Il y eut, avec
Henry Miller, des
Jours tranquilles à Clichy. En 1999,
Thierry Jonquet publie ses
Jours tranquilles à Belleville, qui préfigurent l'excellent roman
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte , qui sortira dix ans plus tard.
Jonquet vit à Belleville avec sa famille. Derrière la carte postale de ce quartier mythique ancré dans l'imaginaire des Parisiens, de ce quartier ouvrier et populaire, depuis longtemps lieu d'accueil pour les immigrés, Jonquet observe les murs qui se lézardent, au propre comme au figuré, le paysage urbain de plus en plus contrasté, la ghettoisation, la délinquance, l'insécurité qui pourrit la vie quotidienne des habitants.
Jonquet est écrivain. Quand les habitants des banlieues où la situation est plus grave encore, subissent et ne peuvent se faire entendre, lui va raconter à travers ces chroniques, la lente déliquescence de Belleville, les pouvoirs publics qui se refilent la patate chaude, les architectes qui s'attellent aux problèmes engendrés par la pauvreté, le trafic de drogue, les agressions, en dynamitant le quartier -adieu les arrière-cours, les ruelles, les passages, le mobilier urbain - la fragmentation ethnique qui sépare dès la petite enfance les habitants, et ce à l'échelle modeste d'un quartier.
Jours tranquilles à Belleville est certes une vision subjective, celle d'un écrivain de gauche qui reproche à cette même gauche son silence assourdissant et à l'extrême-droite la récupération systématique de la question sécuritaire.
Car, si la violence est de nature économique et sociale elle se double aussi d'une visibilité ethnique, visibilité d'autant plus criante que depuis des décennies, Belleville accueillait des vagues successives d'immigrés qu'elle avait réussi à intégrer jusqu'à la fin des années 70.
Dans sa postface, Jonquet rend compte de la petite déflagration provoquée par la parution de son ouvrage, coincé entre le marteau et l'enclume, entre une certaine gauche pour laquelle l'immigré, vêtu de probité candide est par essence une victime, et une extrême-droite qui prospère et ramène systématiquement tous les maux de la société à l'immigration nord africaine et subsaharienne.
Vingt ans après la parution de ce court ouvrage, force est de constater que le phénomène a fait tache d'huile dans d'autres arrondissements de la ville, au détriment de tous ceux qui y vivent, laissant entrevoir un avenir « à l'américaine », un Paris labellisé « ville fractale ».