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sur 695 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  

A partir d'un tableau d'Emmanuel de Witte, dont l'édition de poche ne donne malheureusement que la partie centrale, Gaëlle Josse, sous le prétexte de faire raconter sa vie à Magdalena van Beyeren peinte de dos, dans sa chambre, jouant de l'épinette, nous donne un éventail de la Hollande de la fin du XVII siècle.
Trois tableaux sont évoqués : celui de de Witte, celui de Vermeer, la femme à la balance, et un troisième d'un peintre inventé je crois : Johan de Voogd, qui aurait peint le mari de Magdalena, entouré de cartes marines, d'instruments de navigation et de sacs de muscade et de cannelle à ses pieds. On croirait un Vermeer.

En quelques pages, Gaëlle Josse a le génie de nous présenter un monde : celui du siècle d'or hollandais, ses peintres, son commerce réputé, sa puissance sur les mers, due à ses bateaux plus maniables, et la liberté sur les terres.
« Nos provinces offrent l'asile à ceux qui ne peuvent vivre en paix dans leur pays. Juifs, catholiques ou réformés demeurent ici en bonne intelligence, et chacun apporte sa pierre à l'édifice commun. »

Effectivement, Descartes, qui a choisi la liberté de penser de la Hollande, puis Spinoza dont la famille juive marrane séfarade avait fui l'Inquisition hispanique, se sont réfugiés, ainsi qu'Érasme, deux siècles auparavant, avec beaucoup d'autres, dans ce Nord acceuillant.

Le mari de Magdalena est administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft, sa soeur, faute de mettre au monde, cultive son jardin : des roses, des iris, des lys et des jacinthes bleues, enfin des tulipes, dont on sait qu'elles viennent d'Istanbul, qu'elles ont donné lieu à une inflation suivie d'une crise financière au milieu de XVII siècle.
Nous suivons, en plus de la présentation de ces produits venus de Chine ou de Japon, dont les porcelaines décorées d'oiseaux et de fleurs, et les soieries, et les verreries, la vie de notre héroïne, qui se confie au papier, c'est-à-dire à nous : la chambre carrelée de noir et de blanc, symbole repris souvent par les peintres hollandais, son mariage d'amour, ses émois, ses enfants, et la crainte qu'elle a qu'une de ses filles trop arrogante n'inspire pas l'amour, enfin la servante , qui lave le sol dans le fonds du tableau.
Puis la reconversion des Pays-Bas ayant appris l'art de la porcelaine, la rivalité avec la Compagnie des Indes française, le crack de la muscade et l'idée de Magdalena, qui aurait pu, en un autre siècle, être elle-même administratrice de la compagnie des Indes, remplacer les épices par le thé.

Petit livre grandiose, en ce qu'il présente, à travers un tableau, la vie entière de son modèle, jusqu'à sa vieillesse (36 ans, sans doute était-ce une durée de vie honorable à cette époque) ainsi que le monde entier rapporté par bateau depuis les contrées lointaines, contenu dans le tableau de de Witte et évoqué par Gaëlle Josse.
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“Musica laetitiae comes medicina dolorum. Dans la joie comme dans la peine, la musique demeure notre compagne."

***

Pour écrire son premier roman, Gaëlle Josse s'est inspirée d'un célèbre tableau peint par l'artiste Emmanuel de Witt, un contemporain de Johannes Vermeer. Ladite toile laisse apparaître de dos, une femme jouant de l'épinette au sein d'un intérieur bourgeois flamand. Qui est-ce, la maîtresse de maison? Pourquoi avoir choisi d'être représentée ainsi? A qui adresse-t-elle ses mélodies? Que cache l'envers de ce décor?

Dotée d'une imagination remarquable, l'auteure insuffle la vie à ce personnage et ressuscite une époque, celle de l'Âge d'or hollandais,  en nous transportant au XVIIème Siècle.

*

Novembre - décembre 1662

“C'est moi, de dos, sur le tableau. (...) J'ai choisi d'être peinte, ici, dans notre chambre où entre la lumière du matin. Nous avançons vers l'hiver. Les eaux de l'Oude Delft sont bleues de gel et les tilleuls, qui projettent au printemps leur ombre tachetée sur le sol, ne sont aujourd'hui que bois sombre, et nu.”

