Punk Friction est un polar social qui n'est pas sans me rappeler un certain JB Pouy en plus jeune. User de romanesque sordide pour éclairer les errements de notre société, ça s'est déjà vu. Quand on observe la période actuelle, on se dit qu'elle est riche en opportunité. Je l'ai écrit plusieurs fois, j'aime quand un polar se fait l'écho de notre société, qu'il prend ses sources de réflexions dans son fondement.
Auchel, un coin perdu dans les Hauts de France. 5 jours durant en Février. Ça caille sous la neige. le corps d'un Punk cramé dans un cimetière revient au Capitaine Demeyer, quadra bourru qui a déjà trop vécu et au Lieutenant Lisziak tout juste démoulé de l'école. le duo est bancal. Il est envoyé par le SDPJ de Lille. La communication passe mal entre les deux. Ce duo est secoué par la présence de Garance Fazuras, une jeune et jolie fliquette locale pleine d'esprit d'initiative.
Dehors, la population aimerait croire que le coupable se cache parmi la bande de punks qui zone dans le coin. A cette affaire, dans ce coin perdu, s'ajoute une étudiante découpée en morceau. Deux affaires pour les enquêteurs. Mais c'est sans compter sur l'esprit de
Jess Kaan avide de fausses routes. L'ombre du Géant plane. le roman commence vraiment.
La mise en scène de l'enquête devient un prétexte pour l'auteur, pour explorer ce qui reste de l'ancien bassin minier frappé par la crise. Ce bouquin a du fond.
A travers l'enquête de voisinage,
Kaan dresse le constat sans concession de cette classe populaire abimée. C'est un fait, des gens vivent à Auchel et dans la région. Pas forcément des bardés de diplômes, mais ils essayent de s'en sortir, comme ils peuvent. Seuls. Durement. Leur réalité sociale s'est fracassée contre un contexte économique plus que défavorable.
La police, comme partout dans l'hexagone, doit faire avec. Donc plutôt sans. Manque d'effectifs, manque de moyens.
Et il y a les élites, les notables. Locaux ou parachutés de la capitale, ils sont hors-sol. Leur incapacité à appréhender la réalité de la vie locale, n'est que le reflet des échecs des politiques successives.
Ceux qui y vivent, comme ces territoires, ont été abandonnés. Les jeunes en particuliers car pour les adultes c'est déjà trop tard. Cette jeunesse est désabusée, complétement perdue. Même les punks à chien sont sans chien.
Exit le No Futur de leurs ainés. Ils ont été élevés avec. Les mômes de
Kaan sont des ados désespérés, partagés entre l'attrait du web et une lassitude écrasante d'une vie même pas rêvée. Qu'il s'agisse de Kimberley Riberner, la paumée grassouillette aux mèches brunes dépassant de son bonnet flashy, Lindsey son amie, Amélie Tourbières, avec sa vingtaine d'années, son nez retroussé, et son air d'une adolescente qui aurait trop vite grandi, Sarah la première victime, même pas 20 ans, une blonde, plutôt mignonne, et les autres Candy, Tiffany, Hakim, Donovan Remoulard, ce gosse de 13 ans avec ses trois piercings avec tête de mort à l'oreille, on ne peut que ressentir une certaine empathie. Ils sont déjà paumés dans un monde pourris par les adultes.
Côté adultes, il y a la loi et les autres.
Pour ce qui est du style,
Punk Friction est une belle réussite.
Jess Kaan réussit à intégrer l'utilisation du « parlé local » avec humour. Il se joue des clichés. Certains y trouveront à redire, perso, j'aime bien. Rien qu'à l'accent, tu sens l'alcool. Pour le reste, il manie le lecteur et le ballade jusqu'à une fin où le polar prend une vive accélération.
Voilà, j'ai fini cette chronique. Ah oui, j'allais oublier. J'ai aimé le clin d'oeil du procureur. Décidément, Lajouanie est une grande famille.
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