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sur 1179 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Serge Joncour, dans la lignée des écrivains américains « nature writers », voue un culte aux grands espaces sauvages, à ces hectares de verdure, peuplé de bestioles.
Il campe son décor dans son fief de prédilection, le Lot, et revisite l'Histoire du village d'Orcières, « au fin fond des collines escarpées du causse », « au coeur du triangle noir du Quercy », village ancré dans la légende et les superstitions.
On navigue par alternance entre deux époques ( 1914/2017)

Le chapitre d'ouverture traversé par un hourvari nocturne tonitruant, cet été 1914, interpelle : hommes mobilisés, animaux réquisitionnés, les femmes au labeur, la peur.
Le Mont d'Orcières devient le repaire d'un dompteur et de ses fauves, le théâtre d'une histoire d'amour fusionnelle et d'une tragédie que l'auteur ressuscite.

En 2017, un couple de Parisiens vient y passer son été. Gîte paumé, sans Wi-Fi, sans télé, confort spartiate, accès difficile. Mais « un pur émerveillement » saisit les vacanciers à l'arrivée. « Un parfait éblouissement ». Cette vue panoramique depuis la clairière les ravit. Idéal pour se déconnecter et rebooster sa créativité.
Le silence qui prévaut dans cette maison contraste avec la sarabande d‘un monde nocturne, peuplé de bestioles qui regorgent de vitalité, ce qui alarme d’autant plus Franck, l’insomniaque, surtout qu’un soir il avise une bête « deux lueurs jaunes, deux yeux effilés phosphorescents ». Auraient-ils des loups comme voisins ? La peur va atteindre son paroxysme.

Si Lise s'adapte, son mari Franck, producteur, à la merci d'associés prédateurs, est pris de panique à l'idée de ne pas pouvoir rester en contact avec eux. D'où ses échappées à la ville, ses haltes au café. Au marché, il croise un boucher fascinant dont l'étal regorge de « barbaque » et lui donne l'envie de renouer avec la viande.

L'irruption d'un Chien-Loup errant, sans collier, change la vie du couple. L'auteur met l'accent sur la dualité de ce molosse ( féroce ,buté/ docile, affectueux) et des animaux en général : «  Dans l'animal le plus tendre dort toute une forêt d'instincts ».

Serge Joncour, en connaisseur de la gent canine, décrypte avec acuité toutes les réactions de ce Chien-Loup vagabond, selon les lieux. Il questionne la cohabitation hommes/animaux dans la nature et les rapports dominant/dominé, maître/nourriture.
«  Être maître d'un animal, c'est devenir Dieu pour lui. Mais avant tout c'est lui assurer sa substance, sans quoi il redeviendrait sauvage... »
On est témoin de la façon dont Franck l'amadoue progressivement, lui parle, fraternise, gagne sa confiance et tisse une complicité, une amitié hors normes, très touchantes. Scènes cocasses entre Franck et Alpha quand il le nourrit, joue avec lui.

Lors d'une randonnée dans ce maquis insondable, jusqu' à une igue, ils font une découverte majeure, insolite, point de convergence de l'intrigue. Vestige et relent d'un passé maléfique sur lequel les villageois sont peu diserts, entretenant ainsi le mystère par leurs sous-entendus et leurs méfiances.

L'auteur nous dévoile les coulisses du métier, non pas d'écrivain, mais de producteur, devant résister à ses associés, « des jeunes loups » prêts à pactiser avec Netflix et Amazon. Serge Joncour, dont certains romans sont adaptés à l'écran, pointe en connaissance de cause les dangers de ces monstres, « à l'appétit sans limite », clame sa défiance contre ces «  géants du numérique » et déplore « qu'ils ne payent pas d'impôts ».
Une phrase retient l'attention et préfigure le plan machiavélique en germe de Franck contre ses « charognards », ses voraces prédateurs : «  Il se sentait prêt à réveiller en lui cette part de violence qu'il faut pour se défendre, mais surtout pour attaquer, et ce chien mieux que personne lui disait de le faire ».

Le récit s'accélère. Pourquoi ce deal avec les braconniers ? Franck va-t-il accepter les conditions de ses «  enfoirés » d'associés ? Pourquoi les fait-il venir ? Pourquoi s'est-il muni de cordes?
Le suspense grandit. La tension va crescendo et tient le lecteur en haleine. Les éléments se déchaînent, furie du ciel (orage, grêlons).

