AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Floyd2408


Gaëlle Josse est une auteure avec qui je me promène depuis son premier roman Les heures silencieuses, son écriture avait enthousiasmé ma lecture, j'ai poursuis mon chemin avec d'autres livres comme Nos vie désaccordées, Noces blanches, le dernier gardien d'Ellis Island, L'ombre des nuits et ce dernier opus Une femme en contre-jour. J'ai eu des coups coeurs comme des déceptions, des émotions diverses, Gaëlle Josse a su batailler mon coeur et mes émotions pour que je puisse continuer à dévorer ses romans. Il y a dans ses livres une forme de vérité puisée au grès de ses lectures, d'un tableau, d'un fait historique, d'un personnage et s'enroule alors la chanson de ces mots dans des phrases courtes, incisives, riches, explosives, métaphorique et riche d'aphorisme.
Une femme en contre-jour est une sorte de biographie romancée, me remémorant Elsa mon amour de Simonetta Greggio, d'un style similaire, Stefan Zweig de Dominique Bona, retraçant les derniers de jours de cet auteur Autrichien, mais aussi celles de Stefan Zweig, nombreuses, amoureux de ces personnes qu'il fait revire dans ces multiples biographies comme son ami, Émile Verhaeren, Romain Rolland et des personnages célèbres le touchant, comme, Marie-Antoinette, Érasme.
Qui est cette femme en contre-jour, Vivian Maier ? Gaëlle Josse s'interroge énormément sur le portrait de cette femme, cette photographe amateur devenant par le concours improbable, une icône nouvelle de la photographie. Cette quête presque impossible de découvrir l'insondable, de s'affranchir de l'incivilité de cette femme au passé trouble et sinueux. Pour parfaire le tableau, cette photographie, figeant l'instantanée de la vie de cette gouvernante au double visage selon les témoignages contradictoires, à le couleur de vie d'un contre-jour que le titre du roman résume parfaitement. Ce titre au double sens, celui de l'art de la photographie faisant renaitre cette femme de l'ombre à la vie des noirs et blancs de ces clichés, toujours une dualité habitant le coeur de cette femme étrange dans l'inexorabilité familiale d'un songe lointain, une respiration sourde la séparant de ces liens sanguins d'une mère aux noms multiples, cherchant à fuir sa famille, son père meurtri par ses démons, et d'un frère ainé broyé par cette famille sans amour, sans tendresse, juste de la haine et de la violence utérine et sociétale.
Ce roman est une construction d'une vie sans romance, sans artifice, juste une recherche de vérité plus ou moins impossible, Vivian Maier est comme un fantôme, un spectre de vie anonyme, elle a cette intemporalité d'être une femme transparente à la société, même si Gaëlle Josse essaie de tracer un arbre généalogique, de sa grand-mère française, immigrée aux états unis à ses parents dévoreurs d'espoir, poursuivant l'âme de cette gouvernante devenu post-mortel, une photographe reconnu, pour comprendre, le génie habitant l'esprit de Vivian Maier. Ce cycle de vie difficile à mettre en prose tant les zones obscures sont nombreuses, Gaëlle Josse sonde au plus proche de son coeur la vie atypique de cette dame au physique androgyne, à la noirceur impalpable d'un passé secret, peur des hommes, s'enfermant d'un verrou, pour se protéger d'un mal mystérieux, gardant tout dans des cartons, s'isolant dans les dédales de ses souvenirs bien à elles, construisant son habitat intérieur, telle une poche utérine comme le ressent Gaëlle Josse, Vivian Maier interroge notre auteur, creusant la source d'une photo aperçut, puis d'une autre et comme le tableau d'Emanuel de Witte inspirant le roman Heures silencieuses, la rivière de la création inonde l'esprit de Gaëlle Josse pour donner naissance à Une femme en contre-jour.
Gaëlle Josse ajoute à son roman, un aparté personnel, un postscriptum sur les émotions intimes que lui a données cette photographe. Gaëlle Josse se livre, ce miroir qu'est Vivian Maier avec le portrait de ces visages anonymes et celui des mots posés dans ses romans pour donner vie à ces êtres, une lumière d'une renaissance. Nous pénétrons un instant bref et rare chez un auteur, sa source, le sésame de l'écriture.
« Écrire, c'est se rêver Shéhérazade. Sait-on à quelle source la conteuse de légende venait puiser, chaque nuit, une nouvelle histoire ? »
Cette dernière parenthèse du roman pénètre plus l'intimité de notre auteure, vecteur inconsciente de Vivian Maier, catalysant la genèse de l'écriture au fil des mots glanés, comme ses clichés cachés dans des cartons, ces pellicules dans l'ombre de l'oubli, de ce regard emprisonnant l'anonyme vers une destinée de reconnaissance artistique, une profondeur d'âme interpelle, déstabilise le public face à ses portraits, comme Gaëlle Josse, le fût, le sera, l'est pour continuer d'écrire et de percer des vies futures comme l'histoire de son roman Noces de neige.
Il y a dans la vie de Vivian Maier des va et vient de vie, l'écho de la France, l'identité de son noms, les secrets de famille, la photo et ce côté sombre de son âme, témoignent des anciens enfants gardés, la décrivant comme une femme persécutrice, horrible, perverse au contraire d'autres, la voyant comme un rayon de soleil, irradiant leurs vies d'enfants, comme les trois frères lui rendant hommage et l'accompagnant un peu vers fin de sa vie. J'aime le clin d'oeil de Gaëlle Josse, avec cette figure de style, l'épanadiplose, Vivian Maier sur un banc au début du roman et la fin celle-ci sur le même banc, cliché d'un amateur, l'immortalisant comme elle le fit avec tous ses quidams figés dans ses photos.
Gaëlle Josse surprend toujours par son écriture, toujours nerveuse, concentrée, aphoristique et entrainante. Une femme en contre-jour est comme le titre, à contre-jour, une partie plutôt ennuyeuse celle de la famille de Vivian Maier, cette blessure ouverte que notre auteure devait coucher sur papier, tentant de percer le secret de cette femme lunaire. Et l'autre plutôt courte et surtout plus profonde sur Vivian Maier et en sublimant celle de Gaëlle Josse.
Gaëlle Josse ouvre un interstice à la fin de son chapitre Délitement et vertige de la chute, sur une plaie ouverte des malades mentaux, avec cet adage monstrueux « extermination douce » et cette réflexion lucide sur notre société terrifiée par ses fous. Cette fissure pourrait être un roman futur pour notre auteure, une aventure de mots qu'elle affectionne avec la magie de la recherche et des vies secondaires.
Ce livre est divers, dans mon émotion de lecture, comme en contre-jour, je glisse souvent vers des humeurs contradictoires, mais ce qui fait le charme d'une lecture, une femme en contre-jour est une oeuvre qui fera polémique dans ses critiques, c'est la valse d'un bon roman, la division des sentiments.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}