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4,11

sur 970 notes
Quand a lieu LA rencontre : LA rencontre entre un livre et un lecteur. J'ai ouvert Lambeaux un soir de tristesse et ne l'ai plus quitté pendant quarante-huit heures et aussi surprenant que cela puisse paraître tant ce récit est violent, il a fait renaître en moi une force qui était en train de me quitter insidieusement.

J'ai d'abord été bouleversée par le destin de la première femme, la mère biologique de Charles Juliet, celle qu'il n'a pas connu. Cette femme si belle et son si bel amour des mots, son amour instinctif de la littérature, de la culture qu'elle a à jamais réprimé, qu'elle n'a jamais pu exprimer parce que cela ne se faisait pas dans son milieu. Il raconte la jeunesse, l'adolescence, la vie en couple de cette femme : aînée de la famille, elle devra s'occuper de ses soeurs, de la maison, de la ferme. Elle ira à l'école mais malgré les excellents résultats obtenus, elle n'aura pas le droit d'aller au-delà du certificat d'études. Et là sera sans doute le point d'ancrage de sa douloureuse descente aux enfers. Elle passera sa vie à ne se parler qu'à elle-même, esseulée, sentant un peu plus fort, année après année, sa différence. L'arrivée trop rapprochée de ses quatre enfants ne fera qu'accélérer sa détresse intérieure, sa souffrance inguérissable, jusqu'à sa fin de vie tragique. Bouleversée aussi par la manière qu'a Charles Juliet de s'adresser à elle. Ce lien invisible entre ces deux êtres et la force du « TU », le fait qu'il s'adresse à elle alors même qu'il ne l'a connue que quelques mois. Oui, cette première partie fut un véritable bouleversement pour moi.

Et puis, arrive le récit de sa propre enfance entouré de sa mère adoptive et de sa famille, une paysanne elle aussi mais une terrienne. Et c'est avec tout autant de douceur, de respect qu'il décrira cette femme qui l'a aimé comme s'il était le fruit de ses entrailles, cette femme qui lui a permis de tenir, malgré l'absence de sa mère biologique, malgré les idées noires, malgré la quête interminable de soi… Et qui lui a donné assez de force pour ne pas être détruit par ses études dans une école militaire particulièrement stricte et violente. Là encore le « TU » donne tout son sens à ce texte d'une poésie et d'une finesse incroyables. le « TU » qui évoque l'introspection puisque dans cette deuxième partie, Charles Juliet ne s'adresse non pas à sa mère adoptive mais à lui-même… Cette deuxième personne du singulier sert surtout de catalyseur –d'après moi- à ces multiples sentiments contradictoires qui traversent le lecteur. Parce que nous nous retrouvons non seulement face à la quête intime de Charles Juliet mais aussi face à nos propres démons, nos propres douleurs, notre propre histoire familiale avec ces questions récurrentes (pour ne pas dire permanentes) : comment être ? Comment se libérer de ses carcans, quels qu'ils soient ? Comment s'autoriser à vivre, à faire ce qui est nécessaire à notre essor ?

Je reste bouche bée devant une telle qualité littéraire, je reste sans voix devant cette façon si belle qu'a Charles Juliet de se parler à lui-même tout en parlant à chacun de nous, devant sa capacité à pénétrer l'âme de l'être humain avec une telle acuité.

Je reste ébahie devant cette Rencontre littéraire. Révélation.

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Superbe et ultra-touchant.
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Cette lecture fait partie de celles qui me bouleversent par ce qu'elles disent de moi et par cet immense sentiment de familiarité :

Cette sensation fréquente de ne pas être à sa place (de la mère biologique et de l'auteur), le chemin tortueux et torturé de Charles Juliet vers lui-même et vers l'écriture, cette quête permanente.

Ses souffrances et ses bonheurs qui se mêlent pour faire de lui ce qu'il est. Sa quête, encore. Son sentiment constant d'inadaptation à ce monde. Sa sensation d'être pris entre la vie et la mort. Son besoin d'en comprendre la cause pour s'en dégager…

Sa difficulté à se mettre à l'écriture alors que tout l'y pousse parce que son exigence, parce que ses émotions intraduisibles, parce que d'autres ont fait mieux… alors pourquoi y ajouter sa voix ?