Ainsi commence le journal intime de Magdalena, fille aînée de Cornelis van Leeuwenbroek, l'ancien administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales à Delft.  

Avant ses fiançailles avec Pieter van Beyeren, elle prenait part aux activités commerciales de son père, occupant la place vacante de l'héritier mâle qui jamais ne vit le jour. le doux rêve de lui succéder se heurta à sa condition de femme, c'est son époux qui hérita de cette charge. 

Assignée aux affaires domestiques,  elle assura au couple une descendance en mettant au monde une fratrie de neuf enfants. Malheureusement, si Dieu donna, il reprit ensuite. Certains trouvèrent la mort à l'aube de leur vie.

"Souvent je pense à mes enfants que le Seigneur a déjà rappelés à Lui. Je dois accepter qu'ils soient,  hélas, le cruel tribut dont les femmes qui donnent la vie doivent s'acquitter."

*

Les heures silencieuses sont celles où, dans l'ambiance feutrée de sa chambre, Magdalena prend sa plume et laisse s'exprimer librement les vacillements de son coeur. Elle couche sur le papier les joies et les peines qui ont jalonné son existence. Ces instants d'introspection donnent également lieu à de troublantes révélations et des aveux sans concession. 

"A l'heure où  mes jours se ternissent comme un miroir perd son tain, le besoin de m'alléger de ce qui m'encombre devient plus fort que tout."

Dans un style époustouflant empreint de délicatesse, Gaëlle Josse esquisse le portrait d'une femme empêchée, digne et valeureuse. Les quelques semaines passées en compagnie de Magdalena offrent un moment de grâce suspendu dans le temps.

Et quel plaisir de voir s'animer, au fil des pages, l'oeuvre d'Emmanuel de Witt.  Un décor à secrets qui sous nos yeux ébahis se dévoile.

Cette première rencontre avec l'auteure est un véritable coup de coeur. Je suis littéralement tombée sous le charme de son écriture tant raffinée que poétique. Ses mots caressent l'émotion. Une mélancolie douce-amère nous étreint. 

***

Un petit bijou littéraire que je vous recommande chaleureusement. Je me réjouis par avance des prochains rendez-vous prévus avec cette conteuse de talent.  




Lu en décembre 2021 - Récupération des quelques retours partagés sur mon ancien compte avant sa fermeture définitive.
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Premier roman de Gaëlle Josse, et déjà une petite pépite, “Les heures silencieuses” nous dépeint en 89 pages quelques fragments de vie d'une femme de la bourgeoisie hollandaise du XVIIe siècle.
Ayant déjà lu, entre autres, la biographie romancée de Vivian MaierUne femme en contre jour”, j'ai retrouvé toute la finesse et le rafinement de cette plume que j'avais déjà tant appréciée.

Gaëlle Josse nous conte l'intimité d'une femme. Dans cet ouvrage, elle donne la parole à la femme qu'on voit de dos dans le tableau “Intérieur avec une femme jouant de l'épinette” d'Emmanuel de Witte, peintre hollandais du XVIIᵉ siècle.

Le personnage de Magdalena van Beyeren semble sorti de son cadre pour se confier au lecteur. Elle exprime sur le papier mais avec beaucoup de pudeur des sentiments intimes, des événements de sa vie de couple, des pensées enfouies au plus profond d'elle-même. Elle raconte aussi un événement tragique survenu alors qu'elle était adolescente et dont elle porte encore le poids de la culpabilité.
Elle nous y confie donc ses joies, ses peines, ses questionnements d'épouse, de mère n'hésitant pas à se montrer très honnête et très franche quant aux personnalités de ses différents enfants toujours de ce monde. Elle évoque aussi la perte de quatre de quatre de ses enfants, avec beaucoup de sensibilité et un certain fatalisme, qui je suppose était de mise à l'époque devant l'importance de la mortalité infantile.

Magdalena sans le dire à aucun moment, exprime à demi-mot sa renonciation à avoir un rôle dans les affaires de son père et dans celles de son mari. Elle qui fut pendant quelques temps le fils que son père n'a pas eu, a renoncé en se mariant à exister pour elle-même et par elle-même. Elle est aujourd'hui une mère et une épouse qui se doit de poser de dos pour mettre en valeur son époux, qui ne doit pas prendre trop de place.