Le romancier révèle, une fois de plus, ses multiples talents tous aussi remarquables : portraitiste, peintre paysagiste, scénariste, entomologistes des coeurs et des corps( déclinés dans tous leurs états!), contempteur de son époque. Sans oublier le zeste d'humour. Du grand Joncour !

Il sait créer des atmosphères et nous offre  « un roman en relief »,« en trois dimensions »( expressions de l'auteur), à ciel ouvert, sensoriel et tactile. Il excelle à nous faire :saliver avec « un magma odorant », celui d'« un sauté d'agneau », ou l'odeur croustillante d'un poulet grillé, sentir le parfum des gardénias, l'odeur de jasmin émanant de Joséphine, entendre une litanie de bruits, des plus ténus aux plus stridents, et même ressentir tantôt la chaleur, tantôt la fraîcheur.

On assiste à une étonnante métamorphose de Franck, qui après avoir apprivoisé les lieux, se sent en totale osmose avec cette nature sauvage. Elle opère sur lui comme un baume. « Il y a des décors qui vous façonnent, vous changent ».
Les voilà, comme Bobin, contemplatifs devant les nuages, en pleine béatitude, scellant cette harmonie par le contact physique, dans une bulle de tendresse.

Serge Joncour nous offre une totale immersion «  into the wild » et signe un hymne à la nature sauvage et aux animaux.Il rend hommage aux femmes si laborieuses en 1914. Il met en exergue l'intelligence d'Alpha, « ce cerbère à la dévotion totale », devenu un «  allié », un geôlier.
CHIEN-LOUP, alias Bambi, aux « pupilles phosphorescentes », irradie !

A votre tour de dévorer cet ouvrage que je qualifierai de «  L'Alpha et Oméga » Joncourien, canin, félin, lupin… DIVIN ! Un merveilleux cocktail d'Histoire, de sauvagerie, de drôlerie, avec une once de folie et de poésie !
Ne craignez pas les ronces, les griffes, les feulements, les hululements.
Un roman touffu, sonore, foudroyant, vertigineux, détonant, démoniaque qui se hume, s'écoute, se déguste avec délectation, qui décalamine le cerveau et embrase le coeur ! Une écriture cinématographique virtuose. Le must de la rentrée.
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une maison perchée seule au sommet des collines est l'écrin de ce précieux roman. A un siècle d'intervalle elle abrite les amours, les déchirements et les vies de ceux qui croisent sa route.
Joséphine, veuve de guerre, Wolfgang, dompteur de fauves allemand, retrouvent la beauté au coeur de la guerre.
Lise, actrice à la retraite, et Franck, businessman suractif, s'épanouissent au contact de cette nature sauvage et séductrice.

Prendre le temps de se reconquérir au contact de ce qu'il y a de plus primaire en nous grâce à la bestialité des fauves, à la sauvagerie d'un chien loup.
Roman farouche à l'écriture envoûtante, Serge Joncour nous transporte au plus profond de nous-même.
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Chien-loup! Comme deux métamorphoses,
une femme qui à la mort de son mari médecin défie la PEuR de l'étranger,
un homme qui grâce à Chien-loup défie la PEuR des empires du numérique,
La Nature nous invite à cette renaissance.
Fantastique Chien-Loup, "Chien-Loup" renoue avec les grands romans d'aventure, ceux de Jack London ou ceux de Jules Vernes, Serge Joncour nous offre avec ce récit une impressionnante fresque historique, où le présent paisible de Lise et de Franck, se heurte à une nature redevenue sauvage.

Serge Joncour à l'ombre de Jean Giono, et la trilogie de Pan, suggèrent une nouvelle approche féconde de son dernier livre et de l'univers de Serge Joncour.
je vous l'offre, publié sur
https://revue-traversees.com/2019/01/29/12279/




A l'heure du tout numérique, cette confrontation à une nature la plus déglinguée est un pied de nez à l'obscurantisme, une provocation toute Desprogienne à l'adresse de Google, ou autres Amazon, un tweet rageur sur la vie, la vraie, les deux pieds dans la glaise.


Dès les premières pages on frémit, "jamais on avait entendu beugler comme ça", ! On sent l'animal Serge Joncour s'exprimer, il n'y a que lui pour vociférer sa haine de la mauvaise foi, clamer le respect la nature, celle que l'on ne doit ni oublier, ni déguiser, ni dédaigner.
On ne pourra plus écrire sur la nature sans se référer à ce récit, comme à celui de Jean Hegland « dans la Forêt », l'homme reste ce qu'il a toujours été vulnérable.


