p.94-5.
Certains de ses rôles, pourtant, donnent matière à réfléchir à la guerre de sexes. Ne joue-t-elle pas dans Les 4 Fantastiques, la Femme Invisible qui a la fâcheuse habitude de redevenir visible surtout quand elle est nue ? « Une métaphore superbe du rôle que tiennent les femmes au sein d'une famille. Elles se préoccupent tellement des autres qu'elles finissent par ne plus exister, par disparaître.
p.78.
Dans En cas de malheur, Gabin succombait évidemment à ses charmes, mais son jeune amant finissait par la tuer à cause de sa propension à « aimer trop » (c'est-à-dire à aimer d'autres hommes que lui). De même dans La Vérité, le poids d'une société masculine argentée, représentée à la fois par Sami Frey (le jeune amant, encore) et Paul Meurisse (le bien-nommé avocat général Maître Éparvier) la poussait au suicide. De pareilles velléités, même circonscrites au terrain du cinéma, « empiétaient sur le terrain jusque-là interdit aux femmes, de l'autonomie sexuelle et morale », créant « le scandale des scandales : la rébellion contre les impératifs du patriarcat ».
p.6.
A priori, tout est simple : une jolie fille pose pour des messieurs, qui accrochent son image au mur. Trompeuse simplicité. Faut-il absolument que la fille soit « jolie » ?, narcissique ?, exhibitionniste ? La disponibilité sexuelle à laquelle renvoie le sens XVIIIe siècle du mot « fille » est-elle forcément de mise ? Le mâle hétérosexuel est-il toujours supposé réagir en chien de Pavlov voyeur ? Ne peut-on faire la pin-up, pour son propre plaisir ? Entre filles ?... etc. Le cinéma, depuis plus d'un siècle, soulève des questions de ce genre, ne serait-ce qu'en donnant vie, par le mouvement, à la créature figée sur papier accrochée au mur.
Réputées pour leur poitrine démesurée, les héroïnes de Russ Meyer, elles, étaient politiquement moins faciles à appréhender. On pouvait aisément les prendre pour des femmes-objets :
- Qui se soucie du développement des personnages quand ils ont des seins qui se voient sur des photos de satellite ?
Mais à mesure que les années qui passaient montraient que leurs films se prêtaient à une lecture postféministe, les Meyers Girls refusèrent de plus en plus ouvertement de se cantonner au rôle d'objets-phénomènes :
- Vous pouvez à la fois être féminine et en avoir dans le pantalon, résuma Tura Satana
p.32.
À l'époque, le personnage joué par Jean Harlow apparaissait clairement comme la bad girl qui choisit un homme, le manipule et s'en sépare une fois qu'il ne veut plus jouer. De nos jours, on remarque surtout que la good girl en face sacrifie son intelligence et son indépendance à son amoureux, lui offrant sur un plateau aussi bien les idées (pour la pièce de théâtre qu'il n'arrive pas à écrire), que les repas qu'elle lui prépare sans discuter.