Subtilement, au travers de la plume de Gaëlle Josse, on sent que Magdalena ne nous dit que ce qui est nécessaire, gardant pour elle avec la retenue propre à cette époque certains faits que l'on devine pour autant, qu'on lit à travers les lignes.

L''auteure nous brosse ainsi la condition des femmes de la bourgeoisie néerlandaise du XVIIe siècle.

Je me suis demandé au cours de ma lecture quel âge pouvait avoir cette femme qui se raconte ainsi. Une femme sans âge en quelque sorte, comme si elle ne pas exister tout à fait, à l'instar de sa volonté d'apparaître de dos dans le tableau sans que l'on puisse voir son visage. Elle ne citera pas son âge mais on peut estimer par déduction au regard de l'âge où elle s'est mariée et l'âge de ses enfants, que Magdalena est une femme d'âge mur pour l'époque soit une petite quarantaine tout au plus.

Chose intrigante par ailleurs, les écrits de Magdalena s'étalent du 12 novembre au 16 décembre 1667, soit quelques jours seulement de son existence. Cela dénote-t-il un besoin de se confier à cet instant, de jeter sur le papier une bonne fois pour toutes des pensées qui la rongent ?

Les heures silencieuses” dépeignent très bien cette ambiance de clair obscur, de lumière du nord, un certain calme qui règne dans la maisonnée. C'est comme si Magdalena était descendue de son cadre, nous avait pris par la main pour nous entraîner dans son intérieur.

Oh, combien j'apprécie la plume de Gaëlle Josse, je l'ai dit et je le redis et vous la recommande si vous n'avez jamais eu l'occasion de découvrir cette auteure.




Lien : https://www.mrsnorthlit.com/
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Dans ce tout petit livre, on suit la vie et les pensées les plus intimes de Magda au travers d'un tableau peint pour sa famille. Nous sommes à Delft en novembre et décembre 1667, elle se confie à son journal intime très intensément. Ses pensées sont très profondes, elle analyse son quotidien et les membres de sa famille.
Nous découvrons avec plaisir le quotidien d'une femme et d'une fille d'armateur à cette époque, fille qui a joué un rôle important dans le business de son père en son temps : on est aussi replongé dans ses souvenirs de jeune fille.
Elle conte cette partie de sa vie de façon très poétique. Ce livre est très beau et le lecteur aimerait rester plus longtemps avec Magda, dans ses réflexions tant elles sont justes. Elle nous partage sa vie de tous les jours et ses sentiments en tant que fille, épouse, mère et femme d'affaire à la fois.
Ce livre est un coup de coeur et une petite pépite à découvrir !
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Fin 1667, Magdalena van Beyeren, jeune néerlandaise (mais les appelait-on comme ça à cette époque?) dépose ses pensées sur son journal intime, et retrace sa vie à cette occasion. Magdalena est et a été une jeune fille, une jeune mère, une épouse, une femme d'affaire, une femme tenant son intérieur, tout en délicatesse, amour et humilité. C'est un personnage comme je les aime, discret mais sincère, faisant le constat de sa condition de femme, de mère et d'épouse. Elle était aussi capable qu'un homme de s'occuper des affaires de son père, administrateur à la compagnie des indes, mais ne pourra pas, une fois mariée. Elle accueillera en son sein de nombreux enfants, mais peu survivront. Elle aura la chance d'aimer et d'etre aimée par son mari, mais la vie les rattrapera.
Voilà un court roman, prodigieux, délicat et lumineux, porté par un Magdalena, personnage dont la voix claire emplit. Quelle création ce roman! et qui me donne envie de découvrir toute l'oeuvre de Gaelle Josse.
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Petit Roman de 89 pages. Idée originale de l'auteur Gaelle Josse, imaginant le journal de Magdalena van Beyeren durant l'hiver 1667, inspiré du Tableau du peintre Emmanuel de Witt.
Je me suis retrouvée dans l'ambiance feutrée de la maison de Mme van Beyeren : sa vie d'épouse, de mère, de femme.
Certains évènements auraient pu être relatés de façon stressante, mais la lecture de ce roman a été, en ce qui me concerne, reposante et calme.
Un petit joyau.