En arrière plan, Serge Joncour déroule l'histoire de la grande guerre à Orcières, petit village de son Quercy près de Limogne, à un siècle de distance, ce sont les mêmes peurs, les mêmes défiances vis à vis de l'étranger.
Au mont d'Orcières séjourne à la déclaration de la guerre un dompteur de fauves, il est allemand. Des moutons disparaissent, tout le village est gagné par la peur, une peur qui enfle jusqu'aux dernières secousses, jusqu'au derniers dénouements les plus dramatiques.
Il est rare de passer au scalpel ce que l'on nomme la peur...
Elle est mauvaise conseillère, la PEUR. Une femme la brave c'est Joséphine, une femme, une des premières veuves de la grande guerre, qui à la mort de son mari médecin défie la PEUR de l'étranger. C'est l'une des qualités de ce roman, l'une de ses multiples entrées. Serge Joncour se mouille, rentre dans la cage des fauves, avec ses tripes, et à l'égard de ses associés "je voulais voir votre peur dans vos yeux , y voir la trouille de votre vie."
Çà, çà vous trempe dans le bonheur pour dix ans.


Renouer avec la vie sauvage n'est pas sans rappeler l'appel de la forêt. On lit page 9, : "Les anciens eux-mêmes ne déchiffrèrent pas tout de suite ce hourvari, à croire que les bois d'en haut étaient le siège d'un furieux Sabbat, une rixe barbare dont tous les acteurs seraient venus vers eux. Ou alors c'était le requiem des loups parce que les loups modulent entre les graves et les aigus, en meute ils vocalisent sur tous les tons pour faire croire qu'ils sont dix fois plus nombreux."

Il y a le Franck des premières pages qui s'accroche à son smart-phone comme une bernique à son rocher, même pas une barre, rugit-il page 75, « ça capte nulle part c'est de la folie ».
le grand producteur toujours reconnu par la profession, est prêt à défier Netflix, et tous les autres, « les géants du numérique, des monstres », car autour de lui les charognards s'agitaient, à commencer par ses associés Travis et Liem, ce dernier qui page 313, lui lança, "le cerveau c'est comme l'iphone, il faut faire les mises à jour."

Et il y a l'autre Franck le double de Serge Joncour, qui au contact du chien-loup se métamorphose, entreprend une mue, écoute les silences peuplés de bruits, se fait chasseur, peu à peu oublie sa peur dans cet espace à l'écart, livre bataille, engage la lutte contre Neflix à sa façon, sa lucidité s'est mise en marche.

Arrivé cloué par la peur dans ce Quercy déserté depuis la grande guerre, Franck privé de tous contacts, concède une pause de trois semaines à Lise qui elle a déjà renoncé aux fastes de l'éphémère et du virtuel. Franck devenu l'unique présence humaine à cent lieux de tout, va réapprendre à vivre, dominer ses peurs au contact du chien-loup, animal farouche, fidèle et un peu buté, mais plein de tendresse et de reconnaissance pour l'homme qui voudra bien l'adopter.

La phrase assassine de Travis, "t'aurais des gosses, tu pigerais", ronge chacun de ses instants, sa prise de conscience de la vraie nature du numérique, sa perception nouvelle de la violence du monde du cinéma, et de ses dangers mûrit sa vengeance.


Pour Serge Joncour le virtuel est devenu fou, son livre vient nous le dire, aucune violence même animale est capable d'engendrer de tels monstres!
Tendresse et humour viennent jouer avec notre plaisir de déguster ses bons mots et livrer son roman le plus abouti, mais aussi, le plus sauvage de ses romans, l'écriture la plus charnelle, l'expression de ses tripes la plus personnelle.
Une évocation aussi surprenante que réelle de la grande guerre, en fait le livre événement de cette rentrée littéraire. Tout Serge Joncour est là, sa voix noie ses pages de ses intonations qui nous font sourire tant elles sont si justes.

