ses parents - d'aller plus loin, de faire mieux et de vivre plus longtemps qu'eux.