John Mitchell a fait toute sa carrière à Ellis Island, en tant que directeur du Bureau de l'Immigration. Il a vu passer des milliers d'êtres pleins d'espoir et prêts à tout pour tenter de se faire une situation en cette terre promise que représentait alors l'Amérique. Il doit prendre sa retraite, car cette fin d'année 1954 voit la fermeture définitive du centre. Tout un pan de l'histoire de New-York qui se tourne, mais surtout de la vie de John, qui commence à rédiger son journal intime, dans lequel il égraine ses souvenirs et ses douleurs.
John se souvient de son épouse disparue, mais aussi d'une galerie de figures fortes, employés ou immigrants. Son histoire d'amour avec Liz et son passé à Manhattan ne m'ont pas touchée plus que cela. L'essentiel de ce roman réside avant tout dans le centre d'Ellis Island, un véritable personnage à part entière. Dès que John commence à parler de tout ce qu'il a vu, je me suis sentie captivée par ma lecture. A travers son journal intime, il évoque les espoirs de tous ces gens qui quittaient tout pour une vie qu'ils espéraient meilleure, sans en avoir toutefois la garantie. Les semaines de traversée en mer, dans des cales immondes infestées de poux, de punaises, de cafards et de crasse humaine. La peur d'être renvoyés là d'où ils venaient (ce qui n'arrivait qu'à 2% d'entre eux). John est comme un témoin muet de l'histoire, à travers ces européens qui fuient leur continent au gré des conflits.
Et peu à peu, dans ce récit, trois figures se détachent pleinement: Nella, Lazzarini et Kovàcs. Les deux premiers fuient l'Italie, le second, un pays qui condamne les intellectuels trop peu communistes. On s'attache à leurs histoires respectives, on veut savoir ce qui les a poussé à prendre la route pour l'Amérique. Nella traîne derrière elle un lourd passé teinté de sorcellerie, Lazzarini ne semble pas très clair et Kovàcs paraît représenter un danger. John s'attache à décrire le ressenti de tous ces personnages, sans tomber dans le pathos, malgré sa culpabilité. Comment faire son travail et laisser de côté les sentiments personnels? Car là où la plupart des citoyens américains ne voyaient en Ellis Island qu'une sorte de grosse usine, John perçoit les humains derrière tous ces immigrants.
La plume de
Gaëlle Josse, que je ne connaissais pas du tout, se révèle à la fois délicate, poétique, envoûtante et percutante. Elle décrit si bien le ressenti de John et les diverses histoires des uns et des autres, que je me suis demandée sans arrêt au cours de ma lectures si ces personnages avaient réellement existé. La réponse se trouve à la fin...
Gaëlle Josse est une magicienne des mots, qui nous transporte dans son récit et parvient à nous transmettre beaucoup d'émotions en peu de pages, à nous imprégner totalement de ce passé. La fin s'est même révélée totalement inattendue pour moi, je dois le dire.
En bref,
LE DERNIER GARDIEN D'ELLIS ISLAND est un court roman à la fois envoûtant et percutant, mené avec talent par une plume gracieuse et pleine de poésie. Si vous vous intéressez à cette époque qui a marqué New-York, nul doute que ce roman saura vous toucher en plein coeur, avec ses personnages attachants. C'est un roman dont je vais me souvenir bien longtemps.
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