-Putain, mais où est ce que tu nous amènes, dans un trou ou quoi?
-Ben non, tu vois bien qu'on monte... C'est tout le contraire d'un trou. Page 408.
Merci à masse critique à Serge Joncour et à son éditeur Flammarion pour ce "Chien-Loup".

https://revue-traversees.com/a-propos/
Analyse de Chien-Loup à l'ombre de Jean Giono
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Pour ma centième lecture de l'année, j'espérais bien trouver un bon roman.Et voilà que "Chien-loup"se présente sur "la ligne de départ "Bon, il faut dire que Joncour, je connais un peu et j'apprécie . Ajoutons l'avis très positif de ma libraire et je me dis que, normalement, cette centième ne devrait pas trop mal se passer.
Là , au moment où je vous parle, je viens de tourner la 475e et dernière page et je suis tout simplement sous le charme, ravi de mon choix. Je crois avoir découvert là le meilleur des Joncour, un livre qui restera dans ma mémoire et, en tout cas, l'un des tous meilleurs lus cette année.
Bon, comme je le disais, je lis Joncour alors son style, sa maîtrise de la langue, son vocabulaire recherché sans être prétentieux ou élitiste, je les ai retrouvés avec plaisir.
Ensuite, il y a ce merveilleux décor lotois, ce décor paradisiaque, édenique, propice à la paix, à l'amour , aux légendes . Décor merveilleux aussi pour sa difficulté à y accéder, y pénétrer, ce lieu plein de non-dits et de mystères. Ce lieu, seuls des initiés ,des élus en quelque sorte, peuvent espérer s'y sentir bien, accéder au bonheur. On se plaît à imaginer sous la plume de Joncour, la petite maison entourée d'une nature âpre mais généreuse et luxuriante bien que souvent hostile, regorgeant de trésors du passé.
Et dans un tel lieu, bien sûr, une faune d'une incroyable diversité, bénéficiant de l'absence de vie humaine et profitant de ce cadre idyllique pour proliférer .
C'est là que Lise , extraordinaire personnage ayant compris la fragilité des relations humaines et l'hypocrisie de ses contemporains a décidé de passer trois semaines de vacances, au grand dam de Franck, son mari, surbooké par son travail et bien peu enthousiaste à l'idée de quitter la vie citadine pour un séjour dans un lieu où "le portable ne passe pas". Du reste, c'est surtout ce personnage qui va occuper l'espace, Lise ayant, elle, trouvé ses marques dès ses premières heures passées" là haut"dans cet endroit où , en 1914....
Je n'en dirai pas plus mais, vraiment, si vous aimez la nature, si la vie moderne vous pèse , si vous aimeriez revenir à des valeurs plus reposantes, si vous aimez les histoires mystérieuses, les belles histoires d'amour pleines de pudeur, si vous pensez que, dans la vie, il y a toutes sortes de gens, des sincères et des pleutres ou encore des jaloux, alors, ce livre est fait pour vous. Encore plus si vous pensez que ces petits lieux merveilleux existent bel et bien et qu'on peut s'y reposer quand le "trop" nous submerge .
L'art de Joncour est de nous tenir sans arrêt en haleine dans deux belles histoires parallèles distantes d'un siècle et il serait absurde de vouloir détailler les nombreux thèmes abordés.
C'est un livre de grande et belle facture, à mon avis, un livre à ne pas laisser passer, ce serait dommage. Enfin, un dernier conseil: n'ayez pas peur d'Alpha, alias Bambi mais...ne vous sentez pas en pays conquis avec lui non plus.... Je vous le répète, dans ce bouquin, il faut mériter "sa pitance". Allez, bonne lecture, je sais que vous allez aimer!!!
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Quelle écriture ! Dense, sensuelle, charnelle...un vrai bonheur ! J'ai été bercée tout au long de ma lecture par cette nature omniprésente, sauvage, Intense : un veritable personnage à part entière. Les autres héros ne sont pas en reste et nous entraînent dans un récit passionnant au suspense savamment maîtrisé (l'angoisse monte au fil des pages) et à la conclusion habile. Serge Joncour est vraiment une valeur sûre de la littérature française.
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Si vous aimez les livres où la nature sauvage reprend ses droits, où les animaux règnent en maîtres et en proies selon la loi de la nature, où les humains, de chiens deviennent loups, alors ce livre est pour vous.

Alternant les chapîtres sur 100 ans d'écart, il met en parallèle les émois de la première guerre mondiale et le dur labeur des femmes privées d'hommes et l'année 2017 avec ses êtres qui se pensent domestiqués mais recèlent toujours cette part de sauvagerie tapie au fond d'eux-mêmes et qui ne demande parfois que peu de choses pour se réveiller.