… Effet miroir, sensations, émotions, larmes, gratitude… et les mots qui restent, qui m'habitent, me font regarder en moi, partir à mon tour en quête… Merci monsieur Juliet ! Je n'en ai pas fini avec la lecture de votre oeuvre et je m'en réjouis !
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Charles Juliet fait revivre ici ses deux mères : celle qui l'a mis au monde et celle qui l'a élevé. Le tout dans un style superbe, d'une grande clarté et d'une grande simplicité.
Les conditions de vie de cette famille, qui devaient être communes à cette époque, sont particulièrement bien mises en évidence : la pauvreté des paysans de montagne, leur précarité, le poids du travail omniprésent et aliénant, le patriarcat étouffant, les femmes réduites à la reproduction et au service familial, l'absence de culture émancipatrice.
L'ouvrage baigne dans un climat de grande tristesse sinon de déprime permanente. L'auteur semble dire à la fin que l'écriture l'a sauvé. C'est possible. Il n'en demeure pas moins qu'il ne sort pas de sa solitude.
Et pourtant, n'y a-t-il pas d'autres solutions, et là je suis conscient que je m'écarte de la critique littéraire : faire front, s'engager, mener bataille avec les autres. Il n'y a pas de meilleur remède à la déprime que la solidarité dans un combat commun pour un monde meilleur.
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J'avoue, j'ai lu enfin l'immense écrivain Charles JULIET, une lecture que je différais à chaque fois comme un présent que l'on ne veut pas ouvrir immédiatement.

J'ai attendu la fin du jour et son calme pour me nourrir entièrement des mots de « Lambeaux » qui m'a aimantée et profondément touchée tant sur le sujet que sur l'écriture.

Sublime, admirable , le vocabulaire me manque parce que le récit de Charles JULIET m'a bouleversée, me faisant tanguer vers une ivresse de mots et de sensations et m'a apporté en même temps une très grande sérénité comme si un manque venait d'être comblé.

Lambeaux m'a fait vivre un de mes plus beaux moments de lecture !

Bien sûr, je vais continuer avec la poésie et la lecture du journal pour continuer à découvrir et aimer l'écriture de ce très grand Monsieur de la littérature française.

