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Citations sur Jours tranquilles à Belleville (27)

Au-delà des apparence idylliques, quelle détresse! Pensez donc! Quelle était belle, la rue des Envierges, aux pavés disjoints et luisants sous la pluie, quand les gamins tuberculeux y crachaient leur sang! Comme ils étaient séduisants, les escaliers moussus de la rue de la Mare, du temps où les "yids" s'entassaient dans les soupentes, où les Arméniens dansaient devant le buffet! Qu'il faisait bon vivre, dans ce Paris désormais disparu, à l'époque où les moricauds rescapés des massacres de 14-18 -chair à canon déportée des colonies, hébétée, hachée par la mitraille- tendaient leur sébile dans les flonflons des bal patriotiques! Comme ce devait être doux de prendre le funiculaire du faubourg du Temple pour regagner le taudis rongé par les poux, la gale et les punaises, après un journée de travail de plus de douze heures! Qu'elles devaient être charmantes et pittoresques, "gouailleuses, n'est-ce pas, les putains de la place des Fêtes, elles, qui, épuisées après des journées entières à s'user la santé au tapin, s'installaient à califourchon sur des bidets de fortune pour avorter , et qui parfois finissaient par mourir d'hémorragies, la main encore crispée sur l'aiguille à tricoter qu'elles s'étaient enfoncée entre les cuisses..
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Voilà en effet que Belleville, ce Belleville de légende, devient à la mode. On s'arrache les albums de photographies anciennes, les cartes postales, toutes empreintes de nostalgie, qui nous montrent un Paris de rêve, avec ses courettes fleuries, ses artisans bourrus, ses marchandes de quatre-saisons à la poitrine généreuse, ses gosses de la rue, gavroches maigrichons et insolents, ses cafetiers et ses cochers. Elle ont le charme des images d'un passé dont on se plaît à évoquer les douceurs. Qui peuvent-elles séduire ? Les nouveaux occupants de lieux, pardi ! Claquemurés dans nos clapiers de luxe, protégés de la racaille par nos digicodes, nos systèmes d'alarme, nous rêvons au temps où la rue était « conviviale », où Belleville n'était pas encore devenu un sinistre clone de la banlieue. Il m'arrive parfois de feuilleter les albums de Willy Ronis. Je me laisserais presque attendrir.

Au-delà des apparences idylliques, quelle détresse ! Pensez donc ! Qu'elle était belle, la rue des Envierges, aux pavés disjoints et luisants sous la pluie, quand les gamins tuberculeux y crachaient leur sang ! Comme ils étaient séduisants, les escaliers moussus de la rue de la Mare, du temps où les « yids » s'entassaient dans les soupentes, où les Arméniens dansaient devant le buffet ! Qu'il faisait bon vivre, dans ce Paris désormais disparu, à l'époque où les moricauds rescapés du massacre de 14-18 – chair à canon déportée des colonies, hébétée, hachée par la mitraille – tendaient leur sébile dans les flonflons des bals patriotiques ! Comme ce devait être doux de prendre le funiculaire du faubourg du Temple pour regagner le taudis rongé par les poux, la gale et les punaises, après une journée de travail de plus de douze heures ! Qu'elles devaient être charmantes, et pittoresques, « gouailleuses », n'est-ce pas, les putains de la place des Fêtes, elles qui, épuisées après des journées entières à s'user la santé au tapin, s'installaient à califourchon sur des bidets de fortune pour avorter, et qui parfois finissaient par mourir d'hémorragie, la main encore crispée sur l'aiguille à tricoter qu'elles s'étaient enfoncée entre les cuisses...

Malgré toute cette misère, Belleville était une véritable terre d'accueil et de fraternité, dont les habitants savaient se reconnaître les uns les autres. Un fleuve de béton a noyé ce paradis modeste et discret. Mieux vaut ne plus en parler.
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Brise les chaînes ? Quelle idée saugrenue ! Blindages, barreaux, barbelés fleurissent à l'envi dans tout le quartier, au contraire. C'est une véritable architecture de dissuasion qui se met en place. À quand les douves, les meurtrières ?
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Tous les soirs, le journal télévisé dresse le hit-parade de la souffrance planétaire, du Kosovo à Timor, quasi in extenso. Entre guerre, massacre et famine, on s'y perd. La France, avec des efforts méritoires, produit désormais ses propres crève-la-faim, en masse, et se refuse à en importer. Aux marches de l'Europe, dans le détroit de Gibraltar, les gardes-côtes espagnols font la chasse aux fous embarqués sur des rafiots de fortune et qui cherchent à se faufiler entre les mailles du filet. Les boat people de l'an 2000 auront la peau noire. L'immigré sera refoulé dans les eaux de la Méditerranée. Il n'atteindra plus Belleville, son Chinatown, ses cités de béton, ni ses jardins, ses squares où fleurissent les seringues, les épluchures de citron, et où s'abat le clodo, son frère d'infortune, celui-là même qui, parfois animé d'un sentiment patriotique saugrenu, ne rechigne pas à flétrir le bicot, les nègre menaçant de venir lui disputer les pièces de dix francs que distribuent les nantis.
— Mendiants de tous les pays, unissez-vous ? Lui suggère-t-on.
— La France aux Français ! proclame-t-il, la voix pâteuse, la main rivée sur son kil de rouge.
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La dégradation est très lente. Les riverains, mithridatisés par les coups portés à leur environnement immédiat, s'y accoutument imperceptiblement. Un tag par-ci, un clodo calfeutré dans une encoignure de porte par-là, un panneau de signalisation renversé, une mobylette à demi démontée et abandonnée dans une flaque d'huile un peu plus loin, une seringue dans un caniveau ; et le tour est joué. Infesté à la toxine de la misère à dose homéopathique, l'Homo bellevillus oublie peu à peu à quoi ressemble une ville digne de ce nom. À l'abri derrière sa porte blindée, la mémoire saturée d'images de fil de fer barbelés et de grilles, de portes anti-vandales, bientôt sans doute armé de caméras de détection des intrus en bas de chaque immeuble, il voit son univers se rétrécir aux dimensions d'une cellule bien douillette hors de laquelle il ne fait pas bon s'aventurer.
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Le racisme s'enracine d'abord dans les mots. Ensuite, quand ils ont fermenté, quand ils ont dégorgé tout leur jus fétide, on en vient aux actes. Ou on laisse à d'autres le soin de le faire.
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Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire
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Inutile de s’enfoncer la tête dans le sable à l’instar de l’autruche. La réalité, il faut faire avec. Pour la combattre, il faut accepter de la décrire, avec des mots crus. 
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La logique commerciale est aveugle. L’argent est roi, et rien ne peut arrêter ses ravages.
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Toute cette poussière d’humanité patiemment décantée au fil des années s’était incrustée dans le moindre interstice de la pierre, s’y était enracinée avec la patience aveugle du chiendent prenant possession de son misérable carré de terre sale.
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