Vous tomberez amoureux de "Alpha" alias "Bambi", le merveilleux chien-loup dont la représentation mi-domestiqué, mi-sauvage, résume le caractère de l'être humain, la nature de la vie tout court.

Et vous vivrez en prime une belle histoire d'amour !

Un livre remarquable doué de sensibilité, d'une bonne dose de philosophie et d'un amour immodéré de la nature ! Il y a quelque chose qui rend heureux dans ce livre et va à la recherche de notre côté primitif enfoui quelque part sous des siècles de "civilisation".

A lire et relire sans modération !
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Ordre de mobilisation générale de tous vos sens.
Ne pas révéler, ressentir. Ne pas récapituler, renifler.
Chaque phrase est une histoire qui prête à réflexion, complexe, sauvage.
Lire, au-delà des pages, dans les yeux du chien-loup.

S'immerger entre les chapitres de la grande guerre d'avant et de la petite paix d'aujourd'hui.
Apprivoiser ce livre qui pullule de bêtes féroces et d'hommes bêtes de férocité.
S'adapter avec Lise et Franck en milieu hostile entre Périgord noir et Quercy profond que Lise a choisi comme villégiature toujours inaccessible et indomptée en 2017.
Lise, instantanément comme un poisson dans l'eau dans cette mer végétale agitée à contrario de Franck, énervé comme un lion en cage de Faraday, portable coupé, inimaginable pour ce producteur, toujours sur le qui vive, en délicatesse avec ses associés Liem et Travis.

Être hypnotisé par ce déserteur allemand, dompteur de fauves, implanté en 1914 dans cet impénétrable Orcières afin de protéger ses rugissants restes circassiens. Huit lions.
Faire la connaissance de Joséphine, douce et dévouée pour son entourage, en manque d'étreintes et plus essentiel, de caresses.
Percevoir les souffrances des femmes restées seules, sans hommes tous mobilisés, sans animaux tous réquisitionnés, à s'épuiser dans des travaux agricoles tarissant leur corps tout autant que l'absence de leur compagnon.

Serge Joncour, au travers de ses personnages tisse des intrigues fortes et nous offre un ouvrage dense aux phrases ardentes, percutantes qui se plantent dans votre tête comme les crocs d'une meute de loups dans les flancs de l'agneau. Ça sent la terre et le sang.

Bruts, primitifs, originels, ce sont les animaux en fait qui ont la place prépondérante, ce sont eux qui occupent l'espace et le temps et dirigent la structure romanesque : Lions, sangliers, brebis, chiens, chevreuils, cerfs, renards, loups. Tous contribuent au vacarme général, ininterrompu, assourdissant.
Ces animaux sont aux services des hommes comme les hommes sont à leurs services.

Goutez à l'analyse des caractères finement brossée, où certains se heurtent à leur démon là où d'autres lâchent prises.
Appréciez toutes les facettes d'une émotion, d'une situation passée au crible, rien n'échappe à la pertinence de l'auteur pour nous offrir toute la subtilité de ces créatures humaines ou animales.

Avec ce roman, que vous soyez végétariens ou carnivores, citadins ou ruraux, chasseur ou non, attention vous serez souvent en tension.
Alors…Appuyer sur « pause », coupez vous de « tout », pour un jour ou peut-être une nuit.
Pour la vie ?

