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Citations sur Lettre au père (114)

A table, on ne devait s'occuper que de manger, mais toi, tu te curais les ongles, tu te les coupais, tu taillais des crayons, tu te nettoyais les oreilles avec un cure-dent. Je t'en prie, père, comprends-moi bien, toutes ces choses étaient des détails sans importance, elles ne devenaient accablantes pour moi que dans la mesure où toi, qui faisais si prodigieusement autorité à mes yeux, tu ne respectais pas les ordres que tu m'imposais. il s'ensuivit que le monde se trouva partagé en trois parties : l'une, celle où je vivais en esclave, soumis à des lois qui n'avaient été inventées que pour moi et auxquelles par-dessus le marché je ne pouvais jamais satisfaire entièrement, sans savoir pourquoi ; une autre qui m'était infiniment lointaine, dans laquelle tu vivais, occupé à gouverner, à donner des ordres, et à t'irriter parce qu'ils n'étaient pas suivis ; une troisième, enfin, où le reste des gens vivait heureux, exempt d'ordres et d'obéissance. J'étais constamment plongé dans la honte, car, ou bien j'obéissais à tes ordres et c'était honteux puisqu'ils n'étaient valables que pour moi ; ou bien je te défiais et c'était encore honteux, car comment pouvais-je me permettre de te défier ! ou bien je ne pouvais pas obéir parce que je ne possédais ni ta force, ni ton appétit, ni ton adresse - et c'était là en vérité la pire des hontes. C'est ainsi que se mouvaient, non pas les réflexions, mais les sentiments de l'enfant.
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Très cher père. Tu m’as demandé récemment pourquoi je prétends avoir peur de toi. Comme d’habitude je n’ai rien su te répondre, en partie justement à cause de la peur que tu m’inspires…
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Tes moyens les plus efficaces d'éducation orale, ceux du moins qui ne manquaient jamais leur effet sur moi, étaient les injures, les menaces, l'ironie, un rire méchant et chose remarquable tes lamentations sur toi-même
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Exceptionnellement, la répugnance que tu ne manquas pas de montrer d’emblée, pour mon activité littéraire comme pour le reste, me fut agréable. Ma vanité, mon ambition avaient certes à souffrir de l’accueil, devenu célèbre parmi nous, que tu faisais à mes livres : « Pose-le sur la table de nuit ! » (lorsqu’il arrivait un livre, en effet, tu jouais généralement aux cartes), mais au fond je m’en trouvais bien, non seulement à cause de mon attitude de revendication méchante, non seulement parce que je me réjouissais de voir ma conception de nos rapports une fois de plus confirmée, mais aussi, tout à fait spontanément, parce que cette formule me paraissait signifier à peu près : « Maintenant tu es libre ! » Bien entendu, c’était là une illusion, je n’étais pas, ou dans le meilleur des cas, pas encore libre. Dans mes livres, il s’agissait de toi, je ne faisais que m’y plaindre de ce dont je ne pouvais me plaindre sur ta poitrine.
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Depuis que je suis en mesure de penser, l'affirmation de mon existence spirituelle m'a donné des soucis tellement graves que tout le reste m'a été indifférent.
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Il me semble qu’on arrive malgré tout à un résultat approchant d’assez près la vérité pour nous apaiser un peu, et nous rendre à tous deux la vie et la mort plus faciles. 
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Il n'est pas nécessaire de voler au cœur du soleil mais tout de même de ramper vers une petite place pure sur la terre où brille parfois le soleil et où l'on peut se réchauffer un peu.
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Comme tu avais un puissant appétit et une propension particulière à manger tout très chaud, rapidement et à grandes bouchées, il fallait que l'enfant se dépêchât ; il régnait à table un silence lugubre entrecoupé de remontrances : "Mange d'abord, tu parleras après", ou bien : "plus vite, plus vite, plus vite" , ou bien : "Tu vois, j'ai fini depuis longtemps."
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Mais l'obstacle essentiel à mon mariage, c'est la conviction, maintenant indéracinable, que pour pourvoir à la suffisance d'une famille et combien plus encore pour en être vraiment le chef, il faut avoir toutes ces qualités que j'ai reconnues en toi, bonnes et mauvaises prises ensemble telles qu'elles se trouvent organiquement réunies dans ta personne, c'est-à-dire de la force et du mépris pour les autres, de la santé et une certaine démesure, de l'éloquence et un caractère intraitable, de la confiance en soi et de l'insatisfaction à l'égard de tout ce qui n'est pas soi, un sentiment de supériorité sur le monde et de la tyrannie, une connaissance des hommes et de la méfiance à l'endroit de la plupart d'entre eux, à quoi s'ajoutent des qualités entièrement positives, telles que l'assiduité, l'endurance, la présence d'esprit, l'ignorance de la peur.
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Je ne dis pas, naturellement, que ton action sur moi soit seule cause de ce que je suis devenu. Ce serait exagéré (et je tombe même dans cette exagération). Quand j'aurais été élevé absolument à l'écart de ton influence, il est fort possible que je n'eusse pu devenir un homme selon ton cœur. Sans doute aurais-je tout de même été un être faible, anxieux, hésitant, inquiet, ni un Robert Kafka, ni un Karl Hermann, mais j'aurais cependant été tout autre et nous aurions parfaitement pu nous entendre. J'aurais été heureux de t'avoir comme ami, comme chef, comme oncle, comme grand-père, même (encore qu'avec plus d'hésitation) comme beau-père. Mais comme père, tu étais trop fort pour moi, d'autant que mes frères sont morts en bas âge, que mes sœurs ne sont nées que bien plus tard et que, en conséquence, j'ai dû soutenir seul au premier choc pour lequel j'étais beaucoup trop faible.
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