Voici un texte court, lumineux, magnifique, coup de poing et coup de coeur à la fois dont on désirerait citer nombre de mots, nombre de phrases tellement l'écriture est belle, où chaque ligne est ciselée, les mots pensés, justes et sincères, un texte que l'on va garder en soi pour toujours, de la vraie littérature!
Charles Juliet trace le portrait détaillé de sa mère biologique,l'âpreté et la dureté de sa vie à la campagne (comme l'a vécu ma propre grand- mère, à cette époque, on quittait l'école rapidement, souvent avec désespoir...)
Il évoque l'amour de sa maman pour l'école:"Combien tu aimes l'école!Chaque fois que tu pousses la petite porte de fer et t'avances dans la cour, tu pénètres dans un monde autre, deviens une autre petite fille, et instantanément tu oublies tout du village et de la ferme_ le maître, les cahiers et les livres, l'odeur de la craie,les cartes de géographie,....tu le Vénères."..._..il nous livre ses hésitations , ses doutes, ses pensées secrètes de petite fille intelligente qui ne pouvait s'exprimer, et surtout "sa mort spirituelle" à la fin de ses trop courtes études.
"Apprendre. Tu as le désir d'apprendre, de garder contact avec ce monde des livres dont tu te sens exclue..."
A la fin de la première partie ,il raconte comment sa mère a exprimé son besoin de Vocabulaire:"je crève,parlez moi,parlez moi,si vous trouviez les mots dont j'ai besoin vous me délivreriez de ce qui m'étouffe".
Dans la deuxième partie, l'auteur trace le portrait de sa seconde mère adoptive, la vaillante et son amour pour sa famille adoptive.
Puis il nous livre avec une grande sensibilité, sans pathos ni voyeurisme,son propre tâtonnement et cheminement, son lent éveil à soi même, comment il devient écrivain:"tu veux écrire. Tu veux écrire mais tu ignores tout ce en quoi consiste l'écriture....un jour ,il te vient le désir d'entreprendre un récit où tu parlerais de tes deux mères, "l'esseulée et la vaillante, l'étouffée et la valeureuse","la jetée -dans -la fosse et la toute- donnée."
Je n'ai pas envie d'en livrer plus, malgré tant de souffrance,
Charles Juliet nous montre que la détresse peut amener à l'espoir,c'est un livre bouleversant mais salvateur, acheté par hasard, en plus,déniché dans les rayons de ma librairie,
"L'autre Rive à Nancy."
Vive les libraires!