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L'homme est un loup pour l'homme. Il en faut parfois peu pour que la violence le gagne et lui fasse perdre raison, pour que la bestialité prenne le dessus.
Et on sent, dès les premières pages, que ces terres perdues au fond du Lot, coupées du monde, vont être le décor idéal pour laisser à la sauvagerie toute latitude.
Elle va d'abord se matérialiser par l'apparition d'un chien sauvage, sans collier et sans maître, qui traîne aux abords de la maison, puis se dessiner dans le souvenir de ces fauves d'un cirque réfugiés sur la colline avec leur dresseur et enfin, éclater dans la rancoeur de Franck envers ses jeunes associés.
L'homme est tour à tour un "jeune loup" conquérant, un boucher, un chasseur, un geôlier...
Et les femmes ? Elles apparaissent comme les seules capables de lutter contre la part animale et brutale des hommes, communiant avec la nature, s'adaptant à cet environnement hostile (Lise), ou composant avec la sensualité et la mort (Joséphine), tempérant la colère et la cruauté.
La superposition des deux époques de narration (la guerre de 14-18 / notre époque) multiplie les parallèles, développe le thème de la sauvagerie en miroir.
Serge Joncour montre ici à quel point il est dans son élément, jonglant entre situations tendues et humour, entretenant le suspens au milieu d'une nature tantôt créatrice de paix, tantôt génératrice d'angoisse. Ça bruisse, c'est dense, inquiétant, c'est, d'une certaine manière, une autre forme de sauvagerie.
J'aurais pu lire 100 pages de plus tant ce nouveau roman m'a séduite, tant dans sa narration, riche et savoureuse, que pour cette histoire que j'ai aimé !
Une parfait réussite !
Merci aux Editions Flammarion et à Babelio pour cette lecture en avant-première !
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Je suis encore sous le charme (et sous le choc) de ce fabuleux roman. Une histoire en deux époques pour un même lieu. Un roman de retour à la nature, en quelque sorte. Mais la nature, si d'aucuns l'imaginent douce et paisible, ce n'est pas le cas de notre auteur qui nous entraîne dans une histoire de sauvagerie animale et, pire, humaine.
Orcières 1914-1917 : Les hommes ont déserté le village, envoyés à la boucherie des tranchées. Restent les femmes et les enfants, les invalides, et un dompteur allemand installé sur les hauteurs avec ses fauves. Cris dans la nuit, disparitions de brebis, les pires rumeurs se propagent.
Même lieu, un siècle plus tard : un couple travaillant dans le cinéma, en baisse de régime, passe ses vacances dans un mas isolé, coupé de tout réseau. Elle en rêvait, il subit… Jusqu'à l'apparition d'un mystérieux chien-loup.
De cette histoire aux relents de légende, Serge Joncour fait un véritable suspense qui tient en haleine jusqu'au bout, et qui tient toutes ses promesses. J'ai adoré !

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Chien-Loup.
Animal ami de l'homme ou prédateur ?
« Cette ambiguïté fondatrice [...]. Dans la vie il ne s'agit pas d'être le bon ou le méchant, tout comme dans les affaires il ne s'agit pas de prêter le flanc ou de mordre, il convient plutôt de toujours maîtriser les deux registres, en fonction des circonstances. Tout animal est fondé sur cette ambivalence. »
Et tout homme, par définition...

Voilà qui résume parfaitement l'esprit de cet ouvrage qui invite à réfléchir sur l'homme, l'animal, leurs rapports - domination/soumission, complicité...
Sujets qui font écho à des préoccupations écologiques qui déchaînent les passions depuis quelque temps : chasse, condition animale, végétarisme et veganisme, respect de la nature en général.
Mais aussi aux guerres de territoire, aux frontières farouchement gardées, à la peur de l'autre, de l'étranger (bouc émissaire vite trouvé).

Serge Joncour nous raconte ici deux histoires, distantes d'un siècle mais évidemment liées, notamment par un lieu : les Orcières.
Monde sauvage, isolé, troublant, aussi préservé et apaisant que terrifiant. Où la cruauté peut s'exprimer librement et impunément, à l'abri des regards, tandis qu'ailleurs des hommes doivent s'entre-tuer pour la patrie, ou se bouffent pour de l'argent, du pouvoir...
Ce conte pour adultes, captivant et angoissant, nous renvoie également à nos peurs primitives de la forêt, du loup et autres bêtes sauvages, de l'ogre, de la solitude, des rivalités meurtrières entre pairs...

Il y a les livres que je dévore.
Celui-là fait partie de ceux que j'aurai savouré, comme la plupart des textes de Serge Joncour, d'ailleurs, dont la sensibilité, la pertinence et les talents de conteur me charment depuis longtemps.
____

Deux extraits parmi des dizaines cochés :

• « L'homme c'est cette créature de Dieu qui corrompt et dilapide, qui se fait un devoir de tout salir et d'abîmer. Sans qu'il soit question de malveillance ou de jalousie, de frustration ou de colère, par sa seule présence un homme peut tout détruire. »

• « Et même si vivre à l'écart, vivre pleinement à l'abri des autres ne se peut pas, parce qu'il n'y a plus la moindre zone sacrée, plus la moindre zone blanche sur les cartes, pas le moindre territoire où la vie sorte toujours victorieuse, il existe au moins des zones d'accalmie coincées entre deux combats, des zones à l'écart. »
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