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Quelle riche idée !
Joindre l'art de peindre, à l'art d'écrire.
Observer un tableau, et en inventer son histoire.
Me voilà de nouveau, totalement conquise, par la délicatesse de la plume de Gaelle Josse.
C'est un petit livre certes, mais chaque phrase, se lit et se relit avec délectation.
Nous voilà transportés, au XXIIe, et d'une toile de M.De Witte, que j ai adoré avoir en couverture de livre, le journal intime d'une femme, Magdalena, douce, sincère, touchante, troublante.
Jeune femme, fille, femme, mère, qui se livre à nous avec délicatesse et complicité.
Un pur délice...
Dont la fin, laisse en nous planer des sentiments confus...
Merci pour ce merveilleux livre, dont je suis une fois de plus tomber sous le charme.
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J'ai beaucoup aimé ce récit à la fois sobre, simple en surface, mais si profond, si sincère et en même temps si pudique.
Ce sont quelques pages de vie relatées par une femme, une épouse, une mère, qui se souvient aussi de son enfance et par conséquent d'avoir été une fille. Bien que se situant à une époque fort éloignée de la nôtre ( Nous sommes à Delft au 17ème siècle, au coeur d'une maison bourgeoise), ce journal intime écrit dans la solitude d'heures silencieuses, évoque la femme de toujours, car Magdalena van Beyeren nous est très proche et familière.
Ce roman allie le charme d'un décor désuet avec la révélation de la permanence des sentiments humains, et plus particulièrement féminins (Rêves de l'enfance, volonté de rectitude, tendresse parfois trahie, amour maternel, désirs inavoués, sentiment d'abandon quand la vieillesse s'installe......
Ce livre est un petit bijou.
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Gaëlle Josse part de la peinture flamande du 17ème siècle pour entrer avec nous dans la vie de la dame qu'on voit de dos. On saura vers la fin pourquoi elle a demandé au peintre cette posture qui équivaut à un renoncement douloureux.
Magdalena et son mari, ancien capitaine de bateau, ont repris le commerce du père de la jeune dame, un des administrateurs de la Compagnie des Indes.
Ils ont de nombreux enfants. C'est un grand bonheur mais elle et son mari doivent supporter la perte de plusieurs enfants.
Elle nous parle aussi de sa soeur Judith, mariée à un drapier.
Elle nous livre aussi le secret de sa peur pour la tombée de la nuit.
Au hasard des pages, on apprend qu'une de ses amies a commandé un tableau de Vermeer qu'elle nous commente d'ailleurs. le tableau est très connu.
Elle nous parle aussi du caractère si différent de ses deux filles et de l'amour qu'elle leur porte.
A la place d'un roman, je devrais employer le nom "journal intime" qui commence le 12 novembre 1667 et se termine le 16 décembre de la même année.
J'ai ressenti avec Magdalena la peine qui fait qu'elle choisit de se présenter de dos. Quelles libertés nous avons gagnées, nous les femmes.
J'ai envie d'écrire que cette histoire commence dans l'insouciance et se termine dans la maturité après pas mal de douleurs.
C'est un roman très court, exprimé avec de très beaux mots proches de la poésie, si bien que je me suis attardée sur toutes les phrases. J'en ai relu beaucoup pour m'imprégner de l'ambiance que l'auteure a réussi à créer à merveille.
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Voici la suite de mes lectures de cette auteure, qui me charme tant.
Ici je suis plus que comblée vu que ce livre associe lecture et art. Je suis en admiration de son talent pour nous offrir un récit en détaillant un tableau de la sorte. En donnant la voix à celle qui pose. Puis par le biais de cette voix, on peut partager la vie de cette femme, s'imprégner de cette époque.
L'ambiance est douce, feutrée, poétique.
On se laisse bercer par cette petite musique et puis on revient sur la couverture retrouvant les détails décrits dans le récit. J'ai la chance d'avoir une édition qui a choisi de le mettre en couverture . Je n'aurai sans doute pas fait plus attention, il semble quelconque et pourtant il recèle la vie de cette femme peinte de dos, la vie au jour le jour de cette époque.

Une lecture une fois encore enchantée.
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