Merci Monsieur Charles JULIET.
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Ouvrir ce livre et y entrer comme on entre dans le chant clair d'un ruisseau. Laisser ses pieds nus cheminer dans l'eau fraîche, sur les galets à peine lissés par le cours de l'onde.
Ce livre nous parle de la vie ordinaire, des destins faits de riens, à quoi tient la vie au juste. A peu de choses, la vie tient peut-être seulement dans la force d'une brindille, on peut en faire ce qu'on veut dans nos doigts pétris d'espoir et d'illusions. C'est ce que nous dit Charles Juliet, dans ce très beau récit, sobre et poétique. Lambeaux, selon la définition du Petit Robert, cela veut tout simplement dire : morceaux déchirés. Mais étymologiquement, le Petit Robert nous parle aussi de l'origine du mot et qui signifie : morceaux de chair. Voilà, tout est dit. Ce livre nous parle de blessures, de déchirures, de vies lacérées.
Il nous faut entrer dans ce livre à pas menus, pour ne pas effrayer la voix qui nous chuchote. Car les mots de ce livre se disent à peine du bout des lèvres. C'est une voix singulière, pleine de larmes et d'émerveillement.
La lumière d'une âme pure se voit souvent par le contraste des ombres qui s'en saisissent. Car les âmes pures ont des trajectoires qui traversent parfois la boue des autres sans toutefois les éclabousser, du moins dans leur âme.
Dans de livre sobre et ténu, Charles Juliet nous dit cela. Et nous avons deux bonnes raisons de le croire, puisqu'il nous parle de ses deux mères auxquelles il rend ici hommage.
Charles Juliet a eu deux mères, l'une biologique, l'autre adoptive. Il les nomme ainsi : l'esseulée et la vaillante, l'étouffée et la valeureuse, la jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée. Il les aime l'une autant que l'autre. Il leur doit tout et le leur rend dans ce texte fondateur et réparateur de lui-même, qu'il a mis du temps à écrire.
Le récit est composé de deux parties inégales ; la première partie est un hommage à Hortense, sa mère biologique qu'il n'a pas connue, l'autre plus concise est dédiée à sa mère adoptive, Félicie, à qui il sera confié provisoirement.
Et voilà le texte qui se déroule, nous découvrons Hortense qui voudrait échapper à sa condition de paysanne et de pauvreté, fuir ce père d'une brutale autorité, vivre autre chose que ce qui pourrait être déterminé par avance. Il la fait revivre dans ce tutoiement intime. Nous découvrons cette femme aimant la vie, mais, qui veut quitter le sort inexorable qui l'attend. Elle tient son journal sur un cahier acheté à un colporteur de son village. le besoin décrire de Charles Juliet est peut-être né dans ce signe transmis par sa mère. Elle est sensible et malheureuse et c'est sa voix intérieure qui s'exprime sur un petit cahier. Nous sommes dans un village de montage isolé durant plusieurs mois du reste du monde, à cause des neiges de l'hiver. C'est un silence qui enferme le paysage, les femmes et les hommes. Au printemps, la neige fond et ruisselle sur les chemins et les pentes. Elle ruisselle comme des larmes sur le visage de ce paysage austère, isolé de tout. Sur le visage de cette femme qui cherche sans cesse à partir, s'enfuir c'est son rêve, fuir ce destin inexorable qui l'entraîne peu à peu si loin de ses rêves et l'enferme chaque jour de plus en plus dans ce cloisonnement intérieur…
Puis vient la seconde partie, plus concise, comme si tout fut donné à celle dont les rêves de vie furent ravagés. Certains diront peut-être que ce texte est bancal. Et tant mieux donc car rien n'est symétrique dans une vie faite de blessures et d'espérance. Dans le second texte, il peint Félicie, par le détour de son enfance à lui, d'un autoportrait, l'enfant de troupe qu'il fut, sensible et meurtri sans peut-être le savoir encore, du poids de l'abandon de sa mère biologique, alors qu'il a sans cesse peur de perdre sa mère adoptive, l'aimante, peur de la perdre à jamais.
Ce texte est une écriture intime d'un enfant qui s'adresse à ses mères. Se remet-on un jour d'une enfance blessée, meurtrie ? Nous refermons ce livre très beau avec cette question qui nous fait mal. Mais avec aussi la pensée consolante de savoir que l'écriture peut aider à apaiser cette douleur.
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Ce titre ,Lambeaux, reflète évidemment la déchirure qui a fait souffrir CH.Julet.Un morceau de tissu trop abîmé pour être identifier, reconnu.Un vêtement dont on a honte, qui nous désigne paria, qui pointe l'usure et la pauvreté.Et pourtant, ce titre aurait pu être complété car c'est revêtu du plus bel habit que l'auteur termine son récit.Un vêtement que peu sont amené à revêtir car c'est celui de la réconciliation avec son passé, de l'appropriation de son histoire, de l'harmonisation de tous les amours dont il a été l'objet.C'est une naissance active pour laquelle il aura dû, tout d'abord, retrouver et honnorer ses deux mères, leur être loyal pour leur offrir la parole qui leur a été refusée au point de les éteindre.
C'est un roman vibrant dont je remercie vivement Diablotino d'avoir mis entre mes mains!
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En parlant de votre livre, Monsieur Juliet vous écrivez :« si tu parviens un jour à le mener à terme, il sera la preuve que tu as réussi à t'affranchir de ton histoire, à gagner ton autonomie ».
Vous avez réussi et avec quelle plume ! quel talent!.
Vous avez su nous faire vivre de façon très émouvante votre enfance, et la vie de vos mamans. Vous leur avez donné, grâce à votre merveilleux récit, la parole qu'elles n'ont pas eue. Vous nous faites part et nous ressentons les blessures, les frustrations et les envies qui ont été les vôtres.
Votre choix de parler à la deuxième personne du singulier pour parler de votre mère biologique dans la première partie puis de vous dans la seconde est tout à fait original mais aussi et surtout nous fait comprendre pour la première partie ce besoin de proximité avec une maman que vous n'avez pas connue et pour la seconde partie, la distance nécessaire pour saisir et mettre en mots vos souffrances. Cette distance ne rend pas le récit « froid », loin de là , votre livre est tout simplement bouleversant.
C'est un moment intense que vous nous avez fait partager et l'on comprend bien ô combien l'écriture de ce récit a dû être difficile mais aussi libératrice !
"Et tu sais qu'en dépit des souffrances, des déceptions et des drames qu'elle charrie, tu sais maintenant de toutes les fibres de ton corps combien passionnante est la vie."
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Tout d'abord ce livre est une autobiographie de l'auteur racontant son enfance difficile. Ce livre n'est pas simple à comprendre, voilà pourquoi je l'ai lu deux fois:
-la première fois au bout de la deuxième page, j'ai arrêté ma lecture. le vocabulaire était très soutenu par rapport au mien, les événements s'enchaînaient. Ensuite à ma deuxième levture, je me suis entièrement concentrée sur les mots, j'ai réfléchis au sens du texte, et j'ai beaucoup plus apprécié le livre. Dans ce texte vous allez vous mettre dans la peau de M. Juliet durant une période de sa vie la plus marquante.
I.B
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Ces 2 récits nous font découvrir la vie en lambeaux de 2 personnes : récit poignant de la triste vie de la mère biologique de l'auteur. On a envie de crier à l'injustice devant le dur labeur qui lui est exigé alors qu'elle est si douée pour les études. L'utilisation du « tu » nous fait encore plus ressentir la tristesse, la mélancolie de sa mère. Une fois que l'on connaît la fin dramatique qu'a connu sa mère, on devine les turpitudes à laquelle doit fait face l'auteur qui s'est longtemps senti abandonné et ce malgré l'amour entier de sa mère adoptive qui l'a toujours considéré comme un de ses enfants et ce malgré ses 6 enfants naturels dont elle avait la charge.
Là encore, l'emploi du « tu » par le narrateur nous plonge totalement dans sa vie, dans ses questionnements, dans ses craintes devant la vie.
Des phrases courtes, simples, poignantes, ces récits se livrent et se lisent tout simplement pour en ressentir encore plus les sentiments profonds des narrateurs.
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